Le vrai du faux. Anne Hidalgo avait-elle réquisitionné des éboueurs en 2016, comme l'assure la ministre Olivia Grégoire ?
Olivia Grégoire affirme que la maire de Paris n'agit pas de la même façon pendant la grève des éboueurs contre la réforme des retraites en 2023 que pendant celle contre la loi "Travail" en 2016.
"Que fait Anne Hidalgo ?" La question est répétée, en boucle, par des élus de droite ou des membres du gouvernement sur les plateaux télé, dans les interviews, sur les réseaux sociaux, alors que des poubelles s'amoncellent dans les rues de la capitale – comme dans d'autres villes françaises – en raison de la grève des éboueurs contre la réforme des retraites. Les appels à la réquisition des grévistes se répètent, jusqu'au ministère de l'Intérieur : Gérald Darmanin a donné instruction au préfet de police de Paris de demander à la mairie de "réquisitionner" des moyens pour évacuer les déchets. Mais la mairie n'y est pas obligée.
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Olivia Grégoire accuse Anne Hidalgo
Dans ce contexte, la ministre des Petites et moyennes entreprises Olivia Grégoire affirme que la maire socialiste avait réquisitionné des éboueurs en 2016, quand il faisait la grève contre la loi El Khomri, dite loi "Travail". "L'histoire est importante, déclare-t-elle sur RMC. Ce n'est pas si vieux en 2016, pendant la grève liée à la loi El Khomri, madame Hidalgo avait trouvé des solutions. Elle avait réquisitionné des sites d'incinération, elle avait réquisitionné des sites de décharges, elle avait fait appel à des équipes du secteur privé pour soulager un peu l'insalubrité et l'amoncellement des poubelles."
Olivia Grégoire sous-entend ainsi qu'Anne Hidalgo fait un deux poids deux mesures, qu'elle était plus sévère envers les grévistes quand le président était François Hollande et donc socialiste. Olivia Grégoire accuse la maire, opposée à la réforme, de confondre ses opinions avec ses responsabilités. Sauf que c'est faux, Anne Hidalgo n'avait pas réquisitionné d'éboueurs en 2016.
Mais Anne Hidalgo n'avait pas fait de réquisition en 2016
Une réquisition, c'est un acte très encadré légalement. C'est un arrêté pris par la mairie ou la préfecture, en cas d'urgence en l'occurrence pour la salubrité publique. Mais la mairie doit d'abord avoir essayé toutes les autres solutions possibles, et elles doivent toutes avoir échoué, comme l'explique l'association SOS Maires. Sinon, elle peut être accusée de ne pas respecter le droit de grève et son arrêté peut être annulé par la justice.
En 2016, Anne Hidalgo n'avait donc rien réquisitionné, mais elle avait fait ce que la loi lui demande en premier lieu : essayer d'autres solutions. Elle avait fait intervenir les forces de l'ordre pour débloquer 2 garages à camions-bennes, réorganisé les tournées des salariés non-grévistes et demandé aux entreprises privées de ramasser les ordures aussi dans les arrondissements d'habitude gérés par la régie publique.
La maire avait également dialogué avec les grévistes et obtenu des reprises de travail pour une journée ou une demi-journée, notamment pendant la crue de la Seine. Finalement, en quelques jours, quasiment tous les déchets qui jonchaient les trottoirs avaient pu être ramassés. A l'époque, il s'agissait beaucoup pour la maire de nettoyer la capitale avant le début de l'Euro 2016 de football, pour des questions d'image et de salubrité publique.
Des "solutions palliatives" pour ramasser les ordures
En ce mercredi 15 mars 2023, les appels à la réquisition, venant principalement des maires d'arrondissements de droite, dont Rachida Dati et Florence Berthout, et des membres du gouvernement, restent, pour l'instant, lettre morte. "Si l'Etat veut réquisitionner, c'est son problème", a lancé Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris, la veille lors d'une conférence de presse, rappelant au passage que l'Etat et la préfecture peuvent prendre des réquisitions eux-mêmes s'ils y tiennent, sans que la mairie soit impliquée.
Comme en 2016, la ville de Paris a mis en place ce que le premier adjoint appelle des "solutions palliatives". Elle a modifié les chemins des collectes des éboueurs non-grévistes de la régie publique et demandé aux éboueurs des entreprises privées de passer un peu partout dans la capitale, même là où ils ne sont pas censés aller d'habitude. Entre 50% et 60% des déchets jetés chaque jour sont ramassés, selon la mairie. En revanche, à la différence de 2016, la ville n'a pas encore eu recours aux forces de l'ordre.
Finalement, la plus grande différence se trouve peut-être dans la fermeté des propos tenus par l'élue socialiste non pas envers les grévistes, mais envers le gouvernement en place. En 2016, lors d'une interview sur RMC, elle prônait le dialogue, la réécriture de certains articles de la loi Travail qu'elle ne voterait pas en l'état si elle était députée et estimait que ce n'était pas son rôle de soutenir les grévistes. Sept ans plus tard, Anne Hidalgo les a assuré de son soutien et appelle tout bonnement le gouvernement à retirer sa réforme des retraites.
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