Covid-19 en France : la fin du port du masque dans les lieux clos, annoncée pour la mi-mars, est-elle prématurée ?
L'obligation du port du masque en intérieur, y compris dans les lieux qui ne sont pas soumis au pass vaccinal, pourrait être levée courant mars "si les conditions sont réunies", a annoncé Olivier Véran mercredi sur franceinfo.
"Probablement qu'à la mi-mars, si les conditions sont réunies, on pourra alléger à nouveau." Avec un "fonctionnement normal" pour les hôpitaux et une circulation "très faible" du Covid-19, "nous pourrons enlever les masques pour les adultes et pour les enfants, pour tout ou partie des lieux fermés, y compris sans pass", a assuré le ministre de la Santé, Olivier Véran, mercredi 16 février sur franceinfo. "On pourrait également commencer à alléger le pass vaccinal plus tôt, mais le conserver dans les endroits qui sont très à risque", a-t-il ajouté.
Mais pour certains épidémiologistes, la fin du port du masque doit être réfléchie et corrélée au respect des gestes barrières. Car, actuellement, même si tous les indicateurs de l'épidémie baissent, le virus court toujours, comme le montre les près de 100 000 cas (98 735) recensés mercredi. Plus de 30 000 personnes sont toujours hospitalisées et plus de 3 000 patients se trouvent encore en soins critiques, selon les chiffres publiés par Santé publique France mercredi soir.
Une stratégie d'allègement progressif des restrictions
Olivier Véran se veut cependant confiant pour les semaines à venir. "La dynamique de circulation du virus s'affaiblit très fort et si on continue sur cette dynamique-là, on pourra sortir totalement de la vague d'ici à quelques semaines", a-t-il assuré. "Ce qui veut dire que la stratégie que nous avions annoncée aux Français [le 20 janvier], avec un allégement progressif par palier de 15 jours, est une bonne stratégie, qui fonctionne."
Depuis le 2 février, l'exécutif a entamé une levée progressive des restrictions sanitaires en supprimant d'abord l'obligation du port du masque en extérieur et en abandonnant les jauges dans les salles de spectacles ou les stades. La seconde étape, qui a débuté mercredi, autorise de nouveau la consommation debout dans les bars, cafés et restaurants, d'assister à des concerts debout, d'aller en discothèques, qui ont enfin rouvert, ou encore de boire et manger dans les stades, les cinémas ou les transports en commun.
Autre grand changement, prévu pour le 28 février : la fin du port du masque obligatoire dans les lieux clos soumis au pass vaccinal (cinémas, théâtres, musées, foires...). Au restaurant, au bar ou dans un café, il ne sera plus nécessaire de le porter ni en allant à sa place ni pour se déplacer aux toilettes, ou bien pour payer au comptoir. Mais le port du masque en intérieur sera lui toujours obligatoire dans les transports en commun (métro, bus, trains, avions...) et les lieux clos non soumis au pass vaccinal (hôpitaux, administrations, services publics, magasins, bureaux...). Au retour des vacances d'hiver, les établissements scolaires verront aussi leur protocole sanitaire allégé, comme l'a annoncé Jean-Michel Blanquer le 11 février. Cela concernera notamment le port du masque, qui ne sera plus obligatoire pour les élèves dans la cour de récréation, mais le restera en intérieur.
"Aucun indicateur sanitaire cohérent et concret"
Cette stratégie de levée des restrictions est évidemment conditionnée à l'évolution de l'épidémie dans les prochaines semaines, a rappelé le ministre de la Santé. Il faudra que l'hôpital soit "en état de fonctionnement normal, qu'on ne soit plus obligés de déprogrammer des soins, que la charge sanitaire en réanimation n'excède pas 1 000 à 1 500 malades" et que la circulation du virus soit "très faible", a insisté Olivier Véran.
Or, cette stratégie n'est basée "sur aucun indicateur sanitaire cohérent et concret, défini par un seuil figé", fustige auprès de franceinfo l'épidémiologiste Dominique Costagliola. "Qu'est-ce que cela veut dire un retour normal du fonctionnement de l'hôpital ?", interroge la directrice de recherches à l'Inserm, qui estime qu'il faudrait que le fonctionnement de l'hôpital soit revenu "en dessous du seuil de la normale" pour diminuer les restrictions sanitaires. "Le chemin est long avant d'arriver à une situation où l'on ne déprogramme plus [des opérations non urgentes], explique-t-elle. Il y a beaucoup de soins et d'opérations à rattraper et les hospitalisations directement ou indirectement liées au Covid-19 obligent encore le personnel hospitalier à réorganiser les soins." C'est "quand même tôt" pour dire que le port du masque obligatoire peut être levé, rappelant que "plus de 300 morts liées au Covid-19 ont eu lieu hier [mardi] à l'hôpital".
"La concomitance ne vaut pas causalité, mais ces annonces de levée des restrictions tous les 15 jours m'apparaissent davantage calquées sur le calendrier électoral qu'autre chose."
Dominique Costagliola, épidémiologisteà franceinfo
"Sachant qu'il est probable que nous n'ayons pas encore vu toutes les possibilités évolutives que possède le virus, il serait bien d'éviter de dire que c'est bientôt fini. Car, si la situation s'améliore, cela ne veut pas dire que c'est définitif", conclut-elle. Avant de pointer du doigt que le gouvernement s'est bien gardé, pour l'instant, d'évoquer dans quelles conditions les restrictions pourraient être prolongées.
Conditionner la fin du port du masque à une responsabilisation individuelle
Bien que la fin annoncée du port du masque coïncide avec le printemps et le retour des fenêtres ouvertes, et donc d'une aération plus grande, Pascal Crepey, épidémiologiste à l'Ecole des hautes études de santé publique de Rennes, invite lui aussi à rester prudent. "Cette levée du masque me semble pertinente, à condition que le contexte épidémiologique suive et que cette obligation soit remplacée par une responsabilisation individuelle", souligne-t-il auprès de franceinfo. "Il faut que nous gardions nos masques à portée de main, y compris le jour où le virus circulera très faiblement", insiste-t-il.
"Le masque est un outil d'hygiène et de prévention face au risque d'infection. C'est pourquoi il faut qu'on s'habitue à prendre nous-même la décision de le porter quand cela est nécessaire. Soit parce qu'on risque d'être contaminé, soit parce qu'on peut être contaminant."
Pascal Crepey, épidémiologisteà franceinfo
Sur LCI, Mircea Sofonea, épidémiologiste à Montpellier, a lui qualifié cette mesure de "politique". "Ce n'est pas parce qu'il y a moins d'accidents de voiture que vous décidez d'enlever la ceinture de sécurité", a-t-il souligné. D'autant plus qu'en mars, "personne ne sait où on en sera."
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