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La Chine commet un "génocide" contre les Ouïghours, dernière bombe diplomatique de l’administration Trump

Mike Pompeo, secrétaire d’État américain sortant, n’a pas mâché ses mots concernant la Chine avant de quitter son bureau.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Discours du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo au Club de la presse à Washington (USA), le 12 janvier 2021. (ANDREW HARNIK / POOL)

C'est une bombe diplomatique, juste avant de partir. Mike Pompeo, le secrétaire d'État américain, a voulu marqué son départ. Mardi 19 janvier, à quelques heures de remettre les clés de la diplomatie américaine à l'équipe de Joe Biden, il a dit les mots qui fâchent : le gouvernement chinois commet un "génocide" contre les Ouïghours, cette minorité musulmane chinoise. Dans le Xinjang : "Nous assistons à une tentative systématique de détruire les Ouïghours de la part du parti-État chinois", déclare-t-il dans un communiqué, évoquant aussi des "crimes contre l'humanité". Environ un million de Ouïghours sont internés dans des camps de "rééducation."

C'est la première fois que le gouvernement d'un pays utilise le terme de "génocide". Selon la Convention des nations unies du 9 décembre 1948 ," génocide" est défini comme "l'intention de détruire partiellement ou totalement une nation, une ethnie, un groupe racial ou religieux." Depuis plusieurs années, beaucoup de pays se s'indignent de la situation des Ouïghours mais jusqu'à présent, seul le Canada avait évoqué le terme de "génocide" (dans un rapport du Parlement canadien), non repris ensuite officiellement par le gouvernement.

Pékin rejette ces accusations. Dans la nuit, l'ambassadeur de Chine aux États-Unis a estimé qu'il s'agissait d'un "mensonge" visant à "discréditer" son pays. Depuis deux ans, l'administration Trump dénonce la situation des Ouïghours et en a fait un des arguments de sa guerre contre la Chine. Ce à quoi le régime chinois avait répondu la semaine dernière que les informations sur le génocide avaient été "fabriquées", dénonçant le "complot du siècle". De nouvelles sanctions contre la Chine ne devraient pas être prises tout de suite mais cette déclaration aura un impact fort. Pompeo exhorte la communauté internationale "à se joindre aux États-Unis" dans leur effort "pour que les responsables de ces atrocités rendent des comptes".

Une position "plus agressive des États-Unis"

Ces déclarations ne devraient pas compliquer les débuts de Joe Biden sur la scène internationale car même avant la sortie de Pompeo, la Chine était au coeur des préoccupations de la future administration Biden. Les droits de l'Homme, Hong Kong, Taiwan, mais aussi la guerre commerciale.

Dans la nuit de mardi 19 janvier à mercredi, lors d'une audition au Sénat visant à confirmer son poste, Antony Blinken, prochain secrétaire d'État, a confié que la Chine est "sans nul doute" le plus grand défi auquel les États-Unis sont confrontés. Sur les Ouïghours, Mike Pompeo "a eu raison d'avoir une position plus ferme face à la Chine", selon Blinken. Même s'il avoue vouloir "rompre avec la politique unilatéraliste de Trump" sur les autres dossiers, le nouveau chef de la diplomatie confirme être "d'accord" avec le terme de génocide. En août, pendant la campagne présidentielle, son équipe avait déjà parlé de "génocide"Quant à la prochaine directrice du renseignement national, Avril Haines, elle s'est dite favorable à une "position plus agressive" vis-à-vis de la Chine.

Style plus rationnel mais pas moins ferme

Face au président chinois Xi Jinping, Joe Biden va opter pour un ton plus courtois, plus prévisible et plus rationnel. Mais sur le fond, il pourrait s'avérer plus ferme que Donald Trump. Alors que le président sortant ne s'intéressait guère aux Ouïghours, Joe Biden sera plus intransigeant. Il y a quelques mois, il a notamment déclaré que "l'internement des Ouïghours était l'une des pires violations des droits de l'Homme dans le monde". 

Sa position vis-à-vis de la Chine sera une position dure.  "Une position qui est d'ailleurs représentative de l'opinion publique américaine. La Chine est perçue comme un État hostile, une puissance conquérante et menaçante", note Nicole Bacharan, spécialiste des États-Unis. Pour contrer le géant chinois, notamment sur ses pratiques financières et commerciales jugées "abusives et illégales" par les États-Unis, le nouveau président démocrate veut réactiver de vieux contacts et va chercher à renouer avec ses anciennes alliances pour construire un front commun avec l'Europe.

Joe Biden ne risque pas de flatter Xi Jinping comme aimait le faire Donald Trump, fasciné par les régimes autoritaires. Pendant la campagne présidentielle, il n'a pas eu de mots tendres envers le président chinois : "C'est un type qui n'a pas le moindre ossement de démocratie dans son squelette. C'est un voyou". On attend la première poignée de main.

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