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Dépression : les thérapies parallèles sont-elles efficaces ?

Luminothérapie, hypnose, stimulation magnétique... A l'occasion de l'édition 2017 de la Journée mondiale de la santé consacrée à la dépression, franceinfo détaille les approches alternatives pour lutter contre ce trouble. Et s'interroge sur leur efficacité. 

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Goupil
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La dépression touche 300 millions de personnes dans le monde. (ISOPIX / SIPA)

"Plus rien ne me faisait plaisir. A certains moments, j'avais même des pensées suicidaires..." Ce que décrit Arthur*, jeune étudiant français de 21 ans, est caractéristique de la dépression. Ce trouble mental touche environ 300 millions de personnes dans le monde, dont 3 millions en France, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Parmi elles, beaucoup plus de femmes que d'hommes. Afin de briser le silence qui l'accompagne souvent, l'OMS a fait de la dépression le thème de sa Journée mondiale de la santé 2017, organisée vendredi 7 avril. 

Pour soigner la dépression, l'organisation internationale recommande une intervention psychologique, combinée à la prise d'antidépresseurs dans les cas les plus sévères. Pourtant, de l'hypnose à la luminothérapie, de plus en plus de méthodes alternatives font leur apparition. Sans que leur efficacité soit toujours reconnue par l'ensemble du corps médical.

Des thérapies plus courtes... et sans médicament

Suivi depuis ses 6 ans par un psychologue, Arthur découvre il y a quelques années l'hypnose ericksonienne. Le principe : l'induction par le thérapeute d'un état de relaxation profonde chez le patient afin de l'aider à lâcher prise. Alors que le jeune homme traverse une passe difficile, le traitement fonctionne après seulement cinq séances. A contrario, "le genre de thérapie que je suivais depuis petit dure parfois des années.

L'hypnose m’a énormément aidé à sortir de ma dépression, mais aussi à changer de façon de voir la vie, à gagner en confiance, à réduire mon stress et mes angoisses.

Arthur

à franceinfo

Sophie, habitante du Nord à la quarantaine joviale, s'est convertie au milieu des années 2000 à l'hypnose semi-consciente, après des mois de thérapie comportementale et cognitive restée sans effet. Ce dernier traitement fait pourtant partie de ceux recommandés par l'OMS. "Je pense que le choix de la thérapie et du thérapeute est primordial. Un traitement peut être bon pour quelqu'un et mauvais pour un autre", philosophe-t-elle aujourd'hui.

Plus précisément, Sophie a choisi l'EMDR, ou littéralement, en français, la reprogrammation et désensibilisation par le mouvement de l'œil. "En partant d’un trauma, le praticien t'aide à transformer tes souvenirs en images positives." Elle raconte ses séances :

Tu t'allonges à côté du thérapeute et pendant que tu racontes le traumatisme que tu as vécu, il passe un stylo devant tes yeux.

Sophie

à franceinfo

Une efficacité encore floue

Mais le Dr Capucine de Fouchier, du département de santé mentale de l’OMS à Genève, met en garde les patients contre l'hypnose, l'EMDR ou d'autres méthodes de développement personnel utilisées pour traiter la dépression. "L'OMS base ses recommandations sur des preuves scientifiques. Particulièrement en France, où les traitements alternatifs foisonnent, beaucoup de thérapies disponibles n’ont pas fait preuve de leur efficacité."

L'EMDR, qu'utilise Sophie, n'a ainsi été validée pour l'instant que dans le traitement de psychotraumatismes, comme le stress post-traumatique éprouvé par certains soldats. Mais Capucine de Fouchier tient aussitôt à préciser :

Ça ne veut pas dire que les thérapies parallèles n'aident pas les personnes qui souffrent de dépression. Si ça fait du bien, tant mieux, mais ce ne sont pas des traitements.

Dr Capucine de Fouchier

à franceinfo

Le Dr Michel Lejoyeux, qui dirige le département de psychiatrie de l'hôpital Bichat, à Paris, regrette la "fascination" pour ces méthodes alternatives. "Sensiblement plus de personnes voient leur situation améliorée par la combinaison d'une psychothérapie et de médicaments. Je comprends qu'on cherche des solutions quand on est face à un traitement qui ne marche pas, mais ça n'est pas le cas pour la dépression."

Malgré cette absence de preuves scientifiques, Arthur et Sophie ne sont pas les seuls à être séduits par les alternatives à la voie médicamenteuse. Claudie Tondon-Bernard, la présidente de la délégation lorraine de l'association France Dépression, assure que le regard sur celles-ci a beaucoup évolué depuis une quinzaine d'années. "Aux débuts de l'association, les groupes de parole n'accueillaient que quelques femmes d’un certain âge. Maintenant, on suit une vingtaine de gens de 20 à 85 ans, toutes conditions sociales et tous sexes confondus." En plus des groupes de parole, l'association propose des ateliers d'initiation aux techniques de développement personnel comme la sophrologie, le reiki, le yoga ou encore la gestion des énergies.

La luminothérapie et la stimulation par ondes magnétiques, "validées scientifiquement"

Certaines thérapies parallèles font désormais partie des traitements médicaux administrés dans les hôpitaux. Le Dr Alexandra Colin, psychiatre à la Pitié-Salpêtrière à Paris, se sert de la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et de la luminothérapie pour soigner des patients atteints de dépression. 

La stimulation magnétique, utilisée pour traiter tous les stades dépressifs, consiste à envoyer de courtes ondes électro-magnétiques à la surface du cerveau. "L'intérêt, c'est que c'est une technique non-invasive, qui n'a pas les effets secondaires des antidépresseurs. Ça nous permet de traiter des gens qui ne peuvent pas tolérer les médicaments, ou qui ont développé une résistance."

Employée pour lutter contre les effets du manque de lumière durant l'automne, la luminothérapie est utilisée "en prévention", mais aussi "en plus du traitement médicamenteux". Luminothérapie et stimulation magnétique "peuvent aider", parce qu'elles sont "validées scientifiquement", insiste la médecinMême si la SMT n'est toujours pas reconnue par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou la Haute Autorité de santé, chargées en France d'évaluer les actes médicaux.

Une réputation entachée par des instituts bidons

Pour clore de façon certaine le débat sur l'efficacité de ces méthodes alternatives, le Dr Capucine de Fouchier estime "qu'il faut développer la recherche afin de valider scientifiquement ce qui n'est encore qu'une impression". Un objectif qui s'avère compliqué selon elle, au vu de la multiplicité des thérapies parallèles et de "l'absence de culture de la validation scientifique" chez certains de leurs promoteurs.

Le Dr Edouard Collot utilise l'hypnose comme outil thérapeutique depuis trente ans. Selon lui, "il est faux de dire qu'on n'a pas de littérature scientifique sur les effets positifs de l'hypnose. Simplement, elle est en langue anglaise, il faut aller la chercher." Il admet en revanche que son travail est compliqué par la multiplication des instituts bidons et autres "coachs"."Pour être efficace, l'hypnose doit être utilisée dans le contexte d’une thérapie, et par quelqu'un disposant d'une formation médicale ou psychologique." Une condition également nécessaire pour être remboursé par la Sécurité sociale.

De fait, ni Sophie ni  Arthur n'ont totalement coupé les liens avec les praticiens classiques. "Je suis toujours suivi par une psychologue, avec une thérapie sans hypnose, à hauteur d’une séance par an", reconnaît le jeune homme. Mais en ce qui le concerne, le doute n'est plus permis. L'hypnose ericksonienne est devenue une telle "passion" qu'il a décidé de s'y former. "Pendant un mois, j'ai suivi des cours dans une école privée recommandée par les trois hypnothérapeutes que j'avais consultés." Si, pour l'instant, cet étudiant en sciences politiques n'a prodigué des séances qu'à ses proches, il cherche un moyen de la pratiquer plus durablement. D'ici là, il espère que l'hypnose sera considérée comme un véritable traitement contre la dépression.

* Le nom de famille n'a pas été dévoilé pour préserver l'anonymat.

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