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Covid-19 : il y a une "banalisation de la maladie", une "accoutumance au risque" qui "suscite une certaine indifférence",

Plus d'un an après le début de l'épidémie de Covid-19, la France a dépassé le seuil symbolique des 100 000 décès liés au coronavirus. Lors de ces douze derniers mois, Jocelyn Raude, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), a enquêté sur le comportement des Français face au Covid-19. Le scientifique a remarqué une "banalisation"de la maladie.

Article rédigé par franceinfo
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"la maladie continue à faire des victimes" et "malgré ça, il y a une espèce d'accoutumance au risque", a analysé Jocelyn Raude, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

On observe "une banalisation" du Covid-19, a remarqué Jocelyn Raude, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Invité sur franceinfo jeudi 15 avril, le chercheur associé à l’enquête CoviPrev de Santé publique France, qui suit l’évolution du comportement des Français pendant l’épidémie, indique que "la maladie continue à faire des victimes" et "malgré ça, il y a une espèce d'accoutumance au risque" ce qui "suscite une certaine indifférence".

franceinfo : Qu'est-ce qui vous a marqué dans cette enquête ?

Jocelyn Raude : Ce qui m'a vraiment marqué, c'est l'extrême coopération des Français sur la première partie de la pandémie. Encore aujourd'hui, on a globalement des Français qui mettent des mesures barrières, qui suivent les recommandations de réduire les contacts sociaux. Tout ça, ce sont vraiment des sacrifices pour chacun d'entre nous et il est important de souligner qu'on est, quand même, l'une des populations des pays développés qui suit le mieux les consignes en termes de santé publique.

Ces sacrifices reposent sur la peur ?

Ce qui est vraiment fascinant, c'est que la peur a vraiment changé de nature au cours de ces 12 derniers mois. C'est-à-dire qu'au début, ce qui structurait beaucoup notre peur par rapport à cette pandémie était essentiellement la peur de l'infection et évidemment, la peur de mourir de cette maladie. Et progressivement, ce qu'on a vu apparaître par petites touches, c'est une transformation de cette peur vers les effets collatéraux de cette crise sur la société française, en particulier sur l'emploi, sur l'économie, sur la société, sur la santé mentale et aussi sur l'embolie du système de santé, qui inquiète beaucoup les Français à l'heure actuelle, plutôt que sur la peur de la contamination qui a beaucoup, beaucoup baissé.

La peur s'est maintenue à un niveau assez élevé, mais l'objet de cette peur a beaucoup changé. Et ce qu'on observe maintenant, depuis un peu plus de huit mois, c'est ce qu'on avait déjà observé dans d'autres épidémies : une banalisation paradoxale de la maladie, c'est-à-dire que la maladie continue à faire des victimes, la maladie connaît des flux et reflux, et malgré ça, il y a une espèce d'accoutumance au risque qui se met en place. Mais c'est vrai pour toutes les sociétés dans le monde. On s'est finalement habitués aux chiffres. Et ça suscite, de plus en plus, une certaine indifférence.

Le rapport à l'épidémie a changé ?

L'OMS a beaucoup travaillé sur ces questions au cours des derniers mois et a sorti un rapport qui s'appelle La fatigue pandémique. C'est un phénomène observé un peu partout. C'est-à-dire que le nombre continu de décès au cours du temps provoque une certaine lassitude et une difficulté à se mobiliser. C'est un phénomène qui est extrêmement progressif, au fur et à mesure que l'épidémie continue, la réaction de la société à cette pandémie est de plus en plus faible. C'est un phénomène très lent, mais on le voit dans les données de l'enquête CoviPrev : on a une mobilisation qui est de plus en plus complexe à mettre en œuvre.

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