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Fin de vie : "Les directives anticipées disent quelque chose au moment où l'on est bien portant"

"Pour ces moments-là, il faut avoir le plus d'informations possibles", a affirmé lundi sur franceinfo le philosophe Damien le Guay, philosophe et auteur d'un livre sur la fin de vie.

Article rédigé par franceinfo
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L'entrée de l'hôpital où était hospitalisé Vincent Lambert, à Reims (Marne), le 2 juillet 2019. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

"Les directives anticipées disent quelque chose au moment où l'on est bien portant", a rappelé lundi 8 juillet sur franceinfo Damien le Guay, philosophe, éthicien, membre émérite du Conseil scientifique de la Société française d’accompagnement et de soins Palliatif (La SFAP) et auteur du livre Le fin mot de la vie (Le Cerf, 2014). Après des années de combat judiciaire, les parents de Vincent Lambert, patient tétraplégique en état végétatif depuis presque 11 ans, se sont résignés à la mort "inéluctable" de leur fils, dont les traitements ont été à nouveau interrompus la semaine dernière.

franceinfo : Cet apaisement - même s'il est l'apaisement d'un moment - vous paraît-il la moindre des choses ?

Damien le Guay : C'est toujours triste de voir quelqu'un en fin de vie, mais c'est encore plus triste de voir, depuis des mois et des années, une famille se déchirer publiquement, devant la France entière pour savoir quelle est la volonté de Vincent, ce qu'il voulait, souhaitait, espérait. Si l'on peut, in fine, avoir ce temps de recueillement pour que la famille puisse accompagner cette personne humaine dans ses derniers moments, c'est effectivement la moindre des choses.

Ce moment peut, d'après-vous, inciter à une réflexion et éviter la montée des passions ?

Je l'espère. Il y a deux choses à prendre en compte. La première, c'est que c'est une affaire délicate et privée, qui aurait dû rester dans le cercle familial, dans ce colloque avec les médecins, autour de la volonté de Vincent Lambert. Il y a des choses qui ne doivent pas s'exposer en public. Le grand Rabin Haïm Korsia disait "il est des questions qui ne devraient pas être posées à tue-tête, sur la place publique". On ne peut que le suivre.

Ce cas est particulier, mais n'y a-t-il pas une réflexion à engager sur l'expression des dernières volontés et surtout sur la personne qui a le dernier mot ?

Il est toujours très difficile de savoir qu'elle est la dernière volonté, au dernier moment, de celui qui est inerte, incapable de s'exprimer. Les directives anticipées, elles disent quelque chose au moment où l'on est bien portant, au moment où l'on est capable de s'exprimer. Mais il faut se souvenir de ce que disent tous ceux qui ont été confrontés à cela. Par exemple, Philippe Pozzo di Borgo (ndlr : homme d'affaires français devenu tétraplégique après un accident de parapente) disait : "Vous m'auriez demandé de signer un papier pour n'être pas dans la situation où je suis aujourd'hui, je l'aurais signé des deux mains. Si vous me demandez aujourd'hui d'accélérer ma fin de vie, je vous dit non". Qu'elle est la juste volonté au bon moment ? C'est toujours une situation très délicate.

Et la question de la personne de confiance (le conjoint, la conjointe), faut-il la figer dans la loi ?

Pour ces moments-là, il faut avoir le plus d'informations possibles. Les directives anticipées ne doivent pas êtres des directives sur le mode français, mais plutôt sur le mode suisse, pour donner une forme d'avatar de la personne qui n'était plus là : qu'est-ce qu'elle pensait ? Qu'elles étaient ses valeurs ? À quoi elle croyait ? Pour que, lorsqu'il faut prendre une décision à la place de la personne, l'on sache bien de qui on parle et ce qu'il voulait, espérait. Cela me semble plus positif que juste remplir un papier dans son fauteuil où l'on dit "je ne veux pas souffrir, je ne veux pas qu'on s'acharne contre moi", tout cela ne veut plus rien dire aujourd'hui.

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