#MeToo à l'hôpital : l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn raconte le harcèlement qu'elle a subi lorsqu'elle était médecin
Près d'un mois après les révélations de Karine Lacombe, qui accuse l'urgentiste Patrick Pelloux de "harcèlement sexuel et moral", la parole se libère encore à l'hôpital. Dans le documentaire Des blouses pas si blanches, réalisé par Marie Portolano et Grégoire Huet, diffusé sur M6 dimanche 5 mai, l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn raconte, elle aussi, avoir été victime de harcèlement moral et sexuel lorsqu'elle était médecin. "Ça a été d’une telle violence, une telle mise à l’écart. J’étais épuisée", confie-t-elle face caméra.
Cette spécialiste en hématologie a effectué l'essentiel de sa carrière à l'hôpital Necker, à Paris. En 2003, elle a alors 40 ans et s'apprête à devenir professeure. Face à une commission composée exclusivement d'hommes, chargée de sélectionner les futurs cadres de l'hôpital, Agnès Buzyn se rappelle, à ce moment-là, avoir "réalisé l'anomalie", un "dysfonctionnement grave". Mais le pire est à venir.
Une fois professeure, elle comprend que ce nouveau statut ne plaît pas à tous ses collègues. Agnès Buzyn ressent une "immense agressivité" de leur part, comme s'ils ne "supportaient pas d'avoir une femme hiérarchiquement au-dessus d'eux". Selon elle, son nouveau titre les rendait "fous furieux". Elle dit également avoir été réduite à un "fantasme sexuel" durant quatre années. Et donne l'exemple de ce représentant de médecins à l'hôpital Necker, qui aurait dit dans son dos : "C'est drôle, à chaque fois que je la vois arriver dans mon bureau, je la vois avec un fouet et des bottes."
"J'étais pré-suicidaire"
Face à toute cette "violence" et cette "mise à l'écart", Agnès Buzyn finit par rendre la blouse. "J'ai décidé de m'extraire de mon métier de médecin", dit-elle. Une décision radicale, motivée en partie par un instinct de survie. "J'étais pré-suicidaire", confie-t-elle, ajoutant que ses enfants ont aussi été une raison pour elle de ne pas passer à l'acte.
La suite de sa carrière, Agnès Buzyn la passe au sein d'institutions publiques liées à la santé et au nucléaire. Elle est ensuite propulsée ministre de la Santé en 2017, dans le gouvernement d'Edouard Philippe. Un poste qu'elle occupera jusqu'en 2020, avant que l'épidémie de Covid-19 n'explose en France.
D'autres femmes médecins "médiatiques" ont pris la parole ces dernières semaines pour briser l'omerta, donnant lieu au mouvement #MeToo à l'hôpital. Marine Lorphelin, Miss France 2013, a par exemple relaté avoir fait face à "des questions sur [son] intimité", comme "tu aimes telle ou telle position ?". Elle témoigne elle aussi dans le documentaire sur les violences sexistes et sexuelles à l'hôpital diffusé dimanche.
Mais la genèse de ce #MeToo à l'hôpital découle surtout du témoignage de Karine Lacombe, paru dans Paris Match le 10 avril. L'infectiologue a depuis rencontré le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, pour évoquer les agressions dont elle accuse Patrick Pelloux. Le ministre a alors lancé une série de consultations avec les représentants des médecins et internes. Le 24 avril, il a promis sur France Inter des "pistes concrètes" et des "propositions concrètes" pour en finir avec la "culture de l'impunité".
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