Antisémitisme : en Allemagne, le directeur des renseignements intérieurs s'inquiète d'un retour des "heures les plus sombres de l'histoire"
Chaque jour, la liste des incidents s’allonge : des étoiles de David taguées sur les maisons, des tentatives d’incendie contre des synagogues, des cimetières juifs profanés, des drapeaux israéliens recouverts de peinture rouge, sans compter les appels à la violence sur les réseaux sociaux... Un mois après l'attaque du Hamas contre Israël, l'Allemagne, comme le reste de l'Europe, fait face à une recrudescence des actes antisémites.
La Commission européenne dénonce même une situation où "les Juifs d’Europe vivent de nouveau dans la peur". L’Allemagne n’est donc pas épargnée. Le directeur du renseignement intérieur vient même de mettre en garde contre le retour des "heures les plus sombres de l’histoire" nationale. Depuis le 7 octobre, les autorités ont recensé 2 000 incidents en lien avec la guerre au Proche-Orient.
C’est aussi ce qui ressort du rapport présenté à Berlin mardi 7 novembre. Plus que jamais, le poison de l’antisémitisme est présent, regrette Nikolas Lelle, chef de projet à la fondation Amadeu Antonio, qui lutte contre le racisme et l’antisémitisme. "Les menaces qui pèsent contre les Juifs sont fortes. La culture de la mémoire se fissure. Le triste bilan de ces dernières semaines est que l’antisémitisme a toujours une place en Allemagne. Et cela signifie aussi que la place des Juifs se réduit. L’antisémitisme pousse à l’action, pousse au pogrom et nous avons tous le devoir de l’empêcher."
12% des Allemands estiment que la communauté juive a trop de pouvoir
Pour éviter d’être pris pour cible, des membres de la communauté juive ont retiré leurs enfants de l’école ou fait disparaître leurs noms des boîtes aux lettres et interphones. D’autres ont enlevé la mezouzah, le petit rouleau d’écriture hébraïque accroché traditionnellement aux portes. Depuis quatre semaines, l’Allemagne a renforcé la sécurité autour des édifices de la communauté juive, les synagogues, les écoles et les restaurants.
L’étude vient aussi rappeler qu’il y a en Allemagne un antisémitisme latent et des stéréotypes toujours bien présents contre les Juifs. Selon un récent rapport, 5,7% de la population est ouvertement antisémite, c’est trois fois plus qu’il y a deux ans. Et 12% estiment que la communauté juive a trop de pouvoir.
"Donner la certitude absolue que 2023 ne sera pas 1938"
Les agresseurs sont issus parfois de l’extrême droite, mais pas uniquement, ils sont souvent jeunes, ce qui inquiète d’ailleurs les autorités qui s’interrogent : l’Allemagne a-t-elle fait assez contre l’antisémitisme ? Non, répond fermement, Felix Klein, le délégué du gouvernement chargé de la lutte contre l’antisémitisme. "Nous nous sommes reposés trop longtemps sur nos lauriers, en pensant que l’Allemagne était championne du monde du souvenir et que cela était suffisant. Nous n’avons pas assez pris en compte le fait qu’il faut mener le combat en permanence", juge-t-il.
"Une grande partie de la population se pensait immunisée contre l’antisémitisme. Le traumatisme et les répercussions de la période nazie dans notre pays ont été si forts, que l’on pensait que les choses allaient de soi."
Felix Klein, délégué du gouvernement allemand chargé de la lutte contre l’antisémitismeà franceinfo
L’Allemagne s’apprête à commémorer jeudi le 85e anniversaire du pogrom contre les Juifs, la tristement célèbre Nuit de Cristal. La ministre de l'Intérieur a appelé à protéger la communauté juive. "Nous devons lui donner la certitude absolue que 2023 ne sera pas 1938", a même déclaré Nancy Faeser.
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