Covid-19 : sur quels chiffres s'appuyer pour connaître l'ampleur réelle de l'épidémie ?
La "surveillance syndromique en population" devrait permettre une meilleure estimation du nombre de cas avérés de contaminations en France, et donc de l'évolution de l'épidémie.
Les spécialistes ne cessent de le répéter : les méthodes de comptage du nombre de personnes infectées par le Covid-19 ne sont plus représentatives. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a annoncé jeudi 26 mars que la France allait "progressivement basculer" vers "la surveillance syndromique en population", pour un meilleur recensement des cas. Franceinfo vous explique ce que cela signifie et ce que ça va changer.
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Un comptage plus proche du terrain
"Nous allons de plus en plus basculer vers une surveillance adaptée à l'épidémie, c'est-à-dire à une évaluation réelle du nombre de cas d'après nos professionnels de santé", a expliqué Jérôme Salomon, lors de sa conférence de presse du jeudi 26 mars.
Depuis le passage en stade 3, les autorités communiquent chaque soir sur deux chiffres : le nombre de personnes testées et le nombre de décès parmi les personnes testées. Ainsi, au 2 avril au matin, la France compte près de 57 000 cas confirmés et 4 032 décès à l'hôpital. Pour mesurer l'évolution de l'épidémie, la progression lors des dernières 24 heures est également indiquée. Depuis quelque temps, le nombre d'hospitalisations et de "cas graves" admis en service de réanimation ou soins intensifs est également précisé : c'est d'ailleurs ce dernier indicateur qui serait le plus précis pour suivre l'évolution de la pandémie, indiquait Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, lors du point presse du gouvernement du 28 mars. Ces cas graves étaient 6 017 le 2 avril quant le nombre d'hospitalisation atteignait les 24 639 personnes.
Mais de plus en plus de spécialistes, à l'instar de Jérôme Salomon et d'Olivier Véran, estiment que ces chiffres ne reflètent pas la réalité de l'épidémie : les seuls décès pris en compte sont ceux ayant lieu à l'hôpital, et de nombreux cas ne sont plus formellement détectés, faute de tests disponibles – alors qu'à l'arrivée du virus en France, chaque cas "suspect" et "contact" l'était. Le problème se pose notamment pour les décès dans les Ehpad (de plus en plus touchés par l'épidémie), qui ne sont pas inclus dans les chiffres.
Le site data.gouv.fr, qui recense les données sur l'évolution de la pandémie, indique par ailleurs que "du fait de la difficulté de l’identification et de la confirmation biologique de l’ensemble des cas de Covid-19, les données présentées sous-estiment le nombre réel de cas."
Un appui sur la médecine de ville
Pour pallier ces difficultés, la surveillance épidémiologique a été progressivement révisée : elle n'est plus basée sur le dépistage biologique, mais sur des estimations basées sur les données communiquées chaque semaine par un réseau de professionnels de santé (médecins généralistes, SOS Médecins, hôpitaux publics, Ehpad...) de l'ensemble du territoire. Comme pour le virus de la grippe, Santé publique France analyse ces données épidémiologiques chaque semaine et dresse son bilan.
Ainsi, pour la semaine du 22 au 26 mars, au moins 40 000 nouveaux cas de Covid-19 auraient été diagnostiqués par les médecins généralistes, estime Santé publique France. Pourtant, seules 25 000 personnes ont été testées positives et comptabilisées sur cette même période. "Cette évaluation est faite à partir d'un échantillon de médecins sur l'ensemble du territoire national, elle est faite au plus près du terrain et elle permet ensuite d'adapter nos chiffres à une extrapolation sur l'ensemble du territoire français", a expliqué Jérôme Salomon. "Ce réseau est identique à la surveillance des grand événements : notamment les événements climatiques, canicules ou vagues de froid, et aux épisodes de grippes saisonnières tous les hivers. Cette méthodologie, au plus proche du terrain (...) est considérée comme la méthode de référence en cas de stade épidémique", a martelé le directeur général de la Santé.
Jérôme Salomon inclut désormais une partie de ces chiffres à son point presse quotidien. Il précise le nombre de passages aux urgences pour soupçon de Covid-19 (environ 25% de leur activité à date) ainsi que le nombre de consultations remontées par SOS médecin (environ 21% de l'activité), et les compare avec les données de la veille.
Prendre en compte les décès dans les Ehpad
Une application est en cours de développement pour la mise en place d'un suivi quotidien de la mortalité, dans les Ehpad et dans les établissements médicosociaux, indique le gouvernement sur son site. Elle permettra une meilleure gestion en comptabilisant les décès "dès lors qu’un Ehpad ou un autre établissement médicosocial a signalé au moins un cas suspecté d’être infecté par le Sars-CoV-2 survenu dans l’établissement". Dès qu’elle sera mise en place, cette application permettra d'avoir des estimations quotidiennes sur les deux principaux lieux de survenue des décès liés au Covid-19 : les hôpitaux et les établissements de santé, "ceux survenant à domicile ou dans d’autres institutions représentant a priori une faible part de la mortalité liée au Covid-19". Ces chiffres seront déclinés au niveau régional et départemental.
Santé publique France accélère également sa surveillance de la mortalité toutes causes confondues grâce aux chiffres de l'Insee. Cela permet notamment, en comparaison avec les données historiques, de détecter "un excès de mortalité et, le cas échéant, d’en estimer l’ampleur". Il faut environ une semaine pour consolider ces informations. Cela permettra, sur le long terme, d'estimer l’excès de mortalité induit par le Sars-CoV-2 et ce, quel que que soit le lieu du décès.
Jérôme Salomon a ainsi indiqué le 29 mars que la surmortalité pour la "semaine 12" de l'épidémie, c'est-à-dire sur la période allant du 16 au 22 mars, était estimée à 9% par rapport à la même période en 2019, sans que l'on sache encore si ces décès supplémentaires sont bien dus au coronavirus.
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