: Témoignages Ils veulent être "utiles", "sensibiliser" au réchauffement climatique : quels choix d'orientation professionnelle pour la jeunesse écolo ?
Ces lycéens et étudiants que l'on a vus défiler dans des marches pour le climat trouveront-ils un métier en accord avec leurs convictions ? Alors que les offres de formation dédiées à l'environnement se multiplient, franceinfo a rencontré des jeunes en plein questionnement.
En se lançant dans des études de biologie moléculaire à Rennes il y a deux ans, If pensait pouvoir concilier convictions écologiques et recherche scientifique. Mais la Brestoise, membre de Youth for Climate, est surtout frustrée : "En fait, je me sens mal dans ma formation parce que pour moi, ce n'est pas utile, pas utile aux enjeux actuels." Elle fait partie de ces jeunes, dont certains ont bloqué leur lycée, qui estiment que la société dans son ensemble n'a pas pris la mesure de la crise climatique qui nous attend.
Fille de paysan bio, If veut prendre une année sabbatique afin notamment de réfléchir à son nouveau projet : "Ce serait créer une ferme bio avec de la permaculture en collectif et qu'on puisse essayer de créer du lien avec les quartiers populaires des villes alentour." Une activité qui elle l'espère, lui permettra de continuer à militer.
Les cursus spécialisés se multiplient
Émilie rêve elle aussi d'un métier utile. Cette élève de première à Bordeaux, a eu son "déclic", sa prise de conscience du réchauffement climatique, au collège. Elle est devenue végétarienne, a banni le plastique et participé à plusieurs marches pour le climat. "Mais c'est très frustrant, on a l'impression qu'on ne peut pas faire grand chose au final", souffle-t-elle. L'année prochaine, après le bac, elle pense s'inscrire, à son tour, en fac de biologie, "de préférence dans les écosystèmes, la biodiversité... J'aimerais vraiment beaucoup travailler sur les animaux et comment essayer de cohabiter."
"Mon idée première, c'était d'être dans des associations comme WWF et de sensibiliser, de chercher quoi. Ne pas rester dans un laboratoire et être sur le terrain".
Emilie, élève de première à Bordeauxà franceinfo
Face à l'enjeu climatique et pour s'adapter aux nouvelles normes environnementales, de plus en plus de formations généralistes proposent désormais des cursus axés sur le développement durable ou la biodiversité. En droit, sciences de la vie et de la terre (SVT) ou encore en géographie. À UniLaSalle Rennes, école d'ingénieurs privée, on forme depuis 30 ans aux des métiers de l'environnement, et la demande explose se félicite Emilie Gardin, responsable du recrutement : "La première promotion en 1992, c'était 30 étudiants et aujourd'hui on arrive à 530 étudiants". Les effectifs ont bondi de 25% l'année dernière.
Est-ce la marque d'une préoccupation environnementale grandissante ou la conscience chez cette nouvelle génération que la transition écologique est une belle opportunité professionnelle ? "On fait passer actuellement les entretiens de recrutement et la plupart nous disent qu'ils font partie des marches pour le climat, qu'ils font des clean walk [action de ramassage collectif des déchets] avec leurs établissements, qu'ils ont des actions de sensibilisation auprès de leurs familles", observe Emilie Gardin.
"Il y a sûrement ce regard de se dire 'je n'aurai pas de difficultés à avoir un emploi'. Mais on voit bien dans les actions qu'ils ont ici, à l'école, dans leur implication associative, que c'est vraiment quelque chose qui leur tient à cœur au quotidien."
Emilie Gardin, responsable du recrutement à l'école d'ingénieurs UniLaSalle Rennesà franceinfo
Maturin, élève de deuxième année, a été très marqué par son expérience d'écovolontariat au Bélize, il y a trois ans : "J'ai réalisé que les déchets, c'est catastrophique dans les pays d'Amérique latine et en Amérique centrale". Sans idée précise sur son futur métier, le jeune-homme originaire d'un village près de Saint-Malo se destine plutôt au monde de l'entreprise et à sa gestion "des déchets ou de l'eau".
Le conseil en amélioration de l'emprunte carbone pour le secteur privé ou pour les collectivités est en effet l'un des principaux débouchés mis en avant par UniLaSalle Rennes qui précise que la première embauche intervient en moyenne cinq semaines après la fin du cursus. L'école bretonne, tout comme l'Institut des métiers de l'environnement et de la transition écologique (IET) - qui possède une antenne à Nantes et à Lyon - affirment mettre en garde et sensibiliser leurs élèves contre le "greenwhashing". Ces campagnes de communication qui permettent à des entreprises polluantes de se donner une image écoresponsable.
Réparer des éoliennes, "c'est un métier écolo ?"
Mais d'autres parcours, moins sélectifs, s'inscrivent eux aussi dans une démarche de préservation de l'environnement, explique Patricia Penvern, psychologue de l'éducation nationale à Rennes : "Un bac qui n’est pas forcément très connu, qui s'appelle STI2D, industriel et développement durable, intègre très bien ces préoccupations-là alors qu'il traite de l'électricité, du dessin technique, de la fabrication industrielle." Une filière professionnelle qui permet, en poursuivant jusqu'au bac+3, de se spécialiser dans l'eco-construction ou la rénovation énergétique des bâtiments, des secteurs clés dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Selon l'Ademe, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, la transition écologique va nécessiter la création de 340 000 emplois nets (en prenant en compte le nombre d'emplois détruits dans les secteurs liés aux énergies fossiles) à l'horizon 2035. Mais tous ces postes ne suscitent pas forcément des vocations tempère Patricia Penvern."Quelqu'un qui travaille dans une décheterie, c'est aussi un métier très utile à l'environnement auquel on ne pense pas toujours", avance-t-elle. La psychologue évoque aussi la maintenance et la réparation des éoliennes : "Est-ce que pour les jeunes, c'est un métier écolo ? On ne sait pas".
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