Le vrai du faux. Les "méga-bassines" auront-elles des "effets positifs" sur les nappes phréatiques, comme l'assure le ministre de la Transition écologique ?
Christophe Béchu défend la création de réserves d'eau dans les Deux-Sèvres et affirme qu'elles auront des conséquences positives sur les nappes et les cours d'eau, étude du BRGM à l'appui. Mais plusieurs opposants aux bassines contestent ses conclusions.
L'argument revient régulièrement dans la bouche du ministre de la Transition écologique : les futures bassines des Deux-Sèvres auront des "effets positifs" sur les nappes phréatiques et les cours d'eau, selon Christophe Béchu. Il l'a martelé samedi 25 mars dans l'interview de 8h30 de franceinfo, et l'a évoqué à nouveau deux jours plus tard sur France Inter.
>> "Méga-bassines" dans les Deux-Sèvres : mais, au fait, une bassine, c'est quoi ?
A chaque fois, le ministre s'appuie sur un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Sur franceinfo, il affirmait que le protocole d'installations des réserves d'eau avait "fait l'objet d'une validation par le BRGM qui dit : il permettra d'améliorer le débit d'étiage pendant l'été, il est globalement vertueux".
Mais à chaque fois, le ministre est contredit par un opposant à ces bassines. Ainsi, la députée écologiste de la Vienne Lisa Belluco lui a répondu dimanche 26 mars sur franceinfo, assurant que "le BRGM [avait] pris position publiquement en disant arrêtez de citer notre étude parce qu'il y a un certain nombre d'angles morts et notamment pas de prise en compte des évolutions climatiques".
Qui dit la vérité ? Il y a du vrai et du moins vrai des deux côtés, mais la balance penche plutôt vers la députée de la Vienne.
Des "effets positifs" selon une simulation…
Le BRGM a bien fait un rapport technique sur les conséquences des 16 futures réserves de substitution qui doivent être creusées dans les Deux-Sèvres. Ces réserves, dites "bassines", vont prélever de l'eau dans les nappes phréatiques pendant l'hiver, la stocker et la mettre à disposition de quelques agriculteurs pour qu'ils puissent arroser leurs champs pendant l'été. Le bureau a rendu son rapport à l'été 2022 et il conclut bien, comme l'affirme le ministre, que les bassines pourraient avoir des effets globalement positifs à la fois sur les nappes phréatiques, les cours d'eau et les zones humides.
"Le scénario 2021 de mise en place de retenues de substitution proposé par la Coopérative de l'eau des Deux-Sèvres permettrait une amélioration globale du niveau des nappes", écrit le BRGM, prévoyant que "les interactions entre cours d'eau, zones humides et piézométries [autrement dit, le niveau des nappes souterraines] étant fortes dans le secteur étudié, toute amélioration piézométrique se répercutera sur les autres milieux".
Le BRGM observe aussi "un effet positif en printemps/été" sur les cours d'eau "de l'ordre de + 6 % de gain de débit en sortie du bassin pour le mois de juillet". Cela monterait même à + 40 % pour le cours d'eau du Mignon. D'autres cours d'eau pourraient être moins asséchés l'été. L'hiver, le prélèvement d'eau dans les nappes n'aurait qu'un impact "faible et négligeable" sur les cours d'eau, qui baisseraient d'1 % seulement.
Quant aux zones humides comme le Marais poitevin, qui dépendent beaucoup du remplissage des nappes phréatiques, ces bassines "permettraient un meilleur maintien en eau des zones humides en fond de vallées et amélioreraient les débits entrant sur le marais mouillé, soit par débordement (sources, suintement), soit via l'interconnexion nappes/canaux de bordure et par l'augmentation des débits des rivières".
… mais le BRGM ne prévoit pas l'avenir
Toutes ces observations semblent donner raison au ministre de la Transition écologique, pourtant ce n'est pas tout à fait le cas, car il les utilise de façon trompeuse pour prévoir l'avenir alors que ce n'est pas ce que fait le BRGM.
Le bureau s'est fendu d'un communiqué en février 2023 pour réexpliquer son rapport et lui redonner un peu de contexte. Il ne dit pas, comme l'affirme Lisa Belluco, de ne plus l'utiliser, mais il dit en effet, expressément, que ce "n'est pas une étude approfondie, ni une étude d'impact de toutes les conséquences possibles des prélèvements d'eau envisagés. Il ne s'agit pas non plus d'un article de recherche scientifique soumis à l'évaluation de la communauté scientifique", affirme-t-il.
Son rapport "permet d'évaluer ce qui se serait passé si les réserves de substitution avaient été mises en place au cours des années 2000-2011". C'est donc une simulation dans le passé. "En toute rigueur, cette période de référence ne permet pas de prendre en compte les conditions météorologiques récentes et encore moins futures", continue le bureau.
Des bassines vides à cause du réchauffement climatique ?
Le BRGM reconnaît ne pas avoir pris en compte les risques d'évaporation de l'eau depuis les réserves – ce que lui reproche les opposants aux bassines – ni les évolutions climatiques et qu'il serait "important" de le faire. Il est en train de mettre à jour ses données pour pouvoir éventuellement faire de nouvelles simulations qui pourront inclure les années 2010 à 2020 et le changement climatique.
Le bureau pointe un autre enjeu de ces bassines : elles ne pourront pas être remplies en hiver si le niveau des nappes phréatiques est trop bas, sauf que "la récurrence de périodes de sécheresse hivernales pourrait conduire, de manière répétée, à des niveaux de nappes inférieurs aux seuils réglementaires, compromettants le remplissage des réserves certaines années".
Dans la Vienne, département d'à côté, où 30 bassines doivent aussi voir le jour, un rapport prédit que le niveau des nappes sera régulièrement trop bas et que les bassines ne pourront pas y prélever d'eau deux années sur dix. Enfin, les simulations du BRGM ne répondent pas à l'argument central des opposants aux bassines : la question de l'accaparement de l'eau par quelques agriculteurs.
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