: Vrai ou faux Covid-19 : les purificateurs d'air sont-ils efficaces contre le virus, comme l'assure Laurent Wauquiez ?
Au cours de tests en laboratoire, ces appareils, équipés des bons filtres, ont montré une capacité à capturer le virus dans l'air ambiant d'une pièce. Cependant, aucune étude ne confirme leur efficacité en conditions réelles d'utilisation.
Ce serait un "angle mort" de la lutte contre l'épidémie de Covid-19. Laurent Wauquiez a demandé au ministre de l'Education nationale, lundi 15 mars, que des purificateurs d'air soient installés dans les établissements scolaires pour éliminer le virus dans les salles de classe et les cantines. Le président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes croit à l'efficacité de ces appareils. Depuis le mois d'octobre, il en a fait installer 2 500 dans 285 lycées de 189 communes de son territoire, selon un communiqué (PDF). Laurent Wauquiez a prévu de dépenser jusqu'à 10 millions d'euros dans ces équipements, et déjà déboursé 184 000 euros pour financer une étude sur leur efficacité.
Des pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou l'Espagne ont également misé sur cette technologie et de nombreuses entreprises se sont lancées sur ce marché prometteur. Est-ce une solution miracle ou un faux espoir ?
Une étude scientifique menée par Virpath et Lyonbiopôle confirme que les purificateurs sont efficaces à 99%. Nous allons intensifier leur déploiement en @auvergnerhalpes. Je demande à @jmblanquer de revoir sa position et d'en déployer dans l'ensemble des établissements scolaires. https://t.co/Fp80vMz87z
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) March 15, 2021
Le fonctionnement d'un purificateur d'air est simple : l'appareil aspire l'air ambiant, le filtre et le rejette dans la pièce après l'avoir débarrassé des particules en suspension. D'après le communiqué, les engins installés par la région Auvergne-Rhône-Alpes sont dotés de filtres à haute efficacité, dits HEPA. Au sein de cette catégorie, des normes européennes définissent des classes de filtres en fonction de leur pouvoir filtrant. Ceux choisis par la région sont des modèles H13 et H14.
"C'est le type de filtration qu'on a l'habitude de rencontrer dans les salles propres des laboratoires. C'est un bon niveau de filtration. C'est un bon point de départ", juge Christophe Lestrez, délégué général de l'Association pour la prévention et l'étude de la contamination (Aspec), spécialiste de ces questions.
Une filtration efficace à plus de 99% face au virus
L'étude a été commandée par la région au laboratoire VirPath, une structure de recherche publique spécialiste des virus rattachée à l'Inserm et au CNRS, et à VirHealth, une entreprise spécialiste des virucides. Leurs travaux ont d'abord consisté à évaluer la capacité de ces filtres à piéger les particules virales de Sars-CoV-2 présentes dans l'air. Puis, à mesurer combien de temps elles survivent une fois piégées. L'analyse conclut à une très grande efficacité de ces deux classes de filtres.
D'après les mesures faites en laboratoire, les filtres H13 sont efficaces à 99,26%, les filtres H14 à 99,85%, après 20 minutes d'utilisation, soit 10 cycles de recirculation d'air. Une fois capturées dans le filtre, les particules virales meurent au bout de 48 heures.
Ces résultats ne sont pas une surprise. En 2016, la Nasa* a confirmé une efficacité proche de 100% sur des particules extrêmement fines (0,01 micron). Largement de quoi retenir le virus du SARS-CoV-2, "plus gros", qui mesure entre 0,06 et 0,14 microns, d'après l'étude chinoise* qui l'a observé au microscope électronique dès février 2020.
Un appareil à ne pas installer n'importe comment
Le Réseau de prévention des infections liées aux soins (RéPias) confirme dans une note (en PDF)que ces purificateurs d'air, équipés de filtres HEPA de classe H13 au moins, "peuvent diminuer la concentration des aérosols dans l'air et des virus susceptibles d'être transportés". Une analyse partagée par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).
Encore faut-il respecter un certain nombre de recommandations. D'abord, le débit d'air du purificateur doit être adapté au volume de la pièce. "L'épurateur doit pouvoir aller chercher un contaminant à l'autre bout de la pièce, souligne Christophe Lestrez. Dans une grande salle, il faudra peut-être utiliser deux ou trois aérateurs." Il doit renouveler au moins deux à trois fois par heure tout le volume d'air de la pièce, en continu, évalue le RéPias.
L'appareil doit ensuite être installé au bon endroit. "Si vous mettez votre appareil n'importe où dans la pièce, ce ne sera pas homogène et ce seront ceux qui seront le plus près qui en profiteront le plus", souligne Karine Blanckaert, médecin hygiéniste au Centre de prévention des infections associées aux soins (Cpias) des Pays de la Loire. Il faut aussi tenir compte du nombre de personnes amenées à respirer dans cet espace clos. Un public potentiellement infecté, qui y libérera ses particules virales. "Des épurateurs basés sur de la filtration à très haute efficacité, bien positionnés et avec les bons débits peuvent avoir de bons résultats", assure le délégué général de l'Aspec. Il faut en moyenne quatre à cinq purificateurs d'air pour équiper une cantine scolaire, là où ces appareils ont été installés en priorité, évalue la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le RéPias comme l'INRS déconseillent en revanche les purificateurs équipés d'un système de retraitement de l'air, par catalyse, plasma, ionisation, ozone ou charbons actifs entre autres. D'abord, l'efficacité de ces procédés contre les virus n'est pas prouvée, écrivent-ils. Ensuite, ils émettent des particules polluantes, potentiellement dangereuses pour la santé. La région Auvergne-Rhône-Alpes assure à franceinfo que les appareils qu'elle a choisis ne sont pas équipés de tels dispositifs.
Pas efficace contre les gouttelettes
Si les purificateurs d'air peuvent être efficaces contre les aérosols, ils ne peuvent rien contre les autres modes de propagation du virus : les gouttelettes et la transmission par contact des mains avec des surfaces contaminées. "Vous êtes malades, vous toussez devant quelqu'un, vous allez le contaminer, même si un très bon purificateur est à côté de vous", prévient sur franceinfo Bertrand Maury, chercheur à l'université Paris-Saclay qui travaille sur la plateforme de modélisation MODCOV19. Dans une cantine scolaire, où les élèves enlèvent leur masque pour manger, le purificateur d'air ne réduit donc que peu le risque de contamination.
Même avec un purificateur d'air, "il faudra continuer les gestes barrières, avertit Karine Blanckaert. Les élèves devront continuer à se laver et se désinfecter les mains, à porter le masque et à le changer toutes les trois ou quatre heures et en particulier après le déjeuner."
"A lui seul, un purificateur d'air portable ne suffit pas à protéger les gens du Covid-19", confirme l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA*), favorable à son utilisation dans les espaces confinés. Le RéPias prévient même qu'un purificateur projetant de l'air à "des vitesses (...) trop élevées" expose à un "risque de dispersion de gouttelettes".
Attention à l'impression de "fausse sécurité"
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) est encore plus réservée. Dans un rapport d'expertise rendu en 2017, l'Anses a conclu que les études scientifiques réalisées jusqu'alors sur les épurateurs d'air ne permettaient "pas de démontrer une efficacité en conditions réelles d'utilisation". Un constat également fait par Yannick Simonin, enseignant-chercheur en virologie à l'Université de Montpellier, interrogé par LCI.
Karine Blanckaert comme Christophe Lestrez mettent donc en garde contre l'impression de "fausse sécurité" que les purificateurs d'air pourraient faire éprouver. "Je ne vois pas vraiment l'intérêt, si ce n'est pour une pièce borgne qui ne peut pas être aérée à l'intercours, par exemple", estime la médecin hygiéniste. L'INRS comme le RéPias estiment que les purificateurs d'air ne peuvent venir qu'en complément d'autres sources de ventilation.
"Ces épurateurs d'air ont vraiment une utilité dans des cas bien particuliers. Il ne faut pas non plus se dire qu'il faut en mettre partout", abonde le délégué général de l'Aspec. "Je préférerais qu'il y ait des distributions de masque à l'entrée des établissements et des distributeurs de gel hydroalcoolique à l'entrée des salles de classe", renchérit l'experte de l'hygiène médicale.
* Les liens suivis d'un astérisque renvoient vers des publications en anglais.
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