Droit de visite dans les Ehpad : "C'est un grand progrès" pour Serge Guérin, sociologue spécialiste du vieillissement
Pour protéger les personnes âgées, "il faut trouver un équilibre", explique Serge Guérin, car "elles sont aussi fragiles par la solitude, par l'isolement, par le manque de lien".
Édouard Philippe a annoncé la reprise dès ce lundi des "droits de visite" dans les Ehpad pour les familles, dans des "conditions extrêmement limitées", sous la responsabilité des directions d'établissements et à la demande des résidents. Des visites, sans contact, pour éviter la transmission du coronavirus, alors que 45% des Ehpad recensent au moins un cas de Covid-19. "C'est un grand progrès" pour Serge Guérin, sociologue spécialiste du vieillissement et membre du Conseil du Haut Comité de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge.
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franceinfo : ces visites à nouveau possibles dans les Ehpad, c'est une bonne nouvelle ?
Serge Guérin : Je crois qu'Olivier Véran a bien explicité les choses, c'est-à-dire que l'on ne peut pas tout faire. C'est vraiment mieux que rien, c'est-à-dire que deux personnes de la famille peuvent aller voir leur proche. On peut se voir, on peut échanger par des gestes, par des mimiques et c'est déjà beaucoup mieux que, simplement dans le meilleur des cas par téléphone. C'est un grand progrès. Évidemment, cela demande de l'organisation, ce n'est pas évident. Il n'y avait déjà pas suffisamment de personnel, mais avec la maladie, évidemment, il y a encore moins de personnel. Mais sur le fond, sur le principe, c'est évidemment une très bonne chose.
Le gouvernement va faire confiance aux dirigeants des Ehpad pour organiser ces visites ?
C'est joli le mot confiance. Je crois que c'est ce qui manque souvent dans cette société. En fin de compte, c'est faire confiance aux responsables de l'Ehpad, faire confiance aux équipes, aux soignants, dans les établissements, faire confiance aux familles, aux proches, aux aidants et c'est faire confiance, y compris à la personne, avec ses difficultés.
C'est aussi de rappeler que la parole des aînés, c'est une parole comme celle des autres. Les gens âgés sont des adultes.
Serge Guérin, sociologue spécialiste du vieillissementà franceinfo
Aujourd'hui, il y a à peu près 6 millions de personnes de plus de 75 ans. Demain, ce sera le double. Donc, ces personnes-là, il faut aussi qu'on ait confiance en elles. Il faut aussi qu'on les écoute. Il faut aussi qu'on fasse confiance dans le personnel qu'il y a autour. Vous avez parfaitement raison. Il faut jouer sur cette notion de confiance et de responsabilité.
Reste tout de même une réalité. Ces personnes sont extrêmement fragiles. Comment peut en même temps les protéger ?
Il faut trouver un équilibre. Mais elles sont aussi fragiles par la solitude, par l'isolement, par le manque de lien. C'est, finalement, entre deux fragilités. Comment on fait, pour le mieux possible, protéger ces personnes, mais en même temps, en continuant de donner du sens à leur vie, du sens au lien et du sens à leurs proches. C'est à la fois de la confiance, du sérieux, de la rigueur et une problématique très lourde, la question du temps. Pour organiser ces visites, il faut que les gens acceptent de venir à une certaine heure, d'être dans telle ou telle situation et il faut que tout le monde y mette du sien, en quelque sorte. C'est vraiment quelque chose où chacun doit coopérer, dans le respect, évidemment, des contraintes sanitaires, dans le respect de la personne, en sachant aussi que parfois, si cette personne a des troubles neurologiques importants, elle ne va pas nécessairement comprendre. Un geste, un regard peut parfois suffire et peut donner un petit moment de répit pour la personne. Il faut aussi penser au personnel. Cela va être un effort et une rigueur supplémentaires. Et une inquiétude aussi parce qu'il ne faut pas que les gens ne s'approchent trop, qu'ils se touchent. Il peut y avoir des systèmes de sas, comme s'il y avait une vitre ou des éléments de ce type-là. Selon les établissements, cela sera plus ou moins facile à organiser.
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