: Vidéo Yannick Agnel : "Comment imaginer qu'il y ait égalité de relation entre quelqu'un qui a 24 ans et quelqu'un qui en a 13 ?", proteste Jean-Pierre Rosenczveig
Mis en examen pour viol et agression sexuelles sur une mineure de 13 ans, le nageur a assuré que la jeune femme était consentante.
"Au XXIe siècle, comment peut-on imaginer qu'il y ait égalité de relation entre quelqu'un qui a 24 ans et quelqu'un qui en a 13 ?", s'interroge le magistrat honoraire et ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, Jean-Pierre Rosenczveig, mardi 14 décembre sur franceinfo, alors que le nageur Yannick Agnel a expliqué que la jeune femme qui l'accuse de viol quand elle avait 13 ans et lui 24 était consentante, selon la procureure de Mulhouse. Yannick Agnel a été mis en examen pour viol et agression sexuelle sur mineure de 15 ans.
franceinfo : Yannick Agnel affirme que la femme qui l'accuse de viol était consentante, alors qu'elle avait 13 ans au moment des faits. Est-ce un argumentaire courant des hommes accusés de violences sexuelles ?
Jean-Pierre Rosenczveig : C'est classique et c'est courant que le prédateur sexuel, le pédocriminel se retranche derrière le fait que, de son point de vue, la victime était consentante. Pour qu'il puisse être condamné, il faut qu'il y ait eu conscience d'avoir exercé une contrainte, mais lui dit qu'il n'a pas exercé de contrainte puisqu'elle était d'accord. La question est de savoir si une gamine ou un gamin de 13 ans peut donner librement son consentement. Au XXIe siècle, comment peut-on imaginer qu'il y ait égalité de relation entre quelqu'un qui a 24 ans et quelqu'un qui en a 13 ? Comment peut-on imaginer qu'un personnage de 24 ans puisse ne pas être conscient qu'il y a quelque chose qui cloche ? Ce n'est pas tout à fait normal, et si ce n'est pas normal, ce n'est pas loin d'être illégal. C'est même franchement illégal. C'est tout le débat sur le viol classique, qui veut qu'il y ait non seulement un acte de pénétration, mais que l'intéressé ait été conscient d'avoir exercé une pression, une contrainte, une coercition sur l'autre. Les prédateurs sexuels se retranchent derrière les faiblesses de la loi : la prescription et le consentement. Il faut démontrer qu'il y a eu violence, contrainte, surprise ou menace. Yannick Agnel va être jugé sur la base de l'ancienne loi et s'il n'y a pas eu de viol selon cette loi-là, il sera poursuivi pour atteinte sexuelle de la part d'un majeur à l'égard de quelqu'un qui avait moins de 15 ans. Les peines encourues sont largement différentes. Avec l'ancienne loi, pour un viol commis sur mineur de 15 ans, la peine encourue est de 20 ans de réclusion criminelle. Pour une atteinte sexuelle, la peine encourue est de 7 ans d'emprisonnement.
Justement, la loi a changé en début d'année 2021. A partir de cette date-là, toutes les relations sexuelles avec pénétration d'une personne majeure avec un mineur de 15 ans est légalement considéré comme un viol. Pourquoi avoir changé la loi ?
On a été choqué en 2017 de voir qu'un procureur de la République doutait qu'une cour d'assises puisse condamner pour viol un homme de 28 ans qui avait eu une relation sexuelle complète avec une jeune fille de 11 ans, car il pensait ne pas arriver à prouver qu'il y avait eu violence. Ça a choqué l'opinion publique. Quelques mois plus tard, il a saisi le tribunal correctionnel qui d'ailleurs s'est estimé incompétent car c'était un crime de son point de vue, ce n'était pas un délit. Et puis, il y a une autre situation qui s'est concrétisée à Melun : la cour d'assises, avec des jurés populaires, ont là encore estimé que pour une gamine qui avait 11 ans, l'homme qui avait 18 ans, qui avait eu une relation sexuelle avec elle, n'avait pas nécessairement exercé une contrainte, ce qui veut dire que l'enfant était consentante. Il fallait sortir de ce débat sur le consentement, pour être sur l'infraction objective. Quelqu'un qui a plus de 18 ans et qui a une relation sexuelle qui a moins de 15 ans, c'est désormais un crime. L'enjeu est que ce ne soit pas seulement un délit mais un crime, qu'on vienne dire tu ne touches pas à l'enfant si t'as plus de 18 ans.
La victime a attendu cinq ans avant de dénoncer les faits. Pourquoi est-ce si difficile de le dire plus tôt ?
Il faut parfois même bien plus de temps que cela. J'étais membre de la commission sur les violences sexuelles dans l'Église, nous avons auditionné des hommes, des femmes qui avaient 70 ans et qui seulement maintenant pouvaient révéler, assumer le fait qu'il y a 60 ans ils et elles avaient été victimes de violences sexuelles. On enfouie en soi-même quelque chose qu'on ne veut pas voir et qu'on estime avoir été d'une violence extrême. Et puis, à un moment, ça ressurgit et on ose parler.
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