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Olivier Duhamel accusé d’inceste : la famille est un système "totalitaire" qui impose "une loi du silence", explique une psychiatre

Muriel Salmona énonce "l'omerta qui existe aussi dans la société, qui fait que les personnes peuvent se ranger facilement du côté de l'agresseur."

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le politologue Olivier Duhamel, en 2016. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"L'univers familial" a "un fonctionnement totalitaire" qui impose "une loi du silence" à la victime d’inceste, mais aussi aux membres de la famille, estime sur franceinfo mardi 5 janvier la psychiatre Muriel Salmona, alors que le livre "La Familia grande" publié aux Editions du Seuil, sort jeudi. Camille Kouchner raconte dans cet ouvrage que son frère jumeau a été victime d'inceste de la part de leur beau-père, le politologue réputé Olivier Duhamel. Son frère avait 14 ans à l'époque.

"On sait que les victimes, dans l'ensemble, mettent dix ans au moins en moyenne à pouvoir parler et que le plus souvent, elles ne sont pas entendues dans les trois quarts des cas", ajoute Muriel Salmona qui a fondé et préside l'association Mémoire traumatique et victimologie. 

franceinfo : La libération de la parole semble longue et difficile pour les victimes d'inceste. Pourquoi ?

Muriel Salmona : C’est très lent parce que tout est organisé pour bâillonner les victimes. L'univers familial fonctionne dans un système hyper hiérarchisé, avec une sorte de fonctionnement totalitaire. C'est une loi du silence qui s'impose à tous les membres de la famille, avec parfois même une terreur qui s'impose dans ce système.

"Tout est fait pour que les victimes soient prisonnières. Elles sont totalement traumatisées parce qu'elles sont en situation d'être piégées dans le système et de subir à répétition les crimes sexuels."

Muriel Salmona

à franceinfo

Et cela va vraiment organiser cette loi du silence du côté des victimes, mais aussi cette complicité du côté d’autres membres de la famille qui vont se mettre du côté du plus fort. Il faut affronter le risque d'avoir un opprobre familial, d’être exclu familialement.

Chaque proche qui sait mais qui ne dit rien porte une responsabilité ?

La responsabilité totale incombe au criminel, à l'agresseur. Les enfants, ce sont ceux qui sont les plus vulnérables et on doit les protéger. Il y a une obligation de dénonciation des crimes. Là aussi, il y a forcément une responsabilité, qui n'est pas du même ordre, mais qui est une responsabilité importante et qui est liée à toute l'omerta qui existe aussi dans la société, qui fait que les personnes peuvent se ranger facilement du côté de l'agresseur. Souvent parce que c'est là où, lâchement, est le côté qui paraît le plus sécuritaire pour eux.

Il y a un an l'affaire Gabriel Matzneff éclatait avec là aussi la publication d'un livre. Pourquoi écrire ? Ne faudrait-il pas mieux porter plainte ?

C’est pour cela qu’on se bat pour l'imprescriptibilité [des faits] et la levée de prescription pour des crimes en série. Mais il est toujours possible de porter plainte. Cela peut permettre l'ouverture d’une enquête pour voir s'il y a des faits qui pourraient ne pas être prescrits et s’il y a d'autres victimes. Mais c'est vrai que c'est aussi très important par rapport à cette société qui est dans le déni, qui véhicule des stéréotypes sexistes et une culture du viol, avec une mise en cause des victimes. Dans le cas de Camille Kouchner, elle a soutenu son frère. Elle est-elle-même une victime collatérale. Ce sera peut-être possible pour son frère [de parler], mais il lui faudra plus de temps.

"On sait que les victimes, dans l'ensemble, mettent dix ans au moins en moyenne à pouvoir parler. Elles ne sont pas entendues dans les trois quarts des cas."

Muriel Salmona

à franceinfo

Elles prennent le risque énorme de dévoiler les choses, quand il y a un risque qu'il y ait d'autres victimes. Ce sont les victimes qui montent au créneau. Ce sont les victimes qui font bouger les choses. Elles doivent avoir le courage de se relever pour changer le monde parce qu'elles veulent y croire et elles veulent croire en la justice.


Les enfants et adolescents victimes de violences, ainsi que les témoins de tels actes, peuvent contacter le 119, un numéro de téléphone national, gratuit et anonyme. Cette plateforme d'écoute et de conseil est ouverte 24h/24 et 7j/7. D'autres informations sont également disponibles sur le site Allo119.gouv.fr.

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