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"C'est hallucinant" : à l'hôpital marseillais de La Timone, des surblouses de soignants qui luttent contre le coronavirus partent en lambeaux et provoquent l'indignation

L'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) reconnaît que ces surblouses étaient défectueuses mais nie toute convocation des infirmières.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une infirmière de l'hôpital de la Timone à Marseille montre sa surblouse qui se déchire, le 5 avril 2020.  (FACEBOOK / Cyril Navarro-Diaz)

"Les nouvelles blouses qui se déchirent, c'est normal. Voilà." Ce commentaire est signé de celle qui tourne la vidéo, publiée dimanche 5 avril sur les réseaux sociaux. A l'image, on voit une infirmière de l'hôpital de La Timone, à Marseille, essayer une surblouse qui se déchire. Une manche, puis l'autre, la ceinture aussi... En quelques secondes, le vêtement de protection est parti en lambeaux. "Allez, je vais prélever sur des prélèvements de Covid", lance la soignante, ironique. 

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Dans une seconde vidéo également publiée dimanche, une autre infirmière fait elle aussi la démonstration de la vétusté de ces surblouses. "On a reçu des nouvelles blouses... Je la prends délicatement car on ne sait jamais ce qui va se passer", ironise l'infirmière filmée. Postée sur Twitter par le compte "L'infirmier", la vidéo est accompagnée de ce message : "Cette soignante est convoquée par sa direction demain (lundi) après-midi parce qu'elle a montré cette realité des nouvelles blouses !!". 

"La goutte d'eau qui fait déborder le vase"

Ces images ont été tournées à l'hôpital pour enfants de La Timone et suscitent l'ire des syndicats. "C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. On est en grande difficulté", assure, très remonté, Yves Castino, de la CGT, qui ajoute : "Déjà que l'on a eu une note de la direction générale nous indiquant qu'on allait laver des blouses à usage unique..." Lui aussi a eu vent d'une convocation de certaines des protagonistes de la vidéo. "Ce n'est pas le personnel qui doit rendre des comptes, c'est le ministère de la Santé, l'ARS et la direction de l'hôpital. Ces femmes risquent leur vie, celles de leur famille et des malades."

Même indignation du côté du syndicat Sud. "Le contexte est dramatique. Déjà que cela fait un mois que l'on réclame des masques FFP2...", souffle sa représentante, Solange Teulière. 

Il y a des moments où l'on n'a plus de mots pour exprimer notre révolte.

Solange Teulière, responsable syndicale Sud Santé

à franceinfo

"Il faut faire sortir ce qui se passe et elles ont eu raison, poursuit-elle. On va demander une enquête à l'ARS pour savoir d'où viennent ces surblouses. C'est hallucinant. On enverrait nos soldats au Sahel avec une fleur au fusil ?"

Trois cents surblouses défectueuses

Contactée par franceinfo, l'AP-HM (Assistance publique - Hôpitaux de Marseille), dont dépend l'hôpital de La Timone, renvoie, dans un premier temps, à son communiqué de presse sur le sujet. "Une enquête interne a été immédiatement diligentée pour comprendre l’origine de ses surblouses et les raisons de leur délabrement. A ce stade, il apparaît que les conditions de stockage de ces blouses (lieu humide) seraient la raison de cet état. Mais il est trop tôt pour déterminer le point d’origine de cette détérioration", explique-t-on. 

Face à la polémique grandissante sur les réseaux sociaux, un point presse téléphonique a été organisé lundi après-midi. Selon Pierre Pinzelli, secrétaire général de l'AP-HM, trois cents surblouses ont été identifiées comme défectueuses, parmi un lot de 20 400 pièces. 

Nous avons un système de signalement interne qui permet à tout professionnel de signaler un produit défectueux. Ces surblouses ont été immédiatement retirées. Il n'y a eu aucune mise en danger de personne.

Pierre Pinzelli, secrétaire général de l'AP-HM

à franceinfo

Deux cartons ont été livrés dans un service de l'hôpital pour enfants de La Timone et un troisième dans un autre service, qui été immédiatement identifié comme défectueux et retiré, précise l'AP-HM. Dans le service des enfants, il y avait six patients, dont deux atteints du coronavirus, lorsque les cartons ont été déballés. Aucune des surblouses défectueuses n'a été utilisée au contact des malades. 

Interrogé sur le sort des infirmières, Pierre Pinzelli nie farouchement toute convocation. Il assure que les vidéos n'avaient pas vocation à être rendues publiques mais qu'elles se sont échangées sur un groupe Whatsapp avant d'être diffusées par une personne extérieure à l'hôpital. "Il n'y a eu aucune convocation, insiste-t-il. Comme il y a eu une déclaration d'événement indésirable, la cellule qualité organise un retour d'expérience. C'est dans ce cadre qu'il y a eu une réunion avec les agents qui ont fait le signalement et leurs encadrants, afin qu'on analyse ce qu'il s'est passé. On est dans un fonctionnement normal." Le secrétaire général de l'AP-HM insiste : "Nous sommes extrêmement attentifs à la protection de nos personnels".

"La direction a pris la mesure de la situation et elle a réagi intelligemment", salue Yves Castino, de la CGT. Les surblouses défectueuses ont, elles, été mises de côté pour être détruites.

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