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Rythmes scolaires : ce qui coince encore dans certaines communes

La fin de l'année scolaire approche. L'occasion de faire un bilan, après cette première année de généralisation des nouveaux rythmes scolaires à l'ensemble des écoles publiques du premier degré.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Enseignants, parents et enfants d'écoles de Seine-Saint-Denis manifestent à Paris contre la réforme des rythmes scolaires, le 20 novembre 2014. (CÉLINE GUERREIRO / CITIZENSIDE.COM / AFP)

Ils revoient leur copie. Face aux difficultés rencontrées, certains maires choisissent, en cette fin d'année scolaire, de ne pas reconduire les activités culturelles et sportives fortement recommandées - mais pas obligatoires - dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Dans d'autres villes, les activités ne disparaissent pas, mais c'est tout l'emploi du temps qu'il faut revoir. Tandis que d'autres ont réussi, non sans mal, à s'adapter.

Alors que le ministère de l'Education nationale publie un rapport d'étape sur le sujet, lundi 22 juin, francetv info dresse un état des lieux, neuf mois après la généralisation de cette réforme décriée et accusée d'avoir été pensée dans l'urgence et sans concertation.

Des activités trop coûteuses et compliquées à organiser

Organisation trop lourde, ateliers trop chers, problèmes de recrutement du personnel... Les maires qui jettent l'éponge ont connu de nombreuses difficultés pendant l'année scolaire. Certaines villes ont été confrontées à une pénurie d'animateurs. Contraint de remplacer au dernier moment un animateur absent, le maire d'un village de 1 000 habitants en Haute-Loire a dû assurer lui-même les temps d'activités périscolaires (TAP).

Dans d'autres communes, les élus mettent en avant le manque de moyens. En période de baisse de dotations de l'Etat, le coût de la réforme pèse sur les budgets municipaux. Le mécanisme qui permet d'obtenir l'aide attribuée à chaque commune pour la réforme, via un fonds d'amorçage de l'Etat, a changé. Pour en bénéficier en 2015-2016, il faudra obligatoirement avoir présenté un projet éducatif territorial (PEDT). En clair, montrer une volonté d'aménager les horaires pour appliquer la réforme, et proposer des activités de qualité. Les communes peuvent aussi obtenir des aides de la caisse d'allocations familiales, qui sont soumises à des critères bien précis.

L'exemple. A Jouy-le-Moutier (Val-d'Oise), ville de 16 000 habitants, le maire (DVD) assure qu'il doit faire des économies. "Partout." Jean-Christophe Veyrine a donc choisi de stopper tous les ateliers. Il assure à francetv info qu'il réalisera ainsi une économie de 100 000 euros par an. Poterie, tennis, badminton, théâtre, chorale… Depuis 2013, une heure d'activités périscolaires était proposée à 2 200 élèves chaque mercredi matin, entre 10h30 et 11h30, avec le concours de 27 associations. "Avec une baisse des dotations de l'Etat de 14% en 2015, soit 700 000 euros, ce n'est plus possible. Je préfère dire honnêtement que j'arrête les activités, plutôt que d'en proposer de mauvaise qualité", explique l'édile. Il refuse d'augmenter les impôts locaux ou de demander une participation financière aux familles, comme le font certains maires

Pourtant, sa décision est critiquée par des parents et des enseignants. "Personne n'est d'accord, tout le monde a son idée. J'ai écouté tous les avis et j'ai fait cette proposition", tranche Jean-Christophe Veyrine. Pour compenser l'heure de TAP, l'école commencera plus tard, à 8h45. A partir de septembre, les élèves seront accueillis dès 8h20 par le personnel de la mairie. La direction académique a validé le projet du maire le 15 juin.

Des emplois du temps pas adaptés

Après une année scolaire, certains maires constatent que l'organisation choisie ne convient à personne : ni aux enfants, ni aux parents, ni aux enseignants, ni au personnel municipal. Ces communes peuvent, grâce au décret Hamon, essayer de concentrer les trois heures d'activités périscolaires sur un après-midi, le vendredi par exemple. C'est notamment le cas de Marseille (Bouches-du-Rhône). Mais la cité phocéenne devrait changer de formule, car depuis la rentrée 2014, c'est la cacophonie

Cet assouplissement a été concédé au printemps 2014, pour calmer le mécontentement suscité par la réforme et aider les communes qui avaient du mal à s'organiser. Aujourd'hui, 13% des communes appliquent ce décret, selon le ministère de l'Education nationale. Cette proportion progresse un peu : 14% d'entre elles appliqueront ce décret à partir de septembre.

L'exemple. Ville de près de 46 000 habitants dans les Côtes-d'Armor, Saint-Brieuc remet les choses à plat pour trouver une nouvelle organisation. Cette année, les activités périscolaires sont organisées pendant la pause méridienne, qui s'étend de 11h30 à 14h15. "Nous avions élaboré ce premier schéma pour répondre à l'intérêt des enfants. Finalement, quand les enfants rentrent en classe en début d'après-midi, ils sont soit trop fatigués, soit surexcités", commente Brigitte Blévin, maire adjointe chargée de l'éducation, interrogée par francetv info. Plus personne ne souhaite reconduire ce dispositif.

Alors, pour trouver une solution, la mairie a organisé une consultation. Elle l'avait envisagée pour l'automne 2015, elle a décidé de l'avancer. "Dans certaines écoles, le débat est vif et le mécontentement fort", reconnaît Brigitte Blévin. Le 8 juin, les bulletins ont été dépouillés. La municipalité n'a pas encore pris de décision officielle, mais penche nettement pour une matinée de classe allongée, suivie d'une pause méridienne et d'un après-midi de classe raccourcis. Une petite partie des activités périscolaires aurait lieu pendant la pause déjeuner et une autre, plus importante, après la classe. "Mais pas question de les abandonner, on est attachés au temps périscolaire !" insiste Brigitte Blévin.

Des débuts ardus mais une réussite à la clé

Les intervenants sont enthousiastes, les enfants contents, les parents satisfaits. Ouf. Dans certaines villes, les maires, soulagés, peuvent souffler. Ils ont trouvé leur rythme de croisière en matière de rythmes scolaires. Il y a bien eu des ajustements en cours d'année, mais à la marge. Comment expliquer cette réussite ? Elle est d'abord liée à la situation antérieure de la commune. "Dans les villes où la réforme fonctionne, le cadre périscolaire et le tissu associatif existaient déjà", constate Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, premier syndicat des enseignants du premier degré, contacté par francetv info.

Pour les mairies qui ont anticipé et pris le temps de préparer les emplois du temps, c'est aussi un succès. L'organisation trouvée est satisfaisante, car elle colle à la situation de la commune. La santé financière de la ville joue aussi un rôle important. "Le niveau de réussite est variable selon les moyens", souligne Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), sollicité par francetv info.

L'exemple. A Fercé-sur-Sarthe (Sarthe), dans l'unique école de ce village de 624 habitants, trois ateliers - cirque, informatique et photographie - sont proposés aux élèves en élémentaire pendant une heure et demie, deux fois par semaine. Les enfants de la maternelle profitent, eux, d'un temps calme ou d'une sieste pendant la pause méridienne. Francetv info s'était rendu sur place le 8 septembre 2014. Après des débuts brouillons, enfants, parents, enseignants et personnel ont réussi à s'adapter et à y trouver leur compte. "On a mis trois mois à trouver nos repères. Puis la situation s'est stabilisée", résume à francetv info le maire, Dominique Dhumeaux.

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