Témoignage Droit à l'IVG dans la Constitution : "Bravo, vous dépassez nos rêves !", salue une signataire du "manifeste des 343"

Alors que le projet de loi inscrivant l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution est présenté mardi en Conseil des ministres, Claudine Monteil, 74 ans, souligne les avancées des cinquante dernières années.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Claudine Monteil (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIOFRANCE)

Le 5 avril 1971, Claudine Monteil signait le "manifeste des 343", cette pétition parue dans Le Nouvel Observateur, appelant à la légalisation de l'avortement en France. Plus de 50 ans plus tard, le projet de loi pour la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse est présenté en conseil des ministres, mardi 12 décembre. C'était une promesse d'Emmanuel Macron. Une manière de sanctuariser cette "liberté", à défaut d'un droit, selon la formulation retenue.

La mesure était réclamée de longue date par les associations féministes et notamment les militantes historiques comme Claudine Monteil, 74 ans aujourd'hui. L'historienne a été la plus jeune signataire du "manifeste des 343" à 21 ans, à peine.

Le mot tabou

Engagée au sein du Mouvement de libération des femmes et amie de Simone de Beauvoir, elle se souvient que le mot même d'avortement était tabou : "Nous ne pouvions pas le prononcer. Ni dans un café, ni avec des amis, ni avec des relations, ni avec notre famille... Nous venons de tellement loin." 

Alors, que l'interruption volontaire de grossesse soit inscrit dans la constitution, cela représente beaucoup à ses yeux : "L'initiative du président de la République, me paraît une très bonne initiative, je crois que c'est très important." C'est plus qu'une autre victoire, souligne Claudine Monteil : "En 1971, notre espoir était déjà que la société française dans les familles ose parler de l'avortement, de l'injustice et de l'horreur que vivaient tant de femmes françaises. Nous n'étions absolument pas dans l'idée de le faire inscrire dans la Constitution, nous étions très loin. Nous avions l'impression, chaque fois que nous réalisions des manifestations, des procès, d'être face à un mur, que, de toute façon, on n’avançait pas vraiment". 

"Nous avions tort : en réalité, nous semions des graines et finalement la société française a pris conscience. C'est plus qu'une victoire."

Claudine Monteil

à franceinfo

Et de saluer : "La jeune génération : sénatrices, parlementaires, députées, je les trouve formidables, je leur dis bravo, vous dépassez nos rêves !"

D'autres inquiétudes

Mais au-delà du symbole fort dans la pratique, l'accès à l'IVG reste inégal en France, avertit l'historienne : "Il y a des maternités qui ferment, il y a des hôpitaux qui ont des problèmes, il y a des médecins qui ne veulent pas les pratiquer. Il y a, d'autre part, la pilule abortive qui n'est pas fabriquée en France : il faudra aussi une campagne importante pour inciter des entreprises à s'installer en France pour qu'on ne dépende pas des Etats-Unis."

Un monopole inquiétant, estime Claudine Monteil alors que la méthode médicamenteuse représente 78% de l'ensemble des IVG en France, selon le ministère de la Santé : "Il y a toujours urgence à défendre le droit à l'avortement." Le 4 mars prochain, le Parlement devra entériner le projet de loi lors d'un vote aux trois cinquièmes. 

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