Face à la flambée de cas de Covid-19 chez nos voisins européens, "l'urgence est de vacciner ceux qui ne le sont pas", affirme la médecin Anne Sénéquier
Alors que la France est entrée dans la cinquième vague et voit ses voisins de l'Est aux prises avec une remontée des cas, la co-directrice de l'Observatoire de la Santé mondiale constate que cette vague "est majoritairement une épidémie de non-vaccinés".
"Il faut toujours pousser plus loin [la vaccination] parce qu'on a un virus qui se transmet très simplement", a estimé vendredi 19 novembre sur franceinfo Anne Sénéquier, médecin, co-directrice de l’Observatoire de la santé mondiale à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). La pandémie s'est accélérée en Europe de l'Est, notamment en Autriche qui va confiner lundi l'ensemble de sa population et a décidé de rendre la vaccination obligatoire à partir de février. "Il est exclu de penser que cela peut rester qu'à un seul lieu", alerte Anne Sénéquier.
franceinfo : Comment expliquer les flambées épidémiques en Europe, notamment en Autriche et en Allemagne ?
Anne Sénéquier : On a une Europe de l'Est qui est beaucoup moins vaccinée que l'Europe de l'Ouest. Les taux d'incidence qui augmentent aujourd'hui sont arrivés par cette Europe de l'Est, tels que l'Allemagne, la Hongrie ou encore la Bulgarie, qui est le pays le moins vacciné d'Europe. En Allemagne, l'incidence a augmenté en premier dans les régions de l'Est et, puisque les populations circulent, cela vient toucher la totalité des territoires. Il est donc exclu de penser que cela peut rester en un seul lieu. Par capillarité et parce que les flux de population augmentent à l'approche des vacances de Noël, on a donc petit à petit des taux d'incidence qui augmentent partout. Dans certaines régions, où l'on a un taux de vaccination plus important, on peut se demander pourquoi ces taux d'incidence augmentent malgré tout. Dans un pays comme l'Allemagne, on a moins de 70% des personnes qui sont vaccinées, ce qui ressemble un peu à la France mais il ne faut pas oublier qu'ils sont 83 millions de personnes. De plus, cela laisse quand même 27 millions de personnes non-vaccinées. C'est très largement suffisant pour générer une surcharge des services de santé si jamais cela venait à augmenter. Tous ces pays-là commencent donc à prendre des mesures pour essayer de limiter le plus possible ces contaminations.
La France pourrait-elle prendre des mesures plus restrictives si les services hospitaliers étaient débordés ?
Oui, on l'a constaté la semaine dernière lorsqu'un rapport de la Direction générale de la santé (DGS) a indiqué que les cas de Covid à l'hôpital en 2020 étaient de 2% sur la totalité des hospitalisations. Tout le monde s'est dit que, finalement, on avait arrêté l'économie et nos vies pour 2%. Mais l'hôpital ne fait pas que ça et je pense que c'est une bonne chose de le rappeler. Il fait majoritairement autre chose. La résilience de ce système de santé que l'on porte toujours aux nues n'est pas si véritable que ça. Aujourd'hui, ce système de santé est énormément fragilisé par rapport à 2019. Je vous mets au défi de trouver un service de réanimation en France qui se porte mieux qu'il y a deux ans. Certains membres du personnel de santé sont partis. On a des coupes dans les budgets et le matériel. Aujourd'hui, on n'a pas besoin de cette cinquième vague. L'accent est mis sur la vaccination qu'il faut toujours pousser plus loin puisqu'on a un virus qui se transmet assez simplement.
Quelle est l'urgence : la troisième dose ou la vaccination des non-vaccinés ?
C'est plus facile aujourd'hui de réaliser les troisièmes doses parce que ce sont des gens qui sont déjà vaccinés et qui ont déjà compris l'intérêt individuel et collectif de la vaccination. Cela augmente leur protection personnelle, puisque les études montrent que l'immunité décline à partir de six mois. C'est pertinent pour eux. En revanche, cette cinquième vague, est majoritairement une épidémie de non-vaccinés car ils représentent plus de 80% des personnes qui sont en réanimation. L'urgence est donc de vacciner ceux qui ne le sont pas, ce qui est beaucoup plus compliqué.
Confiner les non-vaccinés comme l'Autriche l'a fait pourrait-il être envisagé en France et cela serait-il efficace d'un point de vue scientifique ?
A partir du moment où vous protégez ceux qui sont susceptibles d'être infectés, voire de mourir, ce n'est pas sur la plan scientifique mais humain que vous voulez protéger. En revanche, vous les empêchez de vivre leur vie, de gagner leur vie et d'avoir une vie sociale. Là, sur le temps humain et sur le temps scientifique, on n'est pas raccord. C'est toute la problématique. Aujourd'hui, on n'est plus comme dans cette première vague où l'urgence était de protéger le sanitaire parce que c'était la problématique. La problématique actuelle est aussi économique, psychologique et sociale. Cela change la façon de prendre les décisions.
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