Des enseignants du primaire en soutien en 6e, généralisation du dispositif "devoirs faits" : Pap Ndiaye amorce sa réforme du collège
Pap Ndiaye qualifie sa réforme à venir du collège comme sa priorité en cette rentrée de janvier. Le ministre de l'Éducation nationale évoque "l'homme malade du système scolaire, là où se creusent les écarts de niveau entre élèves". Il a dévoilé mercredi 4 janvier sur BFMTV deux mesures de cette réforme à venir pour soutenir les collégiens en difficulté. Avec notamment une heure par semaine de renforcement en français et en maths en 6e : une heure en petits groupes, les élèves répartis selon leur niveau. Et en face d'eux, des professeurs des écoles volontaires.
Les syndicats enseignants, eux, sont dubitatifs. Stéphane Crochet, secrétaire général du Syndicat des enseignants-UNSA (SE-Unsa), critique "une réponse pédagogique superficielle", et doute de "la capacité à tenir ce rythme toute l'année" pour les enseignants qui interviendront "en mode médecin urgentiste pour les élèves les plus fragiles". Stéphane Crochet s'interroge sur le financement de cette mesure : "Il y a un moment où la vie réelle ne réussit pas à absorber ces injonctions paradoxales : demander de faire des choses nouvelles et avec toujours moins de moyens", a-t-il expliqué, pointant que dans le budget pour la rentrée prochaine sont prévues "1 000 suppressions d'emplois dans le premier degré, 500 dans le second".
Une heure hebdomadaire de renforcement en français ou maths en 6e
Premier dispositif : une heure par semaine de renforcement en français ou en mathématiques pour les élèves de 6e dès la rentrée 2023, du soutien "par petits groupes, selon le niveau des élèves" et assurés non pas par leurs enseignants de français et de maths au collège, mais par des professeurs des écoles volontaires. Tous les élèves retravailleront ainsi les fondamentaux et les lacunes des 6e en lecture, écriture, conjugaison et calcul. Pap Ndiaye a souligné que cette mesure allait permettre "un agrafage meilleur entre le primaire et le secondaire". "C'est très nouveau bien entendu dans l'Éducation nationale de faire intervenir des professeurs des écoles (...) dans le collège" reconnaît le ministre.
Pap Ndiaye s'inspire d'une expérimentation, baptisée Tremplin, et menée dans six collèges de l'académie d'Amiens. Là-bas, depuis la rentrée de septembre, des professeurs des écoles du secteur viennent dans les six collèges donner ces cours de soutien aux élèves de 6e en difficulté, identifiés par des tests réalisés quelques mois avant leur entrée au collège. Les élèves intégrés dans ce dispositif estiment avoir beaucoup progressé, en lecture notamment.
Cette heure de renforcement en français et en maths a été décidée parce que les résultats des élèves entrant au collège sont inquiétants. En septembre, à la rentrée, tous les nouveaux 6e ont passé des évaluations nationales. Résultat : un quart des élèves, 27%, n'ont pas le niveau demandé en français et un tiers en mathématiques. Si le pourcentage s'améliore un peu en français par rapport à il y a cinq ans, quand ces évaluations ont été créées, cela empire en mathématiques. Et les multiples rapports d'experts le montrent : c'est au collège que l'écart se creuse entre les bons élèves et ceux en difficulté. Le ministre Pap Ndiaye veut donc agir dès l'entrée au collège, pour tenter de combler cet écart.
Le dispositif "devoirs faits" généralisé
Le ministre de l'Éducation nationale a également annoncé une deuxième mesure, la généralisation du dispositif "devoirs faits". Il s’agit de deux heures de plus environ passées par semaine au collège pour faire ses devoirs plutôt que chez soi où les conditions d'étude sont parfois difficiles pour les élèves. Selon le ministère, un collégien sur trois en bénéficie aujourd'hui, davantage encore en éducation prioritaire où les établissements ont des moyens financiers supplémentaires pour payer notamment les heures supplémentaires des professeurs qui encadrent ce dispositif.
Une évaluation en CM1 et un brevet "révisé s'il le faut"
À partir de la rentrée 2023, les élèves de CM1 passeront aussi des évaluations nationales en français et en mathématiques pour donner des repères aux enseignants, annonce le ministère de l'Éducation nationale dans un communiqué. Et des recommandations pédagogiques seront adressées dès janvier aux enseignants de CM1 et CM2 concernant la pratique régulière de la dictée, la pratique quotidienne de la rédaction ou la régularité du calcul mental.
Une concertation sera en outre engagée dans les prochaines semaines pour le collège avec l'ensemble de la communauté éducative sur l'évolution des classes de 5e, de 4e et de 3e. Elle pourra "porter sur les modalités d'évaluation". "Le diplôme national du brevet sera révisé s'il le faut".
Pap Ndiaye a aussi lancé le chantier de la mixité sociale au collège
Les établissements privés seront aussi concernés par les mesures dévoilées avant la fin du mois de janvier. Ils devront contribuer à l'effort de mixité sociale. "Une priorité" pour Pap Ndiaye. Pour l'heure, le ministère de l'Éducation se refuse à tout commentaire. Mais il part d'un constat : les collèges privées accueillent beaucoup plus d'élèves issus de milieux favorisés.
Selon une récente étude de la Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance (Depp), le service statistique du ministère, quatre collégiens du privé sur dix sont issus d'un milieu social très favorisé. Deux fois plus que dans le public. À l'inverse, les collèges privés sous contrat accueillent deux fois moins d'élèves défavorisés que les établissements publics. Cet écart public/privé ne fait que s'agrandir depuis trente ans. Surtout dans les grandes villes qui concentrent beaucoup d'établissements. Les parents ont davantage le choix et les familles favorisées optent plutôt pour le privé pour leurs enfants.
Que peut faire le ministère de l'Éducation pour pour pousser les établissements privés à accepter davantage d'élèves issus de milieux défavorisés ? Pap Ndiaye a évoqué mercredi 4 janvier des pourcentages de boursiers, mais le principe de quotas pourrait contrevenir au droit français. Il consacre la liberté des familles de choisir l'enseignement pour leurs enfants, entre public et privé. Mais en même temps, l'enseignement privé sous contrat est largement subventionné. Les trois-quarts de son budget viennent de l'État et des collectivités locales. Cela peut être un levier pour l'État : verser moins de subventions aux établissements manquant de mixité sociale, et plus à ceux qui font des efforts.
Contacté par franceinfo, le secrétaire général de l'enseignement catholique n'est pas contre. Mais selon lui, la baisse des subventions, si cette mesure est retenue, doit être limitée. Sans cela, les établissements les plus privilégiés devront, selon lui, augmenter leurs frais d'inscription pour garder un budget à l'équilibre. De quoi écarter encore plus d'élèves issus de milieux modestes.
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