Cet article date de plus d'un an.

Témoignages "Acte militant", spécialité médicale, activités de recherche... Malgré la crise de l'hôpital public, pourquoi les étudiants en médecine s'y projettent toujours

Article rédigé par Florence Morel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des étudiants à la faculté de médecine d'Angers (Maine-et-Loire), le 2 septembre 2022. (JEAN-MICHEL DELAGE / HANS LUCAS / AFP)
Les étudiants en médecine et en soins infirmiers font leur rentrée depuis lundi. Alors qu'ils sont nombreux à fuir l'hôpital, de futurs soignants confient leur choix de s'engager dans cette voie.

Ils ressortent la blouse, mais repoussent le blues. Une nouvelle année universitaire a débuté pour les futurs soignants, lundi 28 août. Sur les bancs des facultés de médecine et des Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), des centaines d'étudiants auront bientôt le choix de poursuivre leur carrière dans un cabinet médical, au sein d'un laboratoire, d'une clinique... ou à l'hôpital. Toutefois, les conditions de travail, les cas de harcèlement ou les niveaux de rémunération rendent la fonction publique hospitalière moins attractive que par le passé. D'où un fort taux d'abandon en cours de route, dans ces filières de plus en plus boudées.

>> "Comment peut-on bien soigner les patients quand on est au bout du rouleau ?" : cet étudiant infirmier raconte pourquoi il a abandonné

"Les attentes des nouveaux diplômés ne sont plus les mêmes, observe Pauline Bourdin, vice-présidente de la Fédération nationale des étudiant·e·s en sciences infirmières (Fnesi). Ils se concentrent sur les conditions de travail et la qualité de vie. Or, pendant les stages, ils voient bien qu'il ne se passe pas une journée sans qu'une infirmière ne soit rappelée sur un jour de congé." Même son de cloche du côté des médecins. "Les conditions de travail sont le principal frein à une carrière hospitalière", assure Jérémy Darenne, tout juste élu président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Selon des études menées par l'association en 2021, 30% des étudiants ont subi du harcèlement à l'hôpital et 39% présentent des symptômes dépressifs.

L'hôpital attractif pour la recherche

Quelles sont les motivations de ceux qui restent ? D'après les témoignages recueillis par franceinfo, l'hôpital séduit en particulier les étudiants intéressés par la recherche et une carrière hospitalo-universitaire. C'est le cas de Marc Gielen. A 40 ans, cet ancien chercheur en neurobiologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a repris des études de médecine en 2018 pour devenir psychiatre. "L'hôpital est idéal pour combiner mon activité de chercheur avec celle de médecin, argue l'interne en psychiatrie à Paris. Je peux faire de la recherche tout en étant praticien hospitalier, ou alterner avec un mi-temps au CNRS." Cette possibilité s'ouvre progressivement aux autres blouses blanches. "J'aimerais travailler dans un service qui fait à la fois de la recherche et du soin. Or, ce n'est possible que dans le public", pointe Tiphaine Villaumé, également passée par le CNRS et future étudiante infirmière à Nancy (Meurthe-et-Moselle).

Outre sa carrière professionnelle, choisir le service public "est un acte presque militant", revendique Marc Gielen. "L'hôpital est un bien commun malmené qu'il faut défendre, plaide-t-il. Je me souviens d'un neurochirurgien oncologue, qui m'avait dit, un jour, entre deux patients de milieux sociaux très différents : 'Tu vois Marc, c'est ça l'hôpital de la République, on soigne tout le monde.' Cela peut paraître naïf de prime abord, mais cela m'a touché et, en y repensant, ça me conforte dans mon envie d'y travailler".

Un choix sous conditions

En revanche, le futur psychiatre sait que son choix peut encore évoluer pendant les quatre années qu'il lui reste à accomplir avant de valider son internat. "Ce qui pourrait m'y faire renoncer, c'est la dégradation des conditions de travail, relève-t-il. En psychiatrie, on a de plus en plus de mal à attirer des infirmiers spécialisés, ce qui peut entraîner des dysfonctionnements. Si cela devenait trop difficile, au point d'avoir l'impression de ne pas soigner les patients correctement, je partirais."

Il est loin d'être le seul. Morgane Gode-Henric, étudiante en sixième année à la faculté de Nice, sait depuis ses années collège qu'elle veut soigner des enfants à l'hôpital. "On se pose tous la question de faire ou non sa carrière dans le public, et ce dès notre premier stage", souligne cette ancienne élue à l'Anemf, qui porte un regard lucide sur ce qui l'attend à la fin de ses études. "Plus on y travaille, plus on se rend compte de ce qui ne va pas, des gros problèmes de moyens humains et financiers", regrette-t-elle.

"Ça me fait peur quand je vois les difficultés de recrutement, mais c'est absolument ce que je veux faire. J'aime vraiment le contact avec les enfants et les parents."

Morgane Gode-Henric, étudiante en sixième année à la faculté de médecine de Nice

à franceinfo

Mais pour l'heure, même si une carrière dans le privé l'a déjà "tentée", sa vocation n'a pas vacillé : elle veut travailler à l'hôpital public. "Pour rendre ce qu'il m'a donné et parce que j'ai fait ces études pour aider mon prochain, justifie-t-elle. Cela fait partie de mes convictions de médecin."

Des spécialités propres à l'hôpital

Le service public hospitalier reste aussi attractif pour certaines spécialités, peu pratiquées hors de ses murs. C'est le cas notamment de la médecine d'urgence, à laquelle se destine Nicolas Lunel, étudiant en cinquième année de médecine à Toulouse. "Cet été, pendant mon stage au centre hospitalier universitaire, j'ai vu des patients sans papiers, en très grande précarité, qui ne sont pas accueillis par les cliniques privées, se souvient-il. J'ai eu accès à des patients avec de nombreuses pathologies très lourdes, qui nécessitent une technique et une expertise plus importantes, avec des examens qui, parfois, ne sont possibles qu'à l'hôpital."

Des exigences que l'on retrouve aussi au sein des services de réanimation. "C'est une spécialité très enrichissante humainement et sur le plan professionnel, car on a besoin d'avoir plus de connaissances que dans d'autres services", s'enorgueillit Sarah Leroy, aide-soignante. Elle, qui officiait en réanimation à l'hôpital de Nîmes (Gard), est impatiente de rejoindre l'institut de formation en soins infirmiers de la ville, le 4 septembre. Et tout aussi pressée de retrouver son équipe, une fois son diplôme en poche. "Après ma formation, je retrouverai mon service, où l'encadrement et les relations avec les collègues se passent bien", jure-t-elle. Un cadre de travail indispensable pour gérer la pression inhérente à sa spécialité, où la vie d'un patient peut basculer d'une seconde à l'autre. "Grâce à cet esprit d'équipe, on arrive à occulter le reste".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.