Manque de médecins, fermetures de lits cet été... Pourquoi les soignants appellent à une journée de mobilisation pour l'hôpital
Le conflit des retraites s'achève, celui de l'hôpital repart. Quatre des cinq principaux syndicats hospitaliers appellent à une "journée d'action nationale" mardi 20 juin. Et contrairement à leurs dernières mobilisations en rangs dispersés il y a huit mois, les fédérations santé de la CGT, de Force ouvrière, de SUD et de l'Unsa ont cette fois-ci décidé de déposer des préavis de grève communs. Les revendications n'ont pas changé : augmentation des salaires et des pensions, amélioration des conditions de travail, reconnaissance des pénibilités, arrêt des fermetures de lits et des restructurations...
A court terme d'abord. Les services de santé craignent que les difficultés à l'hôpital se répètent en juillet et en août. "On est très très inquiets à la veille de l'été, où la population augmente en Gironde, et à l'approche de grandes manifestations comme la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques", explique Gilbert Mouden, infirmier-anesthésiste à Bordeaux, interrogé par le site Actu.fr. Pour ce soignant, également représentant du personnel au CHU, "la situation est plus inquiétante que l'année dernière".
"On a plein d'agents du personnel qui ont pris la décision de quitter leur travail cette année. Et même si la direction a bloqué les départs entre avril 2023 et fin septembre, le recrutement ne va pas suivre pour l'année prochaine."
Gilbert Mouden, infirmier-anesthésisteà Actu.fr
A 600 km de là, le professeur Frédéric Adnet, chef des urgences de l'hôpital Avicenne (Bobigny), craint aussi le pire. Le personnel hospitalier "va forcément partir en congés" pendant cette période, explique-t-il à TF1. En raison de la crise des vocations que connaît le secteur, il sera compliqué de les remplacer. Selon lui, "il y aura donc de nouvelles fermetures liées aux départs en vacances. Leur nombre sera significatif, plus important que l'année de référence, en 2019, avant le Covid-19".
Perte de sens et crise des vocations
Difficile dans ce cas de boucler les plannings sans fermer de lits, confirmait en mai dernier auprès de franceinfo Jérôme Goeminne, directeur du groupement Cœur Grand Est. Idem au GHT du Grand Cognac, où son collègue Julien Bilhaut estime qu'il devra se passer de 40 lits pour garantir la sécurité des patients. "Je ne veux pas faire de bricolage, justifie-t-il. Je préfère réduire la voilure et donner un cap, pour sécuriser et tranquilliser le personnel, car la période est terriblement anxiogène."
Dans son communiqué commun, l'intersyndicale parle de salariés qui "n'en peuvent plus". "La perte de sens sont tels que les professionnels fuient, démissionnent", écrit-elle. Elle affirme aussi que "80% du territoire national est un désert médical" et évoque "un scandale d'Etat". Dans le préavis de grève qu'il a déposé, le syndicat Force ouvrière dénonce encore "la situation catastrophique des hôpitaux".
"La pénurie médicale et paramédicale est un choix politique assumé, qui accompagne l'austérité budgétaire entretenue depuis des années dans une volonté d'assécher le système public pour mieux le mettre à mal."
L'intersyndicale composée de la CGT, SUD, FO et l'Unsadans un communiqué commun
Les quatre syndicats, qui ont récemment boycotté une réunion au ministère de la Santé sur le thème des violences aux soignants (après le meurtre d'une infirmière à Reims), entendent également protester contre le "déni de dialogue social" de l'exécutif, explique Yann Le Baron, secrétaire général de la branche santé de l'Unsa, interrogé par l'AFP.
Une autre grève prévue le 4 juillet
La tension à l'hôpital risque de monter encore le 4 juillet. Trois syndicats de praticiens hospitaliers ont déjà appelé à "une journée de grève et d'actions". "L'hôpital public s'effondre par pans entiers", écrivent la Coordination médicale hospitalière (CMH), l'Intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers (INPH) et le Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (SNAM-HP). Selon eux, la situation "n'a jamais été aussi grave" pour cette profession "devenue un véritable repoussoir" tant pour les jeunes médecins "qui ne veulent plus s'engager" à l'hôpital que pour ceux "de tous les âges qui démissionnent de plus en plus".
Les trois syndicats, qui représentent plus de 40% des praticiens, et même 70% des hospitalo-universitaires, mettent aussi la pression sur le ministère de la Santé en exigeant "la reprise immédiate des négociations" suspendues depuis un mois. Ils demandent notamment "une augmentation générale de l'ensemble des rémunérations pour tenir compte de l'inflation" ainsi qu'une "revalorisation immédiate" des gardes et astreintes de nuit et du week-end, principales causes de "la pénibilité de l'exercice médical hospitalier".
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