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Etat d'urgence prolongé, quarantaine obligatoire limitée, traçage des contacts… Ce que contient le projet de loi sur le déconfinement

Ce texte, annoncé cette semaine par Edouard Philippe lors de sa présentation de la stratégie de déconfinement progressif et différencié à compter du 11 mai, sera présenté dès lundi au Sénat puis vraisemblablement mardi après-midi à l'Assemblée nationale.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Olivier Véran, ministre de la Santé, répond aux questions à l'issue d'un Conseil des ministres, le 15 avril 2020. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

"Nous allons devoir livrer ensemble une véritable course de fond qui s'est engagée il y a un mois et demi mais qui n'est pas encore terminée." Lors d'un point-presse, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et celui de l'Intérieur, Christophe Castaner, ont détaillé, sur un ton solennel, les principales dispositions du projet de loi sur le déconfinement présenté samedi 2 mai, lors d'un Conseil des ministres extraordinaire.

"Apprendre à vivre avec le virus, voilà l'enjeu des prochains mois", a renchéri le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Le texte, qui comporte sept articles, vise à "conforter le cadre juridique" et à l'"élargir" pour "y intégrer les enjeux du déconfinement", qui doit débuter le 11 mai, a précisé Olivier Véran. Franceinfo vous résume les principales annonces.

L'état d'urgence sanitaire prolongé

Le gouvernement a décidé la prolongation pour deux mois, jusqu'au 24 juillet, de l'état d'urgence sanitaire en France pour lutter contre la pandémie de coronavirus, a annoncé Olivier Véran. Entré en vigueur le 24 mars, l'état d'urgence sanitaire est prorogé car sa levée le 23 mai "serait prématurée", "les risques de reprise épidémique" étant "avérés en cas d'interruption soudaine des mesures en cours", indique le projet de loi.

Le texte devrait être discuté par les sénateurs à partir de lundi après-midi, puis par les députés, probablement à partir du lendemain, a précisé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.

Quarantaine et isolement obligatoires uniquement lors de l'entrée en France

Le texte précise notamment les conditions de quarantaine des personnes arrivant en France et atteintes du virus. Elle ne pourra être rendue obligatoire qu'aux arrivées sur le territoire français, a indiqué le ministre de la Santé, c'est-à-dire "sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d'outre-mer" ou en Corse. "Cette quatorzaine obligatoire est imposée à tout personne qui rentre sur le territoire (...) et sera organisé avec les moyens de l'Etat", a déclaré Olivier Véran, renvoyant à un décret qui en fixera les modalités précises (durée, conditions d'accès aux biens essentiels, suivi médical) en accord avec les scientifiques. L'isolement concernera, lui, les personnes arrivant sur le territoire et présentant un diagnostic positif au coronavirus. "Dans ces deux cadres-là, il peut être prévu des mesures de contrainte si les gens le refusaient", a-t-il indiqué.

Les personnes qui feront l'objet de ces mesures pourront exercer un recours devant le juge des libertés et de la détention "qui statue dans les 72 heures". Le juge pourra également s'autosaisir. "Ces mesures ne peuvent se poursuivre au-delà de quatorze jours, sauf si la personne concernée y consent ou en accord avec le juge des libertés et de la détention", poursuit le texte, précisant que "la durée totale de ces mesures ne peut excéder un mois".

Pour les malades infectés par le Sars-CoV-2 en France, "nous faisons le choix de la responsabilité des Français", a déclaré Olivier Véran, soulignant que la possibilité d'un isolement obligatoire n'avait pas été retenue. Concrètement, le projet de loi prévoit que "les mesures individuelles de placement sont prises par le représentant de l'Etat, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) et après constatation médicale de l'infection de la personne concernée".

Un pouvoir de verbalisation élargi

Le pouvoir de verbalisation dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sera étendu notamment aux agents des transports en commun, après le 11 mai, a annoncé Christophe Castaner. "Le 11 mai, si les conditions sont réunies, la règle générale redeviendra la liberté de circulation et les Français n'auront plus à produire d'attestation pour sortir dans la rue", a-t-il déclaré. Cependant, le port du masque sera obligatoire dans les transports en commun, a rappelé le ministre, et les commerces rouvriront à condition de respecter les gestes barrières.

Pour ces raisons, "les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que, et c'est important, les agents de sécurité assermentés dans les transports mais aussi les agents des services de l'autorité de la concurrence pour les commerces pourront constater le non respect des règles de l'urgence sanitaire et le sanctionner", a-t-il détaillé.

"C'est un apport considérable, c'est une marque de confiance. C'est nous donner toutes les chances pour que le déconfinement se déroule dans les meilleures conditions sanitaires possibles", a précisé Christophe Castaner en appelant cependant au "civisme des Français". "Si certains contrôles seront encore nécessaires, nous comptons sur le civisme des Français et l'esprit de responsabilité", a-t-il dit.

Un système d'information pour tracer les malades

Le texte porte aussi sur la mise en œuvre d'un "système d'information" concernant les personnes malades et leur entourage pour une durée maximale d'un an. Il s'agit d'une "sorte de dossier médical du coronavirus", selon BFMTV. "Il s'agira de collecter des données d'ordre non médical, mais aussi (...) d'ordre médical pour les porter à la connaissance d'un grand nombre d'intervenants", a déclaré Olivier Véran, qui a ensuite détaillé "cinq étapes distinctes".

Première étape : le recueil des tests par les laboratoires, lorsqu'ils sont positifs. Puis vient "le tracing de niveau 1", opéré par les médecins et professionnels de santé de premier recours, "pour définir le premier cercle des cas contacts d'une personne malade". Le "tracing de niveau 2" sera, lui, exercé par l'Assurance-maladie pour enrichir "la liste de contacts potentiels au-delà du premier cercle, vérifier qu'aucune personne potentiellement malade n'ait pu échapper au premier tracing".

Enfin, "le tracing de niveau 3" est organisé par les ARS : "Il s'agit d'identifier les chaînes de contamination, de transmission, ce qu'on appelait à un moment donné les 'clusters', les zones de forte circulation virale." La surveillance épidémiologique locale et nationale sera organisée par Santé publique France et par la Direction générale de la santé, a ajouté Olivier Véran.

Ce système d'information est d'ores et déjà l'objet de critiques sur la collecte et l'utilisation de ces données. Olivier Véran a également indiqué que, étant donné "un risque d'atteinte au secret médical, par le nombre d'intervenants qui prennent en charge les intéressés", le gouvernement aura recours à un encadrement législatif. "Les données récoltées ne seront pas récoltées aux fins d'une application et les systèmes d'information dont on parle juridiquement et techniquement sont indépendants de StopCovid", a précisé le ministre de la Santé. Le but est d'"enrichir" les fameuses "brigades" annoncées par le Premier ministre mardi, des "anges-gardiens" selon Olivier Véran.

La limite de déplacement de 100 kilomètres réglementée par décret

Le projet de loi permettra au Premier ministre de limiter la circulation par décret. "Le Premier ministre a déjà annoncé la limitation des déplacements dans un rayon de 100 km autour du domicile, sauf évidemment motif professionnel ou motif familial impérieux", a commenté le ministre de l'Intérieur.

"L'objectif du gouvernement n'est pas d'empêcher les gens de se déplacer mais d'empêcher que le virus se déplace", a déclaré Christophe Castaner. "Pour se déplacer, le virus utilise celles et ceux des Français qui se déplacent (...) nous faisons confiance à ces membres d'une famille qui voudraient rejoindre leurs grands-parents à plus de 100 km et qui les exposeraient à un risque", selon lui.

"Il n'y a pas d'interdiction de franchissement de barrières administratives", entre des régions classées rouges et des régions classées vertes, a précisé le ministre. "Ce dispositif se construit sur la confiance et la responsabilité, il n'est pas arrêté dans ses modalités, nous le préciserons dans la semaine qui vient", a-t-il ajouté, laissant présager d'autres annonces sur ce point dans les prochains jours.

Enfin, interrogé sur les appels à "libérer les plages" bretonnes pour un accès au littoral, Christophe Castaner s'est contenté de répondre que "pour l'instant, les plages sont fermées".

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