Etats-Unis : qui est le complotiste Alex Jones, condamné à payer près d'un milliard de dollars après avoir nié une tuerie dans une école ?
La lourde condamnation d'une figure du complotisme aux Etats-Unis : Alex Jones, qui ne reconnaissait pas la réalité d'une fusillade dans une école, doit payer près d'un milliard de dollars aux familles des victimes.
C'était le 14 décembre 2012, à Sandy Hook, dans le Connecticut. Un jeune homme armé d'un semi-automatique fait irruption dans l'école primaire de la ville. Il abat 20 enfants et 6 membres du personnel. L'une des pires tueries qu'ait jamais connu le pays. À l'époque, Alex Jones se marre. Sur le site internet, qui lui permet de vomir sa propagande, Infowars, cette figure du complotisme aux Etats-Unis explique que les parents éplorés sont en réalité des acteurs, que le massacre n'est qu'une mise en scène orchestrée par le gouvernement et les opposants aux armes à feu.
Alex Jones, un complotiste américain, devra verser 965 millions de $ aux proches des victimes du massacre de l’école Sandy Hook, qu’il accusait d’être des acteurs.
— AJ+ français (@ajplusfrancais) October 13, 2022
Certains ont été harcelés suite à ses théories.
20 enfants et 6 adultes sont morts dans cette fusillade en 2012. pic.twitter.com/u2eELk9z9h
Le militant d'extrême-droite finira par être banni de nombreux réseaux sociaux et par admettre publiquement la réalité de la tragédie. Mais sa théorie conspirationniste s'est répandue et, pendant des années, ses fans iront jusqu'à harceler les familles, les menacer de mort ou de viol. Certains leur ont même envoyé des messages menaçant de souiller et de déterrer les tombes des victimes.
Un verdict historique
Ces familles, qui ont porté plainte, obtiennent aujourd'hui réparation : 965 millions de dollars très précisément pour diffamation et préjudice moral. Cela montre "qu'internet n'est pas le Far West", dit un homme dont la femme a été tuée à Sandy Hook, "que les actes ont des conséquences". "Le simple fait d'arriver à un procès devant un jury est un énorme accomplissement, étant donné les mesures extrêmes qu'Alex Jones a prises pour tenter de l'éviter", a déclaré Alinor Sterling, une avocate des familles relayée par le New York Times. Un autre avocat, Chris Mattei, promet de faire "appliquer" ce verdict "historique".
Ce qui n'est pas gagné. Alex Jones, qui a toujours son site internet (et officie depuis le Texas), s'est permis un live stream lors la lecture du verdict. Pour dire qu'il ne lâcherait rien. Et tandis que le juge égrène la litanie des condamnations, tandis que dans la salle d'audience les familles de Sandy Hook qui ont perdu un enfant pleurent en se prenant la tête dans les mains. Alex Jones commente et se moque "Allez, faites monter les prix".
Alex Jones crie "YEAH" et "WOOO" en serrant le poing, "Get those numbers up" pendant que les familles de Sandy Hook qui ont perdu un enfant pleurent en écoutant la lecture du verdict condamnant Jones à payer 965 millions de dollars de dommages et intérêts. pic.twitter.com/rTSibYjp1P
— Philippe Berry (@ptiberry) October 12, 2022
"Ils ont couvert ce qui s'est réellement passé, et maintenant je suis le diable". "Je suis en fait fier de subir ce niveau d'attaque". "Vous savez quoi ?" dit-il à ses soutiens. "On a pas peur et on va pas pas arrêter. Je peux faire appel. Et avec quelques centaines de milliers de dollars, je peux les garder des années devant les tribunaux. Ces milliards qu'ils réclament, c'est une blague".
Le complotiste qui défend férocement le deuxième amendement de la Constitution incite ensuite les internautes à faire un don, ou à acheter les compléments alimentaires, le matériel de survie ou les accessoires pour armes à feu qu'il vend sur son site et qui - autant que ses mensonges - ont contribué à bâtir sa fortune.
L'homme des "fake news"
Alex Jones a beau avoir un empire (estimé en août par un économiste judiciaire au maximum à 270 millions de dollars), il n'a pas assez d'argent pour payer la sentence. Et de toute façon il a opportunément organisé son insolvabilité : il a mis en faillite sa société mère, Free Speech Systems - ce que les familles des victimes de Sandy Hook ont contesté devant les tribunaux comme une manoeuvre pour éviter de payer des dommages et intérêts.
C'est un homme qui ne se taira pas. Alex Jones a joué un rôle dans la diffusion de pratiquement tous les mensonges qui ont fait la Une des journaux au cours de la dernière décennie, le Pizzagate (un présumé trafic d'enfants organisé par les démocrates dans une pizzeria de Washington), la "théorie du grand remplacement" (qui a déclenché des violences néonazies meurtrières à Charlottesville, en Virginie), les contre-vérités sur le Covid et la présidentielle de 2020.
Alex Jones Remember his staff *sources news from 8 CHAN? https://t.co/0dbSJTrZZM
— Molecule Magic (@BunnysonBurner) October 13, 2022
Alex Jones fait maintenant l'objet d'un examen minutieux de la part du ministère de la Justice et de la commission du 6 janvier de la Chambre des représentants pour son rôle dans les événements liés à l'insurrection du Capitole du 6 janvier, qu'il a d'ailleurs diffusés en direct.
Une condamnation sans effet ?
Son soutien inconditionnel à l'ancien président Donald Trump, qui est apparu dans son émission alors qu'il était candidat républicain à la présidence, a fait passer Alex Jones de la frange extrémiste au centre de la politique républicaine de l'ère Trump.
De la même manière que la fusillade de Sandy Hook n'a rien changé sur la question du contrôle des armes à feu, aujourd'hui, près 20% d'Américains pensent que les fusillades de masse médiatisées sont des "fake news" organisées par le gouvernement. En partie à cause de lui. Sa condamnation ne changera pas leurs croyances. Au contraire. Comme le principal intéressé, qui a déclaré pendant le procès que ces poursuites judiciaires étaient un effort de l'"État profond" pour le réduire au silence.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.