Russie : le pouvoir bâillonne les voix des femmes dont les maris sont mobilisés en Ukraine

En Russie, il n'y aura désormais plus aucune manifestation contre la guerre en Ukraine. Les autorités viennent de mettre sous l'éteignoir le dernier mouvement dont elles toléraient encore la liberté d'expression.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le Kremlin, à Moscou, en mars 2024 en Russie. (TATYANA MAKEYEVA / AFP)

Il ne restait plus qu'elles : ces femmes dont les maris, civils, ont été mobilisés à l'automne 2022 pour renforcer l'armée sur le front ukrainien et qui ne sont toujours pas rentrés. Jusqu'au début de l'année 2024, elles étaient encore quelques dizaines à braver leur peur pour se retrouver chaque semaine, œillet rouge à la main, devant la tombe du Soldat inconnu, au pied des murs du Kremlin.

Le nom de leur mouvement : "Le chemin de la maison". Pas question de contester "l'opération spéciale" de Vladimir Poutine au risque de finir en prison. Le simple fait de demander publiquement que leurs hommes soient remplacés par des volontaires est déjà irritant pour le régime. Un acte rarissime et risqué. En février 2024, une série d'arrestations de femmes, mais aussi de journalistes qui couvraient leur rassemblement, les avait contraintes à se faire plus discrètes. Le Kremlin ne voit pas non plus d'un très bon œil la relative popularité du mouvement sur Telegram.

Déclarée "agente de l'étranger", elle doit "retourner dans l'ombre"

Cette fois, ces femmes sont vraiment réduites au silence. Les filatures, les voitures stationnées sous leurs fenêtres, les menaces faites à leurs hommes sur le front ont fini par décourager les plus tenaces. La figure de proue du mouvement, Maria Andreïeva, 34 ans, a quant à elle été labellisée en mai "agente de l'étranger", une formule fourre-tout qui permet aux autorités d'édicter toutes les interdictions possibles et imaginables. Maria Andreïeva, qui est pédiatre, n'a ainsi plus le droit de travailler dans un établissement public. Lundi 5 août 2024, elle annonce sur Telegram qu'elle doit quitter son emploi. Le lendemain, elle explique qu'elle abandonne son combat : "Je dois retourner dans l'ombre". Le Kremlin a gagné.

La répression des autres voix dissidentes continue. Les récents échanges de prisonniers entre Moscou et l'Occident ne doivent pas faire oublier que le pouvoir s'obstine à mettre le pays sous cloche. Tout ce qui n'est pas dans la ligne du Kremlin est considéré comme hostile. Le 5 août, par exemple, c'est la fondation allemande Konrad Adenauer (qui promeut la démocratie), qui a été déclarée "indésirable" et interdite. Une décision totalement symbolique puisque la fondation n'est même plus présente en Russie.

Débit YouTube ralenti

Les réseaux sociaux sont aussi dans le collimateur des autorités, qui ont considérablement réduit le débit de YouTube. Il faut désormais cinq fois plus de temps qu'avant pour télécharger une vidéo du site américain, dans un pays où Facebook, Twitter et Instagram sont déjà interdits depuis 2022.


La mesure de rétorsion est parfaitement assumée par les députés notamment, qui expliquent que c'est Google qui a commencé, que le moteur de recherche n'aurait pas dû suspendre les chaînes des blogueurs, des journalistes et des artistes pro-Kremlin (dont le chanteur Shaman). Une manifestation, autorisée par le Kremlin cette fois, a eu lieu le 16 juillet 2024 devant l'ambassade américaine à Moscou pour dénoncer la russophobie de Google.

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