#MeToo à l'hôpital : "La balance avantages-risques va en faveur des agresseurs plutôt que des victimes", déplore le syndicat des internes des hôpitaux de Paris
Au lendemain du lancement, par le Conseil national de l'Ordre des médecins, d'une vaste enquête sur les violences sexuelles dans le milieu médical, Audrey Bramly déplore l'absence d'une "réelle protection pour les victimes". Pour l'interne en anesthésie-réanimation à l’AP-HP et membre du pôle Violences et Harcèlement au Syndicat des internes des hôpitaux de Paris, invitée de franceinfo mardi 24 septembre, "actuellement en 2024, la balance avantages-risques va en faveur des harceleurs et des agresseurs plutôt que des victimes".
"On ne peut que saluer l’effort fait par le Conseil de l’Ordre, afin de lutter contre les violences sexuelles et sexistes, mais on pense que c’est insuffisant. Si la question est 'y a-t-il des violences ?' Oui, on le sait déjà en 2024". L'interne en anesthésie-réanimation à l’AP-HP s'appuie sur des témoignages, recueillis pendant une année, à propos du harcèlement dans sa spécialité : "En anesthésie-réanimation, sur un recueil de 22 témoignages, dans 77% des cas, [l'agression] vient d’un supérieur, d’un professeur universitaire ou d’un praticien hospitalier."
Toutes les conditions ne sont pas réunies pour parler sereinement
Si depuis la prise de parole de l'infectiologue Karine Lacombe en avril 2024, dénonçant le "côté systémique du harcèlement sexuel à l'hôpital", les victimes sont incitées à parler, Audrey Bramly s'interroge : "Quels sont les avantages ? Parler, ça nous amène à nous exposer, déjà dans le milieu de l’hôpital et au sein de notre équipe. Si on va jusqu’à la plainte au pénal, ça engage des frais d’avocat pour des résultats médiocres. Personne n’est sanctionné. Le jour où il y aura une réelle protection des victimes, une protection pédagogique notamment pour les internes que je représente, là, on pourra parler. Ce n’est pas le cas actuellement."
Interrogée sur le manque de femmes aux postes de responsabilité à l'hôpital, Audrey Bramly assure que ces cas de harcèlements et d'agressions sexuels seraient moins fréquents, mais il faut que "les femmes soient incluses dans le process". "Aujourd’hui, si une femme souhaite avoir des responsabilités [à l'hôpital], on nous demande si on souhaite être enceinte dans les un an, deux ans, cinq ans", explique la membre du pôle Violences et Harcèlement au Syndicat des internes des hôpitaux de Paris. "Ou alors, la question est encore plus directe : 'on est d’accord que vous êtes sous pilule ?' C’est pénalisant", s'agace-t-elle.
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