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Féminicides : "C'est la vie et l'éducation sans violence qu'il faut prôner", souligne l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny

Si Jean-Pierre Rosenczveig ne nie pas que l'appareil législatif est encore très perfectible, ces violences sont fondamentalement un problème de société. "Il est intolérable que quelqu'un porte la main sur quelqu'un d'autre. Pour se défendre, oui. Pour attaquer, non."

Article rédigé par franceinfo
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L'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig. (MARLENE AWAAD / MAXPPP)

"C'est la vie sans violence, l'éducation sans violence qu'il faut prôner", clame l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, mardi 4 janvier sur franceinfo, alors que six policiers sont convoqués dont cinq ce jour devant un conseil de discipline pour des manquements dans la protection de Chahinez Daoud, brûlée vive en pleine rue à Mérignac, en Gironde, par son mari contre lequel elle avait pourtant déposé plainte. Le magistrat honoraire estime que l'on ne s'attaque pas "au fond du problème" des violences et appelle à éduquer contre celles-ci.

franceinfo : L'avocate Michelle Dayan, présidente de l'association Lawyers For Women, réclame la création de parquets spécialisés sur les violences faites aux femmes dans toutes les juridictions. Qu'en pensez-vous ?

L'idée est excellente. Qui va dire le contraire ? Reste la faisabilité. Dans les grands tribunaux, c'est déjà le cas. Quand ça n'existe pas déjà, s'il n'y a pas un parquet spécialisé, il y a une section spécialisée sur les questions touchant à la famille. Après, est-ce que ça touche l'ensemble des questions familiales ou seulement les problèmes de l'enfance ? Ça dépend des tribunaux. Mais dans les petits tribunaux où il y a deux ou trois substituts qui sont disponibles, ça paraît difficile d'envisager qu'il y ait un parquet spécialisé. Ça, c'est un problème d'organisation, néanmoins l'idée est excellente. Elle consiste à dire qu'à question spécifique, il faut des spécialistes, des policiers et des magistrats spécialisés, des intervenants spécialisés. Ce n'est pas moi qui vais dire le contraire. L'autre idée passionnante de Michelle Dayan, c'est le fait d'amener le parquet à motiver les décisions qui font qu'il ne suit pas les signalements qui lui sont faits, soit par la police, soit par les services sociaux. On peut améliorer tel ou tel maillon de la chaîne. Lorsque j'étais à Bobigny, à travers le Conseil départemental d'accès au droit, nous avons vérifié le fonctionnement de l'ensemble de la chaîne depuis la police jusqu'à l'exécution de l'indemnisation financière qui pouvait intervenir. Il faut le faire régulièrement, tous les deux ou trois ans et vérifier où ça dysfonctionne, soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons de personnes, soit pour des raisons de moyens.

"Mais, même si on fait cela, reste la vraie question. Ce ne sont pas les policiers qui sont en cause sur les maltraitances faites aux femmes, ce ne sont pas les juges qui sont en cause, c'est la société."

Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny

à franceinfo

Pourquoi y a encore des hommes qui frappent des femmes ? Pourquoi il y a encore des adultes qui frappent des enfants ?

Et quelle solution proposez-vous pour remédier à cette violence ?

C'est la vie sans violence, l'éducation sans violence qu'il faut prôner. C'est un changement. Je ne suis pas en train de diluer les responsabilités policières, judiciaires ou sociales. Il a fallu faire en sorte que, au plus tôt, lorsqu'une femme est en difficulté à la maison, elle puisse obtenir l'autorisation, sans être une mauvaise mère, sans avoir la crainte de perdre ses enfants, de vivre séparément. Ça nous a pris quarante ans pour en arriver là. Il faut aussi une prise de conscience par les policiers, les magistrats, de la réalité des violences. Souvenez-vous d'Yvette Roudy qui, en 1981, alors ministre déléguée aux Droits de la femme, disait qu'elle visitait des commissariats et voyait encore des policiers dire à des femmes qui étaient violentées de prendre une bonne douche et que ça allait passer. On est 40 ans plus tard et on n'en est plus là.

De nombreuses victimes disent encore que leurs plaintes ont été refusées par les policiers. Y a-t-il un défaut de formation sur les violences faites aux femmes ?

En Gironde, les cinq personnes qui sont poursuivies, côté policier, sont cinq hommes. Si on féminise la police, peut-être que la sensibilité aux violences faites aux femmes pourra évoluer encore plus vite. Si on les forme ensemble en formation initiale et surtout en formation permanente - ce que nous avons impulsé aussi, mais insuffisamment apparemment. Il faut maintenir cet effort de formations conjointes entre des policiers expérimentés et des procureurs expérimentés, des juges expérimentés, des gens qui ne sont pas là pour apprendre mais qui sont là pour s'organiser. On a beaucoup d'efforts à faire du côté de la prise de conscience et de la formation. Mais reste encore le vrai problème : comment apprendre aux gens, tout simplement, à vivre sans se battre ? C'est un problème majeur. Avant de mettre en cause l'instrument, il faut d'abord remettre en cause le fait. Ce n'est pas le thermomètre qui est en cause, c'est la fièvre. Il faut s'attaquer au fond des choses. Or, s'attaque-t-on au fond des choses ? On veut plus de lois, plus de lois, plus de lois. Mais la justice est exsangue. Donc c'est bien beau de vouloir en faire plus, il faut déjà mieux articuler ce combat. Et puis, il faut éviter de tout renvoyer sur la police ou la justice. On peut tout judiciariser mais en fait on ne judiciarise rien. Trop de justice tue la justice. Donc il y a un débat de société qui est posé. Effectivement, il est intolérable que quelqu'un porte la main sur quelqu'un d'autre. Pour se défendre, oui. Pour attaquer, non. Point barre.

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