Iran : le choc et la révolte après l’assassinat du réalisateur Dariush Mehrjui, père de la nouvelle vague iranienne
Le double assassinat du réalisateur Dariush Merhjui et de son épouse samedi dernier, poignardés dans leur résidence près de Téhéran suscite d’énormes interrogations. Une dizaine de suspects ont été interpellés et la police iranienne privilégie la thèse d’un cambriolage qui aurait mal tourné. L'opposition au gouvernement iranien ne croit pas du tout à cette thèse puisque récemment, le couple avait envoyé plusieurs messages pouvant laisser penser qu’ils se sentaient observés et visés. Dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux en Iran, Dariush Mehrjui et sa femme Vahideh Mohammadifar murmurent tous les deux "Vive la liberté !" avant que le réalisateur ne conclue par un "Soyez prudents". De plus, Vahideh Mohammadifar affirmait avoir été récemment menacée et que leur domicile avait été cambriolé dans un entretien publié le dimanche 15 octobre par le principal journal réformateur iranien.
Un réalisateur censuré pendant toute sa carrière
Considéré comme le pionnier du cinéma nouveau iranien, Dariush Mehrjui a été censuré pendant toute sa carrière. Son talent a dans un premier temps été censuré sous le régime du Chah d’Iran puisque son film La Vache, considéré comme un chef d’œuvre absolu par le jury de la Mostra de Venise en 1969, est interdit en Iran et ne sera projeté en France que 45 ans après en 2014.
>> Iran : l’anthropologue Fariba Adelkhah libérée de prison
Mehrjui est ensuite adoubé par la révolution islamique puisque l’ayatollah Khomeiny le considère un temps comme son cinéaste favori. Mais il tombe rapidement en disgrâce et la censure de ses films devient quasi systématique, que ce soit L’école où nous allions en 1980, Baanoo en 1991 ou encore Santouri en 2007. Une dernière censure que Mehrjui ne semblait toujours pas avoir digéré comme il l'expliquait dans un récent message : "Je proteste. Un film n'est pas du lait ou de la viande pour dire que la date de consommation a expiré, s'indigne-t-il. Vous m'avez donné une autorisation pour la projection du film. Pourquoi vous revenez sur vos paroles ? Vous avez interdit tous mes films. Vous avez enterré un de mes films. Vous l'avez jeté à la poubelle. Vous avez interdit mon film Santouri sans raison.".
Un message clair du gouvernement contre toute protestation
L'avocate Nasrin Sotudeh, grande figure de la contestation et défenseure des droits humains en Iran, établit un parallèle entre l’assassinat de Dariush Mehrjui et de son épouse et celui, en 1998 de l'homme politique Dariush Forouhar et sa femme Parvaneh, disparus dans les mêmes circonstances que le cinéaste. À quelques jours du 25e anniversaire de la mort du couple Forouhar, les opposants au régime iranien y voient un signal envoyé rappelant la série d’assassinats politiques perpétrés dans les années 1990.
Dans un communiqué, le ministre iranien de la Culture affirme avoir demandé "des éclaircissements sur les circonstances de cet événement" qu’il considère comme "triste et douloureux".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.