Fermetures de classes, enseignants touchés, grèves… Pourquoi le variant Omicron risque de chahuter la rentrée scolaire
La très grande contagiosité du variant Omicron fait craindre une circulation rapide et massive du Covid-19 dans les classes.
"Les enseignants ne seront pas sereins lundi en reprenant l'école", a prévenu sur franceinfo Guislaine David, porte-parole du syndicat d'enseignants SNUipp-FSU. Les parents non plus, à écouter certains témoignages face à la 5e vague épidémique de Covid-19. Le gouvernement a tranché : la rentrée des classes aura bien lieu lundi 3 janvier et non une semaine plus tard, comme le réclamaient certains professionnels de santé ou responsables politiques.
Les 14 millions d'écoliers, collégiens, lycéens et étudiants sont donc attendus en classe et le protocole sanitaire à l'école a connu quelques ajustements mais aucun bouleversement. Pourtant, l'envolée des contaminations pendant les vacances scolaires, portée par la forte contagiosité du variant Omicron, fait craindre un rebond épidémique en milieu scolaire. Franceinfo vous explique pourquoi cette rentrée fait craindre le pire aux professionnels de santé et aux enseignants.
Parce qu'un tiers des enseignants pourraient être touchés par le Covid-19
L'extrême contagiosité du variant Omicron pourrait entraîner une "désorganisation" de la France à cause d'une multiplication des arrêts de travail, a mis en garde le Conseil scientifique, dès le 23 décembre. Une mise en garde qui s'applique à tous les secteurs de l'économie, mais également à l'école. Les experts se sont même livrés à une estimation. Selon eux, un tiers des enseignants "au moins" pourraient être touchés par le Covid-19 d'ici à la fin janvier, de manière "directe" en étant cas positif, ou "indirecte" en étant cas contact.
Comment faire fonctionner l'école si un tiers des 800 000 enseignants venaient à manquer ? Invité de France Inter le 28 décembre, Jean-Michel Blanquer a évoqué, sans entrer dans les détails, des solutions pour anticiper cette situation. "Nous déployons des moyens, notamment chez les vacataires et les jeunes retraités de l'Education nationale. Notre objectif est de garantir cette continuité pédagogique", a affirmé le ministre de l'Education nationale.
Ces pistes laissent les enseignants sceptiques, à en croire les témoignages recueillis par Le Monde. "Revenir sur le front après 60 ans, en pleine épidémie, c'est l'inverse du bon sens", explique ainsi un enseignant retraité au quotidien. "Qui va accepter de s'exposer au virus pour un CDD de deux mois ?" interroge un autre. Certains syndicats proposent d'autres solutions. "Pour s'en sortir, à défaut d'une rallonge budgétaire qui nous semble pourtant urgente, on pourrait commencer par faire appel aux listes complémentaires des aspirants enseignants qui ont manqué de peu la réussite aux concours", suggère ainsi Guislaine David, du SNUipp-FSU.
Parce que les fermetures de classes risquent d'exploser
Si les enseignants risquent de manquer, les fermetures de classes pourraient aussi se multiplier du fait de l'envolée des contaminations chez les enfants. "Parmi les enseignants, il y aura un tiers qui seront touchés, voire plus, de façon directe ou indirecte. Ce sera la même chose pour les élèves. Car vous aurez dans chaque classe plusieurs enfants qui seront infectés ou cas contact", a, par exemple, averti sur BFMTV, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique.
Les syndicats d'enseignants du primaire ont réclamé – sans succès – le retour à la politique de fermeture d'une classe dès le premier cas positif, mesure qui n'est plus en vigueur depuis le 29 novembre. Désormais, il faut trois cas confirmés pour fermer une classe durant sept jours. A la veille des vacances, 3 150 classes étaient fermées en France en raison de l'épidémie, un chiffre stable selon le ministère.
Pendant les vacances, Omicron a toutefois poursuivi sa course folle avec des niveaux de contamination jamais atteints. Une situation qui fait craindre une explosion des cas à l'école, comme dans le reste de la société. "On va reprendre exactement dans les mêmes conditions sanitaires déplorables qu'avant les vacances de Noël… Et maintenant, il y a Omicron en plus !" s'est agacée auprès de Libération Guislaine David. "Pour elle, pas de doute, écrit le quotidien, dès la rentrée, il y aura des clusters dans les écoles."
Parce que les protocoles appliqués à l'école sont insuffisants, selon les professionnels de santé
Dans une tribune publiée le 25 décembre dans le JDD, cinquante professionnels de santé ont interpellé le ministre de la Santé, Olivier Véran, et demandé le report de la rentrée scolaire. Ils n'ont pas été entendus. "Nous nous attendons à une vague inédite dans les semaines à venir de prise en charge d'enfants atteints du syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (Pims), ainsi que de séquelles liées à l'évolution, dans certains cas, d'une forme durable de la maladie ('covid long pédiatrique')", écrivent-ils. "La dernière étude de l'équipe dirigée par Vittoria Colizza estime que le virus circule plus dans les établissements scolaires, du primaire et du secondaire, que dans la communauté à la même période, montrant que les contacts au sein des écoles augmentent le potentiel de transmission du Sars-CoV-2 par rapport à la communauté", ajoutent-ils encore.
Pour ces professionnels de santé, les protocoles mis en place ne sont pas suffisants. "Concernant les tests, ils manquent de matériel. Il n'y a toujours pas eu d'audit de la qualité de l'air dans les écoles, des profs nous disent qu'ils ont encore des fenêtres qu'ils ne peuvent pas ouvrir, ils ne disposent pas de détecteurs de CO2, de purificateurs d'air... On n'a pas appris grand chose depuis des mois", déplore sur franceinfo Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML) et signataire de la tribune.
Parce que des mouvements sociaux sont à craindre
Les médecins ne sont pas les seuls à critiquer les mesures prises par le gouvernement. Les syndicats de l'enseignement les rejoignent sur de nombreux points. "Pendant que l'opinion se focalise sur le nombre de classes qui ferment ou non, on ne débat pas des dotations en masques, de l'aération des salles, du point noir que constituent les cantines… L'enjeu ne peut être court-termiste, il ne se résume pas au 3 janvier, ni même aux trois semaines qui viennent et qui s'annoncent extrêmement compliquées", critique Catherine Nave-Bekhti, du SGEN-CFDT, dans Le Monde.
Certains syndicats ont décidé de passer à la vitesse supérieure en déposant des préavis de grève. Le SNES-FSU a ainsi appelé à la grève pour cette première semaine de rentrée. "L'absence d'annonces gouvernementales pour les collèges et les lycées en pleine 5e vague, avec un variant qui circule rapidement, est irresponsable", dénonce le syndicat.
Oui, le préavis a été déposé pour la semaine de la rentrée, et sera renouvelé pour tout le mois de janvier. https://t.co/dGjQP0z1gK
— SNES-FSU (@SNESFSU) December 30, 2021
Le syndicat SUD éducation de Paris, quant à lui, a déposé un préavis de grève pour la période du 3 janvier au 5 mars.
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