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Pays-Bas : les agriculteurs créent la surprise aux élections et menacent le plan "vert" du gouvernement

La colère des agriculteurs se traduit dans les urnes, au point de mettre en péril les ambitions environnementales du gouvernement.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Caroline van der Plas cheffe du "BoerBurgerBeweging" ou "BBB", à Colmschafte (Pays-Bas). (SEM VAN DER WAL / ANP via AFP)

Séisme politique aux Pays-Bas ! Il y a quelques jours, le "Mouvement agriculteur-citoyen" ("BoerBurgerBeweging" ou "BBB"), était encore un parti microscopique, qui n'avait qu'une seule élue, Caroline van der Plas, sa cheffe, élue députée en 2021 – le jour de son investiture, elle était arrivée au Parlement en tracteur.

>> Pays-Bas : le "Mouvement agriculteur citoyen" fait sensation avant les élections locales

Aux élections provinciales du mercredi 15 mars, surprise : le BBB arrive premier... il casse la baraque ! Et comme ces élections déterminent la composition du Sénat, BBB y devient tout d'un coup le parti le plus puissant pour les quatre ans qui viennent.

Le symbole du drapeau renversé

Personne ne l'avait vu venir : ni Caroline van der Plas, ni les sondages... et encore moins le gouvernement. Devant ses partisans, mercredi soir, la nouvelle égérie du paysage politique néerlandais portait son habituel vernis à ongles vert et une bague ornée d'un drapeau néerlandais renversé, symbole des manifestations antigouvernementales.

En temps normal, ces élections provinciales néerlandaises n'intéressent pas vraiment les Néerlandais. Mais cette année la participation (environ 57,5%) est exceptionnellement élevée. Pour le monde agricole, l'enjeu était énorme. 

Parce que c'est à l'échelle des provinces que le gouvernement va mettre en place en juin son ambitieux plan de réduction des rejets d’azote, destiné à se mettre en conformité avec les recommandations européennes, mais qui suscite la colère des agriculteurs. "On ne se sent pas vraiment entendus, on ne se sent même parfois plus les bienvenus dans notre propre pays", déclarait la semaine dernière à l’AFP Erik Stegink, président national du BBB et éleveur porcin.

Expulsion des agriculteurs

Ce plan prévoit de réduire le nombre d'animaux d'au moins 30% au niveau national et d'expulser les fermiers dont les exploitations se situent trop près des zones Natura 2000 pour les protéger de la pollution.
Les sols sont gorgés de protoxyde d’azote, d’ammoniac et de nitrates et les effluents des élevages de porcs et de vaches laitières représentent presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre produit par le pays.
Il y a trente ans, les Pays-Bas ont fait le choix de l'élevage intensif, c'est comme ça qu'ils ont réussi à devenir le 1er exportateur de viande de l'Union européenne, malgré sa petite taille (environ 41 500 km2 pour 18 millions d'habitants).

Sauf qu'aujourd'hui ce modèle est dans une impasse environnementale, économique et sociétale. Sa réforme est une nécessité. Pourtant le "Mouvement agriculteur-citoyen", soutenu par une partie de la population, continue de le défendre. "Je suis très heureux et fier d'avoir déjà fait partie de ces premiers électeurs" de BBB en 2021, dit cet internaute.

Classé comme un parti de droite, populiste, plutôt anti-Union européenne et anti-immigration, BBB demande pourquoi le gouvernement ne s'attaque pas à d’autres secteurs comme l’industrie et les transports. La Haye veut débloquer 25 milliards d’euros d’ici à 2035 pour aider le secteur agricole à réduire ses émissions d’azote.

Le gouvernement fragilisé

La coalition de Mark Rutte, déjà minoritaire au Sénat, obtient moins de 30% et prend un sacré coup de massue. Ce n’est "pas la victoire que nous voulions ", a concédé le Premier ministre auprès de l’agence de presse néerlandaise ANP. Déjà contrainte de trouver des compromis au coup par coup, elle va avoir du mal désormais à faire passer son programme d’ici aux prochaines élections générales, au printemps 2025. Les agriculteurs-citoyens, eux, vont pouvoir exiger de grosses concessions sur son plan anti-azote. 

Le Premier ministre, à la tête du parti de centre droit VVD, en poste depuis 2010, en est à son 4e mandat consécutif : il en a vu d'autres. Mais il ne devra pas négliger le fait que le mouvement des agriculteurs a aussi récolté les voix d'une partie des électeurs qui se lasse ou qui a perdu confiance dans les partis traditionnels. "Le gain historique du BBB est le résultat de nombreux votes protestataires", dit Marleen de Rooy, journaliste à la télévision publique NOS. Mark Rutte, "Monsieur Teflon", ainsi surnommé parce que tout lui glisse dessus sans jamais l'atteindre risque cette année... d'accrocher un peu.

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