Quatre questions sur le Service national universel, que l'exécutif veut rendre progressivement obligatoire
Les prochaines générations de lycéens pourraient bientôt avoir un nouveau point commun : être parties en "séjour de cohésion", le terme utilisé pour désigner les sessions du Service national universel (SNU). Lancé en 2019 sur une idée d'Emmanuel Macron, ce dispositif qui repose pour l'instant sur le volontariat pourrait être rendu obligatoire pour chaque classe d'âge.
Le chef de l'Etat avait déclaré vouloir poser "les premiers jalons" du SNU généralisé en 2023, avant de formuler, lors de ses vœux aux armées en janvier, son souhait de former ainsi une "nation d'âmes vives" face "à l'inattendu". Selon une note que franceinfo a pu consulter, jeudi 2 mars, le ministère de l'Education veut d'abord rendre le SNU obligatoire dans six départements, tandis que l'Elysée promet des arbitrages sur le sujet pour le printemps.
1 Quel est l'objectif du SNU ?
Difficile de ne pas voir dans le SNU un écho du service militaire obligatoire, abrogé en France en 1997. Depuis cette époque, "la remise en vigueur d'une forme de service permettant le brassage social et le rattrapage scolaire" est une "préoccupation récurrente" dans le débat public, souligne un rapport sénatorial datant de juin 2022. C'est d'ailleurs lors de ses premiers vœux aux armées, en 2018, qu'Emmanuel Macron avait annoncé ce dispositif, censé "favoriser la participation et l'engagement de chaque jeune dans la vie de la nation (...), renforcer la cohésion sociale et dynamiser le creuset républicain", selon ses principes fondateurs.
Concrètement, les "séjours de cohésion" du SNU durent douze jours et sont ouverts à tous les adolescents de 15 à 17 ans. Plusieurs créneaux sont proposés chaque année, selon les vacances scolaires de chaque zone. Les participants doivent être de nationalité française et, pour l'heure, disposer d'un accord parental. Le séjour se déroule obligatoirement dans un autre département et au sein d'un hébergement collectif.
Une journée type au SNU commence par le lever des couleurs à 8 heures du matin, suivi d'une séance de sport et de diverses activités avant un coucher au plus tard à 22h30. Les adolescents y suivent des "modules" sportifs, informatifs et éducationnels. "Connaissance des services publics", "défense et sécurité", "découverte de l'engagement" font partie des thématiques abordées en groupe. Côté règlement, le téléphone portable est interdit, le port de l'uniforme est obligatoire et mettre ses mains dans les poches est passible de punition, comme l'a découvert Libération.
Ce service universel ne se réduit toutefois pas à un séjour. Il se poursuit dans l'année avec une "mission d'intérêt général" de 84 heures, dans une structure à proximité (association, service public, corps en uniforme...). Le service peut être conclu par un engagement de trois mois, volontaire lui aussi, dans l'armée, la police, les pompiers, l'accompagnement des personnes ou encore la préservation du patrimoine ou de l'environnement, selon une liste non exhaustive du ministère de l'Education.
2 Combien de jeunes y ont déjà participé ?
En 2019, la première expérimentation avait rassemblé environ 2 000 volontaires dans 13 départements pilotes. L'année suivante, le programme avait été très perturbé par la crise sanitaire. En 2021, 18 000 adolescents avaient participé aux séjours organisés pour la première fois dans l'ensemble des départements français. Ce nombre a encore augmenté en 2022, avec 32 000 participants accueillis dans 267 centres, selon le ministère de l'Education, qui précise que 69% des volontaires de ce cru étaient en classe de seconde, et que 55,9% étaient des filles.
Si la France venait à rendre le SNU obligatoire, 800 000 adolescents (nombre de jeunes dans une classe d'âge) devraient être accueillis chaque année, selon les estimations initiales du gouvernement. Invité de "Dimanche en politique" sur France 3, le 8 janvier, Gabriel Attal, ministre chargé des Comptes publics, à qui l'on doit la mise en place du SNU en 2019, a confirmé ce chiffre et réaffirmé son envie de voir le SNU étendu à tous les lycéens. "C'est utile pour le pays", jugeait-il.
3 Quels sont les retours d'expérience ?
Ils sont globalement positifs, selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), rattaché au ministère de l'Education nationale. "Le taux de satisfaction demeure élevé (90%) et la mixité sociale modérée, même si elle diffère selon la période du séjour", souligne l'Injep dans le bilan de ses enquêtes menées en 2022. La majorité des sondés conseilleraient le SNU à leurs camarades, même si environ 10% ont déclaré que le séjour leur avait été "imposé" par leur famille.
Parmi les participants de l'année écoulée, "77% pensent que le SNU est utile à la société", détaille le rapport. Les avis "varient entre les filles et les garçons", nuance toutefois l'Injep. Pour les premières, ce dispositif doit d'abord jouer un rôle dans l'apprentissage sur les thèmes de société, l'initiation aux premiers secours et la promotion de l'égalité des chances. Pour les seconds, le SNU doit plutôt servir à renforcer le patriotisme et à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes.
4 Combien coûte ce programme ?
La participation au SNU est gratuite pour les jeunes, mais représente une facture non négligeable pour l'Etat. A mesure que le dispositif s'étendait à toute la France, le budget nécessaire a changé de dimension pour atteindre 61 millions d'euros en 2021 puis 110 millions d'euros en 2022, selon la Banque des territoires, soit un coût moyen de plus de 3 400 euros par participant. S'il venait à être rendu obligatoire, le SNU pourrait coûter entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an, d'après les estimations avancées par l'exécutif lors de son lancement en 2019.
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