Info franceinfo Covid-19 : quatre ans après, une "dette de santé publique" dans les hôpitaux et "des disparités préoccupantes"

Selon le premier baromètre de la Fédération hospitalière de France (FHF), si les hôpitaux ont retrouvé leur niveau d'activité "global" de 2019, mais avec des disparités préoccupantes selon les secteurs. Et un accès aux soins qui reste difficile.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une soignante dans une unité pour les patients infectés par le Covid-19, le 17 avril 2020 à l'hôpital Emile Muller de Mulhouse. Photo d'illustration. (PATRICK HERTZOG / AFP)

Selon une étude de la Fédération hospitalière de France (FHF), quatre ans après la crise sanitaire du Covid-19, le niveau d'activité en 2023 a "au global, retrouvé le niveau observé en 2019". La FHF, qui présente lundi 17 mars ce premier grand baromètre santé* en partenariat avec franceinfo, souligne tout de même "des disparités préoccupantes" en fonction des services. Ainsi, par rapport aux projections faites avant le Covid-19, ce baromètre mesure, en cumulé, près de 3,5 millions de séjours annulés ou reportés à l'hôpital entre 2019 et fin 2023. Et Arnaud Robinet, président de la FHF, estime sur franceinfo que quatre ans après la crise, "rien n'a été purgé"

La FHF évoque "l'existence d'une forme de dette de santé publique, c'est-à-dire d’activité à rattraper ou de conséquences durables sur l’état de santé de la population de prises en charge intervenues avec retard". Ce déficit de séjours hospitaliers, ou "sous-recours", montre des disparités préoccupantes. La médecine enregistre une baisse du nombre de séjours de l'ordre de 433 000 par rapport aux prévisions.

Sur la période 2019-2023, on constate un sous-recours national cumulé de 3,5 millions de séjours hospitaliers en médecine. (FHF / FRANCEINFO)

Dans le détail, il y a eu moins de prises en charge  des maladies digestives (-11%), en cardiologie (-13%), liées au système nerveux (-11%), et en rhumatologie (-12%). Baisse aussi du nombre d'endoscopies, 260 000 n'ont pas pu être réalisées. Même constat pour les chirurgies lourdes avec 600 000 de moins que prévu. Les greffes par exemple, sont en recul de 7,5% par rapport au niveau attendu en 2023. Cette situation a des conséquences sur la santé des patients. La FHF cite notamment le "retard pris sur la détection de certains cancers" ou la "prise en charge insuffisante pour les diabétiques de plus de 35 ans".

Le recrutement de soignants à la peine

Deux explications sont avancées pour ce sous-recours de passage à l'hôpital. En premier, le renoncement aux soins ou la hausse des retards de prise en charge. "Entre difficulté d’accès aux soins et difficultés économiques, plus de six Français sur dix ont déjà renoncé à au moins un acte de soin au cours des cinq dernières années", avance la Fédération hospitalière de France. Pour 50% d'entre eux, ils ont renoncé car l'attente pour un rendez-vous était trop longue et pour plus de 40% c'est à cause de difficultés financières. 

Autre piste d'explication, les tensions que connaît l’hôpital public avec les fermetures de lits ponctuelles. En 2023, 70% des établissements hospitaliers qui ont participé à l'étude ont fermé des lits en médecine, 29% en chirurgie, 25% en soins critiques et 17% aux urgences. Au global, 60% des lits fermés le sont parce que les hôpitaux ne parviennent pas à recruter suffisamment de soignants. Depuis 2020, certaines pratiques médicales ont aussi changé. Pour des interventions où il fallait parfois être hospitalisé un ou plusieurs jours, désormais les patients rentrent chez eux le soir même.

De fortes disparités entre zones rurales et urbaines  

Le baromètre de la FHF comprend un sondage d’opinion réalisé par Ipsos, centré sur l’accès et le renoncement aux soins. Cette enquête pointe le manque d'accès aux soins en fonction des territoires. "Le temps d'accès aux soins pour les ruraux reste généralement supérieur de 52% à celui des urbains". Il faut par exemple un trajet de 57 minutes depuis son domicile pour un habitant en milieu rural pour accéder à un ORL, contre 32 minutes pour un urbain. 

La FHF souligne aussi que sur tous les territoires confondus "le temps d'attente pour obtenir un rendez-vous a, lui, presque doublé en cinq ans sur la majorité des spécialités". Par exemple, le délai passe de quatre jours en 2019 à dix jours en 2024 pour un généraliste, ou encore de plus d'un mois en 2019 pour un gynécologue contre deux mois d'attente en 2024. Il en est de même pour consulter un cardiologue.

Cette dégradation de l'offre de soins a des conséquences pour les urgences. En 2024, 54% des Français disent s'être déjà rendus aux urgences pour des raisons qui ne relevaient pas d'une urgence médicale, contre 42% en 2019. Parmi les raisons invoquées, 32% ne savaient pas à qui s'adresser en dehors du service des urgences de l’hôpital, 30% disent qu'il était impossible d’obtenir un rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste dans un délai acceptable, 22% parce que le généraliste ou le spécialiste a refusé une prendre en charge sans rendez-vous. La distance est également une explication : 18% avancent que les urgences de l’hôpital sont plus proches que le médecin qui pourrait les prendre en charge. Enfin, le coût est un frein pour 13% des sondés qui ne peuvent avancer les frais d'une consultation et préfèrent donc les urgences.

Toujours selon l'enquête d'Ipsos pour le baromètre de la FHF, 63% des Français ont déjà renoncé à au moins un acte de soins (consultation chez un médecin, achat de médicaments ou analyse médicales) dans les cinq dernières années, pour des raisons diverses : c’était trop long d’obtenir un rendez-vous (53%), ce rendez-vous était trop loin (33%), où les soins étaient trop chers (42%).


*Méthodologie : sondage effectué par internet via l’Access Panel Online d’Ipsos sur un échantillon de 1 500 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus du 29 février au 6 mars 2024, selon la méthode des quotas : sexe, âge, profession de l’individu, catégorie d’agglomération, région.

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