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Covid-19 : 62% des 18-24 ans disent avoir eu des pensées suicidaires depuis septembre 2021, selon une étude

Plus d'un tiers des Français sondés disent avoir été tentés par le suicide depuis septembre 2021, selon une enquête menée par l'Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès. 

Article rédigé par Florence Morel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un jeune homme devant une fenêtre en mars 2021 à Vannes (Morbihan). (VALENTINO BELLONI / HANS LUCAS / AFP)

"Il y a urgence", alerte le psychiatre Michel Debout, auteur d'une étude de la Fondation Jean-Jaurès sur le suicide et la santé mentale à la suite de la crise sanitaire*, publiée jeudi 7 juillet. Selon ses conclusions, les jeunes ont payé le prix fort de la crise sanitaire et des mesures de confinement. Dans cette enquête menée par l'Ifop, 62% des 18-24 ans déclarent avoir eu des pensées suicidaires depuis septembre 2021, contre 34% de la population totale.

La proportion de passage à l'acte chez les personnes ayant eu une pensée suicidaire a en outre significativement progressé entre 2016 et 2022, selon cette étude. Il y a six ans, 22% des personnes ayant eu des pensées suicidaires étaient passées à l'acte une fois au moins. Elles sont 30% selon la dernière étude de la Fondation Jean-Jaurès. "Quand 6% de la population française (ce qui représente 3,5 millions de personnes) a déjà fait une tentative de suicide contre 3% il y a 20 ans, c'est très préoccupant et cela devrait interpeller les pouvoirs publics", estime Michel Debout.

Les hommes jeunes particulièrement vulnérables

Avant la crise du Covid-19, c'est chez les jeunes femmes que le taux de pensées suicidaires était le plus important, mais la situation a évolué. Quelque 35% des jeunes hommes (moins de 35 ans) interrogés déclarent avoir eu des pensées suicidaires pendant la période de confinement, alors que la proportion est de 20% pour les femmes du même âge.

Cette forte proportion d'hommes, "jusque-là inégalée", inquiète Michel Debout. Par le passé, ces derniers "pouvaient exprimer leur détresse à travers d'autres manifestations que le passage à l'acte suicidaire, comme des agressions, des actes violents, une violence contre eux-mêmes, mais qui ne prenait pas la forme d'une tentative de suicide", explique-t-il.

En cause, l'isolement et la précarité

L'émergence de ces pensées suicidaires et dépressives sont "largement" liées à "la précarité sociale, la pauvreté vécue à cet âge et l'isolement forcé", selon l'étude de Michel Debout. Effectivement, en mars 2021, une étude Ipsos pour France Télévisions révélait que 37% des 18-25 ans parvenaient tout juste à boucler leur budget. Outre la précarité, "c'est la jeunesse qui a été isolée, qui ne pouvait plus voir ses proches, pointe le psychiatre. Et en plus, on les a montrés du doigt quand ils faisaient des fêtes, alors que la jeunesse a besoin de se retrouver, argue-t-il. C'est un besoin presque vital."

"Certes, ils prenaient un risque pour leur santé virale, mais en restant isolés, ils prenaient un autre risque tout aussi grave pour leur santé mentale."

Michel Debout, psychiatre

à franceinfo

"Il y a urgence à agir (...) L'augmentation du mal-être des enfants et des jeunes est complètement liée à la crise du Covid", a souligné mardi la Défenseure des droits, Claire Hédon, sur France Inter. Notamment sur le terrain de la prévention. Car un autre chiffre révélé par l'étude pointe un mal spécifiquement hexagonal. Par rapport aux autres pays européens où l'étude a été menée, les Français sont ceux qui consultent le moins de psychiatres de psychologues : 16% des Français sondés ont consulté un de ces spécialistes au cours des deux années écoulées, contre 20% des Allemands ou des Espagnols. Pourtant, la proportion de personnes ayant consulté un généraliste est comparable (entre 87 et 91%).

* Etude réalisée par l'Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes, menée sur des échantillons de 1 000 personnes dans six pays européens (France, Allemagne, Espagne, Irlande, Pologne et Suède). Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne, du 3 au 17 mai 2022.


Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

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