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"C'est un juste retour de bâton" : victime de "La Ligue du LOL", Matthias Jambon-Puillet a fini par dénoncer ses harceleurs

Pris pour cible sur Twitter, ce publicitaire et blogueur raconte comment il est "devenu parano" sur internet et sans doute dépressif en dehors.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Visé par les insultes de "La Ligue du LOL", Matthias Jambon-Puillet a dénoncé ses harceleurs sur Twitter, huit ans après. (@LEREILLY / TWITTER)

Il a subi les insultes sur Twitter. Les enregistrements moqueurs des écrits qu'il publiait sur son blog. Jusqu'à des messages à caractère sexuel envoyés, en son nom et pour lui nuire, à des mineurs. Dimanche 10 février, Matthias Jambon-Puillet, publicitaire, écrivain et adepte de Twitter dès ses débuts, a livré un long témoignage du harcèlement qu'il a subi de la part de membres de "La Ligue du LOL". A la suite d'un article publié par Libération, vendredi, de nombreuses victimes ont pris la parole pour dénoncer leurs agissements, en ligne mais aussi parfois en dehors.

"Au départ, je n'avais pas prévu de témoigner", affirme Matthias Jambon-Puillet à franceinfo. Son texte a été écrit dimanche, en réaction à deux lettres d'excuses qui lui ont "fait péter un plomb", publiées sur Twitter aux premières heures de l'affaire par des membres de "La Ligue du LOL" qu'il connaît bien, le publicitaire et podcasteur Sylvain Paley et le journaliste D. D.. 

Victime des "loleurs"

"Sylvain Paley est quelqu'un à qui j'en ai parlé, en personne, et qui dit aujourd'hui 'on ne savait pas'", s'agace Matthias Jambon-Puillet. Il explique nourrir "avec d'autres victimes (...) une haine particulière" pour le journaliste D. D., qu'il accuse d'avoir été "un des membres les plus actifs, notamment par des faux comptes" sur les réseaux sociaux, et qui est aujourd'hui "un de ceux qui a le poste avec le plus de responsabilités". L'intéressé, rédacteur en chef du site internet des Inrocks, a notamment été l'auteur d'un canular téléphonique visant la youtubeuse Florence Porcel.

Dans son texte, Matthias Jambon-Puillet dit, lui, avoir été harcelé à partir de sa rencontre en mars 2011 avec R.L-A., un autre membre de "La Ligue du LOL""Il a cru que je couchais avec une amie qui lui avait dit non", assure-t-il. Pour ce motif, il est rapidement suivi sur Twitter par de nombreux membres du groupe. Son compte ainsi que son blog, "sur lequel [il] verbalis[ait] [s]es interrogations, angoisses et névroses", sont pris pour cible par des messages insultants, parfois anonymes. Des "loleurs" – le nom qu'ils s'attribuent parfois – organisent un concours de lectures parodiques de ses écrits.

On poste alors, explique-t-il, des commentaires insultants en son nom sur les blogs féministes de certaines de ses amies. L'usurpation d'identité ira même plus loin. "Quelqu’un a commencé à diffuser un photomontage de moi en train de sucer un pénis", écrit Matthias Jambon-Puillet. "Le montage était envoyé en masse à des mineurs, jusqu’à 12–14 ans, avec la mention 'Salut je suis @lereilly [le pseudonyme de Matthias Jambon-Puillet sur Twitter], j’adore sucer, ça t’intéresse ?'." La veille, il avait révélé publiquement le nom de @Lapin_blanc, un membre très virulent de "La Ligue du LOL". Huit ans plus tard, il continue de penser que ce fameux membre est le responsable de ces messages à caractère sexuel.

"J'étais incapable de travailler"

En 2011, le Twitter français est encore un milieu très restreint : "Il y avait les journalistes, les publicitaires et les 'nerds'", résume Matthias Jambon-Puillet à franceinfo. Les utilisateurs forment de fait une petite communauté, qui se retrouve dans des soirées où les membres de "La Ligue du LOL" sont souvent présents, qu'ils aient été conviés ou non. C'est dans une de ces soirées que Matthias Jambon-Puillet a un jour recroisé R.L-A., le premier "loleur" à qui il avait eu affaire. "Et, ivre, il m’a donné son point de vue, l’origine de tout ça", raconte-t-il dans son texte : "'Je t’aime pas parce que t’es un faux gentil, tout ce que tu fais, c’est pour baiser des meufs'. (…) Je l’ai attrapé par le col. (…) Il m’a frappé les mains, je n’ai pas lâché." L'altercation en est restée là.

Huit ans plus tard, le harcèlement qu'il a subi a laissé des traces. "Sur le moment, je pense que j'ai traversé une phase dépressive", explique le jeune publicitaire à franceinfo. "J'étais incapable de travailler. C'est mon boss de l'époque qui m'a dit qu'il y avait un problème." Sur les réseaux sociaux, Matthias Jambon-Puillet a pris des mesures pour se protéger.

J'ai presque arrêté de publier sur mon blog. J'ai retiré les photos de moi, et j'ai supprimé plein de vieux comptes, je suis devenu parano. Tous les ans, j'efface tous mes tweets. J'ai mis huit ans à remettre mon vrai nom sur Twitter.

Matthias Jambon-Puillet

à franceinfo

Si la période la plus intense de harcèlement a duré quelques mois, "j'ai tout le temps eu peur que ça revienne" "Pour eux, les victimes étaient une galerie de personnages : j'étais un 'personnage Ligue du LOL', Florence Porcel aussi… On était leur boîte à jeux." Ces dernières années, "il y a eu des pics où ils revenaient et je me suis dit que c'était reparti."

Devenu écrivain, il a repoussé jusqu'au bout l'annonce de la publication de son premier livre, sous son vrai nom. Et il a toujours eu honte de cette histoire. Jamais il n'a parlé de cette période traumatique à sa famille.

Dieu merci, mon frère et ma mère ne sont pas sur internet et ne verront pas cette histoire.

Matthias Jambon-Puillet

à franceinfo

"On ne peut pas s'empêcher de se dire qu'on pourrait faire quelque chose mais qu'on n'y arrive pas", explique celui qui a été dissuadé par un avocat de porter plainte au sujet des messages à caractère sexuel envoyés à des mineurs. La loi sur le harcèlement en ligne n'existait pas encore, et il aurait fallu que les plateformes concernées acceptent de lever l'anonymat du ou des assaillants, un vœu pieux à l'époque.

Vendredi, quand Libération a sorti son article, "on s'est dit, avec des potes, que dans trois heures tout le monde aurait oublié". Mais la parole des cibles de "La Ligue du LOL" s'est libérée, et plusieurs victimes ont longuement raconté ce qu'elles avaient subi. Des membres du groupe Facebook ont publié des messages d'excuses. Parmi eux, R.L-A., qui a demandé "pardon à toutes les personnes qu['il a] blessées, Matthias et les autres""Il y a plein d'autres victimes à qui il n'a pas dit pardon. Le problème est plus global que moi, juge Matthias Jambon-Puillet. C'est quelqu'un à qui je ne ferai jamais confiance."

En revanche, les sanctions qui ont commencé à tomber contre les harceleurs le réjouissent "Cela n'apporte pas de solutions, mais c'est un juste retour de bâton. Ils ont quand même eu dix ans pour s'excuser."

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