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Quatre questions sur la nouvelle condamnation de Jérôme Kerviel

L'ancien trader de la Société générale a été condamné à verser 1 million d'euros de dommages et intérêt à la banque. Contre 4,9 milliards lors d'un premier jugement cassé en 2014. Explications. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Jérôme Kerviel (à droite) et son avocat, David Koubbi, après la décision de la cour d'appel de Versailles (Yvelines), le 23 septembre 2016. (MARTIN BUREAU / AFP)

C'est 4,899 milliards d'euros de moins. Jérôme Kerviel a été condamné, vendredi 23 septembre, à verser un million d'euros de dommages et intérêts à la Société générale. Contre 4,9 milliards d'euros lors d'un premier jugement cassé en 2014. Explications.

Où en est Jérôme Kerviel sur le plan judiciaire ? 

Pour rappel, l'ancien trader, aujourd'hui âgé de 39 ans, a déjà été définitivement condamné au pénal à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour des manoeuvres boursières frauduleuses ayant abouti à 4,9 milliards de pertes pour la Société générale en 2008.

La Cour de cassation avait confirmé en 2014 cette condamnation pour abus de confiance, faux et fraude. Mais elle avait cassé le volet civil qui l'obligeait initialement à rembourser l'intégralité de ces pertes vertigineuses, arguant que la banque avait failli dans ses mécanismes de contrôle et ne pouvait prétendre à un dédommagement intégral. 

Du côté des prud'hommes, le licenciement de Jérôme Kerviel a été jugé abusif et vexatoire et la banque a été condamnée à lui verser 455 000 euros.

Que signifie cette nouvelle décision ?

La cour d'appel de Versailles, qui a hérité du volet civil de l'affaire, a confirmé que "les carences dans l'organisation et les dispositifs de contrôle et de sécurité de la banque, relevées notamment par le rapport Green et la Commission bancaire, et d'ailleurs sanctionnées par cette dernière, avaient un caractère fautif au plan civil".
Ces "carences" ont, pour elle, "concouru à la production du dommage, limitant le droit à indemnisation de la Société générale"

En cela, la Cour partage l'avis de l'avocat général, qui avait souligné lors du procès en juin les défauts de contrôle de la banque dans cette affaire. Il avait recommandé de rejeter intégralement la demande de compensation de la Société générale. Sur ce point, les juges de Versailles ne l'ont pas suivi, réclamant 1 million de dommages et intérêt à Jérôme Kerviel, jugé "partiellement responsable du préjudice" subi par la Société générale.

Y-a-t-il des recours ?

L'arrêt de la Cour d'appel est susceptible de pourvoi en cassation.

La Société générale, comme son ex-trader, ont salué cette décision, et aucun n'a parlé de recours dans l'immédiat. Mais David Koubbi, l'avocat de Jérôme Kerviel, a assuré, juste après l'audience, qu'il s'opposerait "à toute tentative de recouvrement" du million d'euros réclamé à l'ancien trader. Cette décision "me donne l'énergie pour continuer" ce "combat", a déclaré ce dernier, car il "estime encore ne rien devoir à la Société générale".

Pour la Société générale, cet arrêt est "compréhensible" et "convenablement construit""La cour, prenant en considération ses capacités contributives, fixe un montant que monsieur Kerviel pourra effectivement payer, dès lors que la Société générale le lui demanderait", a déclaré à la presse son avocat, Jean Veil.

La Société générale va-t-elle devoir rembourser de l'argent ?  

Les deux parties ont une lecture diamétralement opposée de la conséquence fiscale de cette décision pour la banque. La Société générale a bénéficié d'une déduction fiscale de 2,2 milliards d'euros à la suite de sa perte exceptionnelle de 4,9 milliards d'euros en 2008.

Après l'audience, Michel Sapin, ministre de l’Economie et des Finances, et Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget et aux comptes publics, ont fait savoir qu'ils avaient "demandé à l’Administration fiscale d’examiner les conséquences de cet arrêt sur la situation fiscale de la Société Générale concernant les résultats de l’exercice de l’année 2008 et de préserver intégralement les intérêts de l’Etat." 

L'avocat Jean Veil estime que le gouvernement ne devrait pas pouvoir demander le remboursement des 2,2 milliards, "compte tenu de la rédaction de l'arrêt, et compte tenu de ce qu'est la jurisprudence en la matière"

Au contraire, pour l'avocat de la défense, David Koubbi, "quelqu'un à Société générale doit préparer un stylo et un chéquier" pour rembourser cette somme, "siphonnée" des deniers publics à la suite de ce scandale.

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