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Micro européen. Elections législatives anticipées en Grande-Bretagne : Honni soit qui mal y pense ?

À la veille d’élections législatives anticipées en Grande-Bretagne, visant à renouveler pour cinq ans les 650 membres de la Chambre des communes, un désespérant doute s’est installé au Royaume quelque peu uni...

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
L'entrée du 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre britannique, à Londres, le 29 octobre 2019. (DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP)

Les Britanniques sont appelés aux urnes le 12 décembre prochain, et la date du Brexit est fixée au 31 janvier 2020. Deux dates qui vont peut-être marquer l’histoire de ce qui n’est plus la "perfide Albion" ou du moins, ce qu’il en reste.

En lice, comme nous l’explique notre invité, le journaliste Philip Turle, les deux mastodontes politiques d’outre-Manche, Boris Johnson pour les conservateurs, et Jeremy Corbyn, l’ancien trotskyste pour les travaillistes. Ces deux candidats, seraient-ils deux colosses aux pieds d’argile ou les dernières figures d’une vie politique anglaise dont le processus vital serait très largement engagé ?

En perte de flegme

Dans ce pays où le flegme était une base de vie, accompagné par le "tea time", les pubs et une incroyable confiance dans l’immortalité de l’assurance d’une supériorité mondiale, le Brexit a été le grain de sable qui a grippé le système. Se jetant à corps perdu dans une aventure des plus dangereuses, David Cameron, l’ancien Premier ministre, a perdu la plus grande partie de poker menteur de l’histoire de son pays.

Aujourd’hui, si déjà un fossé s’est encore plus creusé entre le Britannique moyen et la classe supérieure, c’est toute une nation qui perd tous repaires dans la lente et inexorable bataille du Brexit entre Londres et Bruxelles. Et faute de sursaut salvateur, la Grande-Bretagne est aujourd’hui dirigée par un Boris Johnson qui n’a eu de cesse de rêver au 10 Downing street, ayant comme "maître à penser" Winston Spencer Churchill.

Seulement, Boris Johnson a oublié que le "Lion" qui tint bon durant la seconde guerre mondiale face aux nazisme, promettant à son peuple "du sang et des larmes", ce grand vainqueur historique se vit brutalement remercier par son propre peuple qui l’aimait tant aux élections législatives de 1945, lui préférant le travailliste Clément Attlee qui eut la lourde charge de la décolonisation.

Pour le moins, Churchill revint aux affaires dès 1951 jusqu’en 1955. N’est pas Churchill qui veut, encore moins quand le Royaume-Uni a plus besoin d’espérances que d’angoisses. Quant à l’adversaire de Boris Johnson, le pâle Jeremy Corbyn est plus empêtré dans l’éthique de la démarche quotidienne de son parti et semble bien éloigné d’une vision concrète pour le futur de son pays si mal en point.

Enfin, "annus horribilis bis repetitam", Elisabeth II, reine de cette monarchie, doit autant supporter l’extravagance politique de son Premier ministre que la conduite d’un fils qui met à mal l’image d’une famille régnante, quand son aîné, le temps passant, se demande bien quand le trône lui reviendra enfin. Aujourd’hui l’histoire moderne du Royaume-Uni en ce début de XXIe siècle tient plus d’une pièce de Shakespeare que de celles d’un George Bernard Shaw.

Un marqueur historique

Il faut dire que le Brexit est un grand marqueur dans l’histoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne. Et les élections du 12 décembre prochain risquent de l’alourdir. Le seul événement politique ayant ébranlé ce pays est le Commonwealth républicain d’Angleterre, établi par Oliver Cromwell de 1653 à 1658 ; étant le Lord Protecteur, mettant à mort le roi Charles 1er en 1649, lors de la première révolution anglaise, la monarchie aura disparu moins de 10 ans pour revenir en 1661. Comme quoi les Français ne furent pas les premiers à décapiter leur souverain.

Ici, même si la Reine ne risque rien, la situation politique anglaise, en total déséquilibre, pourrait encore abîmer le pays car sur le continent, une nouvelle reine n’a que huit semaines pour installer son pouvoir, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen qui aura la lourde tâche de "gérer" le Brexit à venir, le 31 janvier prochain. Mais rien ne dit que Brexit aura lieu à cette date, car tout peut arriver encore, au plus grand dam des Britanniques.

Hormis les conservateurs et les travaillistes, les législatives du 12 décembre doivent aussi être entendues avec les libéraux-démocrates pro-européens, les écologistes et les Écossais. Car "l’affaire" arrange bien Edimbourg et sa Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, qui tient à relancer le référendum sur l’indépendance de l’Écosse, chose peut-être aisée quand Londres a tendance à vaciller.

Il n’en reste pas moins que le résultat de la semaine prochaine n’est pas encore une affaire entendue, car tout dépendra du bon vouloir d’électeurs usés, fatigués, voire même désabusés…

Les dindes iront-elle voter ?

Ce trait d’humour britannique lors des fêtes de fin d’année, comparable au français "quand les poules auront des dents", pourrait quelque part imager la décision de l’électrice et de l’électeur outre-Manche. Harcelé moralement par la question du Brexit depuis trop longtemps, le mois de décembre au Royaume-Uni est le mois de l’année où tout le monde se concentre plus sur les fêtes de la Nativité et du nouvel an.

C’est l’époque où l’on prépare fort en avant le "Christmas pudding", la recette demandant des semaines de préparation, tout comme celle des "Mince pies", le choix de la dinde, et surtout la rédaction de cartes de vœux que l’on envoie bien avant Noël, et dont on décore son logis avec celles reçues, ici on ne déroge pas à la tradition. Sans oublier le sapin, les décorations, les achats, et pourquoi pas, s’initier au punch de Noël ou au Pimms…

Ainsi donc, pour un Britannique, décembre représente beaucoup, surtout l’espoir de voir disparaître les courtes journées, mais sûrement pas la réflexion sur une nouvelle élection, dont les dernières en période de frimas remontent à octobre 1964, où fut élu le plus jeune Premier ministre du Royaume, le travailliste Harold Wilson. Et comme le dit notre invité Philip Turle, "déranger les électeurs à une époque où il fait nuit très tôt, très froid", c’est bien remettre en question le "home sweet home" tant prisé au-delà du Channel.

Ainsi donc, ce ne sera peut-être pas l’élection de tous les dangers, mais peut-être celle sonnant le glas d’un système à bout de souffle dont la constitution n’est pas écrite. Et comme l’a écrit George Bernard Shaw dans Pygmalion : "Il est bien temps de penser à l’avenir quand il n’y a plus d’avenir". Souhaitons que l’humour de ce prix Nobel de littérature ne soit pas une prédiction…  

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