Suicide de Lindsay : pourquoi l'Education nationale est critiquée pour sa réaction face au harcèlement de l'adolescente
"Si chacun avait fait son travail pour protéger Lindsay, elle serait vivante." La famille de l'adolescente de 13 ans, qui s'est donné la mort mi-mai après avoir été victime de harcèlement scolaire, a annoncé jeudi 1er juin avoir porté plainte pour "non-assistance à personne en péril" contre la direction du collège de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), l'académie de Lille et les policiers en charge de l'enquête. Une quatrième plainte vise le réseau social Facebook, "complètement défaillant" en matière de modération des contenus et de lutte contre "les propos haineux", a assuré Pierre Debuisson, l'avocat de la famille.
Betty Gervois, la mère de l'adolescente, avait raconté, fin mai, sur RTL, que sa fille avait été victime dès la rentrée d'"insultes à répétition" à l'école et "sur les réseaux sociaux". Pour elle, "la jalousie" de ses camarades était à l'origine de ce harcèlement. "Lindsay était jolie, coquette, elle avait tout pour elle !" avait-elle assuré à La Voix du Nord. "Le directeur du collège et l'Education nationale" portent la plus grande part de responsabilité dans le suicide de l'adolescente, a-t-elle estimé lors d'une conférence de presse, jeudi. Voici les reproches qui leur sont formulés.
L'alerte de Lindsay n'aurait pas été suffisamment prise au sérieux
Quand les notes de Lindsay ont commencé à chuter, la mère de la jeune fille assure avoir réagi, entre rendez-vous chez le psychologue et signalements à l'établissement et aux services académiques. "J'ai même écrit au président de la République !" a confié à La Voix du Nord la grand-mère de l'adolescente, qui avait trouvé en février une lettre d'adieux sous son lit.
Mais, jeudi, les proches de Lindsay ont accusé les autorités scolaires et la police d'avoir minimisé le harcèlement subi par la jeune fille et plusieurs de ses amies. "Lindsay, à un moment, elle était au collège, et elle demandait de l'aide au directeur (…). Le directeur lui a carrément dit : 'Ecoute, tu m'embêtes avec tes bêtises, on n'a pas que ça à faire'", a affirmé la mère de l'adolescente. "J'ai fait plusieurs fois appel au collège, le CPE [conseiller principal d'éducation] n'en avait rien à faire", a aussi accusé la mère d'Océane, une amie de Lindsay.
Le rectorat de Lille a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative, concédant que les services scolaires auraient pu "aller plus loin dans le suivi" de la jeune fille. "On a déclenché le protocole" après le signalement du harcèlement, a néanmoins plaidé, le 26 mai devant la presse, Jean-Roger Ribaud, directeur académique du Pas-de-Calais. "La maman a été reçue, Lindsay a été reçue par l'infirmière, par le CPE, par le principal, a-t-il assuré. Mais ça s'est avéré malheureusement insuffisant."
"La principale instigatrice des violences a d'abord été exclue temporairement le 14 novembre (...) puis exclue définitivement le 27 février dernier et on aboutit à la tragédie du 12 mai", a détaillé, jeudi, le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, sur BFMTV. Ce dernier, qui a concédé un "échec collectif", a affirmé suivre "personnellement" le dossier du suicide de Lindsay. Citant l'enquête judiciaire et administrative, il a assuré qu'il en tirerait "toutes les conclusions à l'égard des personnels le cas échéant et, surtout, les conclusions générales sur la manière dont on peut avancer".
"Face à un signalement de cas de harcèlement, notre réaction doit être systématique et complète", a écrit le ministre dans un e-mail adressé vendredi à tous les chefs d'établissement. Le courrier leur rappelle qu'ils sont tenus "de prévenir l'apparition de situations de harcèlement, favoriser leur détection par la communauté éducative et apporter une réponse rapide et coordonnée".
Le suicide de l'adolescente n'a pas fait cesser le harcèlement contre ses amies
La mère de la meilleure amie de Lindsay, Maëlys, a témoigné durant la conférence de presse d'un harcèlement qui se poursuit contre sa fille : "On lui demande pourquoi elle n'a pas été là pour sa copine" et qu'elle "ferait mieux d'aller la rejoindre". "Les insultes et les [messages à] caractère injurieux continuent de circuler sur les réseaux sociaux" depuis la mort de l'adolescente, a confirmé Pierre Debuisson. "Un compte public a été créé dans lequel il est écrit : 'Lindsay est enfin morte'", a-t-il relaté, citant d'autres insultes relayées sur internet.
"En séparant les auteurs de violences des victimes, on ne résout pas [le problème]. Le harcèlement a continué", a confirmé Pap Ndiaye sur BFMTV, pointant ainsi du doigt le cyberharcèlement, en dehors du temps scolaire. Pour tenter d'endiguer le phénomène, le ministre a annoncé un "renforcement de la cellule de lutte contre le harcèlement". Evoquant les numéros verts sur le cyberharcèlement (3018) et le harcèlement à l'école (3020), il a expliqué que "les moyens qui leur sont attribués seront augmentés pour recruter davantage de psychologues, experts des réseaux sociaux et écoutants". Il a également promis d'"inviter à échanger les principaux responsables des réseaux sociaux", afin que ceux-ci modèrent davantage les échanges sur leurs plateformes.
Un manque de soutien ressenti par les proches de Lindsay
L'avocat de la famille a critiqué l'attitude du ministre de l'Education nationale, qui avait réagi à ce suicide sur Twitter. Pierre Debuisson a jugé "inconcevable" de ne pas "prendre le soin d'aller à la rencontre [de la famille de l'adolescente] et partager quelques mots de compassion". La famille de Lindsay a assuré n'avoir pas eu le soutien de la communauté éducative "ni avant, ni pendant, ni après" le drame. "On n'a reçu aucun courrier", a déclaré Betty Gervois.
De son côté, Pap Ndiaye a affirmé sur BFMTV avoir "essayé plusieurs fois de joindre la mère de Lindsay".
Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
Pour signaler toute situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe des numéros de téléphone gratuits, anonymes et confidentiels : le 3020 (harcèlement à l'école) et le 3018 (cyberharcèlement), joignables du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l'Education nationale.
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