Ce que l'on sait de l'échange historique de prisonniers entre la Russie et plusieurs pays occidentaux, qualifié de "prouesse diplomatique"

Cinq pays occidentaux ont obtenu la libération de plusieurs opposants politiques au régime de Vladimir Poutine, en échange du retour de plusieurs citoyens russes condamnés pour espionnage ou meurtre.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président des Etats-Unis Joe Biden s'exprime sur l'échange de prisonniers avec la Russie et la Biélorussie, aux côtés de membres des familles des ressortissants américains concernés, à Washington, le 1er août 2024. (CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Une "prouesse diplomatique" inédite depuis la fin de la guerre froide. Cinq pays occidentaux, la Russie et la Biélorussie ont procédé à un échange de 26 prisonniers, a annoncé la Turquie où se sont tenus les échanges, jeudi 1er août.

Parmi eux, le journaliste américain Evan Gershkovich, l'ancien Marine Paul Whelan ou l'opposant politique russo-britannique Vladimir Kara-Mourza, mais aussi des ressortissants russes condamnés pour espionnage ou meurtre. Toutes les identités des personnes libérées n'ont pas été encore rendues publiques. Voici ce que l'on sait de cet échange.

Des journalistes et opposants politiques libérés par la Russie et la Biélorussie

La présidence turque a annoncé que cette "opération d'échange de prisonniers la plus importante de ces derniers temps" a concerné "26 personnes provenant des prisons de sept pays différents" : Etats-Unis, Allemagne, Pologne, Slovénie, Norvège, Russie et Biélorussie.

"Treize" prisonniers ont été transférés "en Allemagne et trois aux Etats-Unis". Les Etats-Unis ont notamment obtenu de la Russie la libération du journaliste américain du Wall Street Journal Evan Gershkovich, condamné à seize ans de prison en juillet à l'issue d'un procès expéditif pour des accusations d'espionnage jamais étayées. L'ancien Marine américain Paul Whelan, emprisonné en Russie depuis 2018 et condamné en 2002 à seize ans de prison, a également été libéré, tout comme la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva.

Plusieurs opposants politiques au régime de Vladimir Poutine et à la guerre en Ukraine ont aussi été libérés. Parmi eux, le Russo-Britannique Vladimir Kara-Mourza, les Russes Ilia Iachine et Oleg Orlov, et l'artiste Alexandra Skotchilenko. Deux collaboratrices de l'ex-ennemi numéro un du Kremlin Alexeï Navalny, Lilia Tchanycheva et Ksenia Fadeïeva, sont également sur la liste.

Rico Krieger, un Allemand condamné au Bélarus pour terrorisme et mercenariat, et un jeune Russo-Allemand Kevin Lik ont également été libérés. Le Kremlin a précisé que le président russe Vladimir Poutine avait gracié les treize personnes condamnées en Russie et libérées dans le cadre de l'accord.

Des espions, fraudeurs et meurtrier russes libérés 

Les services de sécurité russes (FSB) ont, eux, confirmé le retour de "huit citoyens russes" et "deux enfants mineurs". Parmi eux, l'agent russe présumé Vadim Krassikov, emprisonné en Allemagne pour l'assassinat d'un ex-commandant séparatiste tchétchène à Berlin, et Roman Seleznev et Vladislav Kliouchine, condamnés aux Etats-Unis pour fraude.

Sont également concernés plusieurs espions condamnés ou présumés, dont Pavel Roubtsov, Mikhaïl Mikouchine et Vadim Konechtchenok. Les "deux mineurs" sont les enfants d'un couple d'espions russes, Artem Viktorovich Dultsev et Anna Valerevna Dultseva, arrêtés fin 2022 en Slovénie.

Alexeï Navalny devait faire parti des opposants politiques libérés

Washington avait également travaillé à inclure dans un accord la libération d'Alexeï Navalny, a annoncé la Maison Blanche. Des efforts réduits à néant quand l'opposant politique est mort en février dans une prison russe en Arctique, dans des circonstances troubles.

Un échange félicité par les deux camps

Le président américain Joe Biden a salué une "prouesse diplomatique". "Il n'y a jamais eu, à notre connaissance, d'échange impliquant autant de pays", s'est félicité Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. Joe Biden a aussi remercié les "décisions courageuses et audacieuses" prises par des alliés des Etats-Unis pour cet échange "historique", louant particulièrement le rôle de l'Allemagne et de la Turquie.

"La décision" de libérer Vadim Krassikov "n'a pas été facile à prendre par le gouvernement allemand", a admis dans un communiqué le porte-parole du Premier ministre allemand Olaf Scholz. Mais "notre devoir de protection", l'aide à des "personnes innocentes emprisonnées en Russie pour des raisons politiques" et la "solidarité" avec les Etats-Unis ont primé, a-t-il conclu.

Le Royaume-Uni s'est "vivement félicité" jeudi de l'échange de prisonniers entre la Russie, se disant "particulièrement soulagé" pour ses ressortissants concernés. L'Otan a également salué l'échange, et le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk "exprime son soulagement". "Tous les journalistes et défenseurs des droits détenus uniquement pour avoir fait leur travail doivent être libérés. Ils doivent pouvoir travailler en toute sécurité, sans crainte", a déclaré le haut-commissariat sur le réseau X.

"C'est un grand bonheur ! Chaque libération de prisonniers politiques, c'est une immense victoire et une joie", s'est réjouie sur le réseau X Ioulia Navalnaïa, la veuve d'Alexeï Navalny elle-même en exil. "Personne ne devrait être l'otage de Poutine, subir des tortures et mourir dans les prisons de Poutine."

De son côté, l'ONG Amnesty International a déploré "un pas vers l'extension de l'impunité" judiciaire. "Un meurtrier et d'autres criminels condamnés dans le cadre d'un procès équitable sont désormais libérés, en échange de personnes qui n'ont fait qu'exercer leur droit à la liberté d'expression", a regretté l'antenne allemande de l'association. L'organisation se dit "soulagée" par ces remises en liberté, mais redoute que cet accord ne puisse encourager le gouvernement russe à "de nouvelles arrestations politiques et violations des droits de l'homme, sans peur des conséquences".

Vladimir Poutine a "félicité" les huit citoyens russes libérés, qu'il a accueillis à l'aéroport Vnoukovo de Moscou à leur arrivée, selon des images de la télévision russe. Il a remercié en particulier ceux servant dans l'armée russe "pour leur fidélité".

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