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Vrai ou faux
Les cancers peuvent-ils se développer à cause de chocs émotionnels ?
Les Anglais sont "sous le choc" après l'annonce du cancer du roi Charles III. Le souverain britannique a commencé un "programme de traitements réguliers" pour combattre une "forme de cancer", a indiqué Buckingham Palace lundi 5 février. Dans une interview au journal Le Parisien, le spécialiste de la royauté, Stéphane Bern, réagit et affirme : "On sait que les cancers peuvent se développer à la faveur de chocs émotionnels. Et, avec Harry, l'épreuve a été très douloureuse".
La citation est alors reprise dans le titre de l'article et partagée sur les réseaux sociaux. Les réactions ne se font pas attendre. Ses propos font polémique, à tel point que Stéphane Bern s'est expliqué. "Jamais je n’ai dit que le cancer du roi était dû aux problèmes avec son fils Harry. Je sais par ses proches qu’il a douloureusement vécu la mort de ses parents et l’éloignement de son fils qu’il aime tendrement", écrit-il sur X. Les cancers peuvent-ils vraiment apparaître à la faveur de chocs émotionnels ? Franceinfo fait le point.
Pas de preuves scientifiques d'un lien de cause à effet entre stress et cancer
En l'état actuel des connaissances scientifiques, rien ne permet d'établir un lien de causalité entre choc émotionnel, stress et cancer. "À ce jour, il n'y a pas de preuves scientifiques d'un lien de cause à effet entre stress et cancer [...] De nombreuses études scientifiques ont exploré cette hypothèse, couramment répandue, mais elles n'ont pas permis de conclure à un rôle direct de facteurs psychologiques dans l'apparition d'un cancer", écrit l'institut national du cancer. "L'influence du stress sur l'apparition des cancers n'a jamais pu être prouvée", précise de son côté la Ligue contre le cancer. "Aujourd'hui aucune donnée n'indique un lien entre un événement traumatique et l'apparition du cancer", insiste de son côté le président de la Société française du cancer, Manuel Rodrigues, pour franceinfo.
Des dizaines d'études ont bien été menées sur le sujet, mais les résultats sont contradictoires. Aucun consensus scientifique ne se dessine. En 2019, des chercheurs polonais, anglais et américains ont notamment compilé et analysé 35 publications différentes sur le sujet. Ils se sont interessés à la fois aux études sur les événements traumatiques, l'anxiété, le stress chronique et le stress au travail dans l'apparition du cancer mais aussi dans l'évolution de la maladie. "Les résultats des précédentes publications ne montrent pas de preuve solide pour associer le stress psychologique et le risque de cancer", écrivent les auteurs, même si "le stress chronique peut avoir un rôle dans l'évolution du cancer". Dans le détail, certaines études montrent une association entre événements traumatiques ou stress et apparition du cancer, d'autres études ont démontré l'inverse et certaines ne montrent aucun lien.
L'absence de consensus
En 2009, une étude similaire avec compilé plus de 30 publications différentes sous le titre : "Existe-t-il un lien entre un événement psychique et le risque de survenue d’un cancer ?". "Au total, 18 études sur les 32 retenues ne montrent pas de lien entre facteurs psychologiques et risque de cancer, six travaux ne montrent une association que dans certains sous-groupes et quatre enquêtes, dont trois du même auteur, montrent une liaison inverse pour des cancers féminins", concluent les auteurs.
Dans les cas où un lien a été montré entre choc émotionnel et apparition du cancer, les résultats doivent être pris avec précaution. "Il y a des biais cognitifs importants", nous explique Manuel Rodrigues, oncologue et président de la Société française du cancer. "Quand on demande à un patient qui vient d'être diagnostiqué s'il a vécu un choc psychologique dans les mois précédents, il trouve quasiment systématiquement un événement traumatique", poursuit le spécialiste. Cela rend d'autant plus difficile l'étude précise du facteur psychologique dans l'apparition des cancers. Il est par ailleurs compliqué d'éliminer tous les autres facteurs pour analyser uniquement le rôle du stress ou du choc émotionnel, alors que le cancer est souvent multifactoriel.
Quelque 40% des cancers ont une cause identifiable
"L'apparition d'un cancer prend plusieurs années, donc il est en tout cas impossible d'affirmer qu'un choc émotionnel survenu quelques mois auparavant a pu provoquer la maladie", ajoute Manuel Rodrigues.
Les spécialistes reconnaissent tout de même le rôle indirect que peut jouer le stress. Certaines personnes, en état de stress, fument davantage, boivent plus d'alcool ou mangent moins sainement. Une incidence de ces facteurs sur le risque de cancer a bien été démontrée. Quelque 40% des cancers ont une cause identifiable : le mode de vie, l'exposition au soleil ou encore l'exposition à des produits nocifs.
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