"Moi, j'appelle ça un viol" : la mission gouvernementale sur les dangers de la soumission chimique recueille les premiers témoignages de victimes
"Bonjour à tous, vous êtes des victimes de la soumission chimique. Je tiens à vous dire que je sais ô combien que ce que vous avez vécu ne s'oublie pas." Ainsi commence, mardi 21 mai à l'Assemblée nationale, la première audition consacrée au recueil de témoignages de victimes de la soumission chimique et menée par Sandrine Josso. La soumission chimique consiste en l'administration à des fins criminelles de substances psychoactives à l'insu de la victime ou sous la menace, pour commettre un crime ou un délit. La députée MoDem de Loire-Atlantique a elle-même porté plainte en 2023 contre un collègue sénateur soupçonné de l’avoir droguée avec de l’ecstasy pour l’agresser sexuellement.
Face à Sandrine Josso, dans la salle ou en visioconférence, une quinzaine de victimes sont venues témoigner, des femmes, des hommes, de 19 à 62 ans. Tous ont vécu le black out, l’amnésie, le doute, la honte, la difficulté, aussi, à être entendu par leurs proches, la police ou encore la justice.
Droguée à son insu par l’ancien directeur de l'Institut Montaigne, Sophie Conrad est l’une des rares à ne pas témoigner sous pseudonyme : "J'ai été droguée par mon directeur à son domicile et droguée à la MDMA, avec un peu plus de trois fois la dose récréative. Au moment où les premiers symptômes sont apparus, mon premier réflexe a été de m'enfuir. Si je n'avais pas porté plainte, je n'aurais jamais su ce qu'il y avait dans mon corps", raconte-t-elle. Son agresseur a été définitivement condamné.
"Un consentement sous soumission chimique n'est pas un consentement"
Mais pour Laurence, droguée et abusée à 47 ans par un ami, porter plainte a été un véritable combat contre la police, principalement. "Je n'ai pas compris jusqu'au lendemain matin ce qui m'arrivait. J'ai vomi toute la nuit, toute la matinée et vers 11h30 du matin, j'ai compris que j'avais dû être droguée, se remémore-t-elle. Moi, j'appelle ça un viol, parce qu'un consentement sous soumission chimique n'est pas un consentement. Donc, je me suis rendue au commissariat du 15ᵉ arrondissement où j'ai été accueillie comme une délinquante. 'Si vous portez plainte pour viol, vous prenez la porte. C'est nous qui décidons des plaintes que vous instruisez ou pas.' C'est ce qui m'a été dit."
En visioconférence, lunettes fumées sur les yeux, une victime présumée de Damien Abad prend la parole. Elle raconte comment le député et ancien ministre aurait abusé d’elle en la droguant à son insu : "Cette personne m'a proposé du champagne et je me suis retrouvée le lendemain dans une chambre d'hôtel dévêtue. Et j'ai pleuré pendant des heures et des heures. Je me suis douchée après pendant des heures aussi. J'étais choquée, je n'ai pas fait d'analyse."
"Ce que je voulais à l'époque, c'était faire comme si rien ne s'était passé."
Une victime présumée de Damien Abadlors de la mission gouvernementale sur les dangers de la soumission chimique
Depuis son agression, Sandrine Josso dit recevoir des centaines de mails, de courriers, d’appels de victimes de soumission chimique. La députée a six mois pour "examiner l'ensemble des questions et des enjeux autour de la soumission chimique, la prise en charge des victimes et la prévention de cette forme de violence et de faire toutes propositions dans ces matières", selon la lettre de mission gouvernementale. Pour recueillir ces témoignages, la mission a ouvert un livre blanc, qui sera assorti de propositions concrètes et remis au Premier ministre, Gabriel Attal, en octobre prochain.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.