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Le clan Hamidovic ou l'incontrôlable réseau des "petites voleuses du métro"

Une nouvelle branche du réseau Hamidovic est convoquée devant le tribunal correctionnel de Paris, vendredi. Retour sur un gang aux méthodes rodées.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Arrêt du métro à la station Mairie de Clichy après un vol à la tire, le 31 décembre 2010, à Paris. (MAXPPP)

Un "patriarche", une hiérarchie bien ficelée dans au moins cinq pays européens et des centaines de petites mains, en majorité des jeunes filles, forcées à jouer les pickpockets dans les transports. Quand elles arrêtent Féhim Hamidovic et 21 autres personnes en novembre 2010, les autorités pensent avoir démantelé le réseau responsable, notamment, de 75% des vols dans le métro parisien.

Quatre ans plus tard, quatre nouvelles personnes, dont le frère de Féhim Hamidovic, sa belle-sœur et un de ses neveux, sont convoquées devant le tribunal de grande instance de Paris, vendredi 10 octobre. Ils sont accusés d'avoir perpétué le réseau. Francetv info revient sur les méthodes de ce clan criminel aux rouages bien huilés.

Un chef de gang bien installé

La police est venue le cueillir avec sa femme, directement dans leur villa cossue tendance bling-bling, tout en marbre et dorures, à Rome (Italie), en novembre 2010, après trois ans d'enquête. Le 15 mai 2013, Féhim Hamidovic, sexagénaire au visage d'autant plus rond qu'il se dégarnit sur le haut du crâne, est condamné à sept ans de prison. Sa femme, Behija, écope de quatre ans de prison. Des peines qui seront alourdies à 12 et 8 ans ferme en appel, un an plus tard. 

A côté du couple Hamidovic sur le banc des accusés, vingt personnes, originaires pour la plupart de Bosnie-Herzégovine, condamnées notamment pour association de malfaiteurs, provocation de mineurs à commettre des délits, traite d'êtres humains ou encore vols en réunion.

A la tête de ce gang européen, Féhim et Behija Hamidovic ne déclaraient aucun revenu. Pourtant, ils revendiquent la propriété de deux maisons, dont une estimée à près de 270 000 euros, et d’un terrain de 800 m² pour un montant de 70 000 euros, selon Le Parisien. Ils participent aussi à des parties de cartes à 10 000 euros la mise minimum, tout en investissant dans le commerce de véhicules haut de gamme.

Déjà condamné en 2007 à trois ans de prison en Autriche pour une affaire de traite d'êtres humains, Féhim Hamidovic nie toute implication dans un clan. Selon lui, raconte Le Figaro, tout s'explique à cause d'un "chef de camp gitan" adverse qui n'aurait de cesse de l'accabler "par mineurs interposés".

Des petites mains "dressées" avec violence

Mais l'organisation Hamidovic est décrite par le parquet comme "une entité puissante, pérenne, professionnelle", un "vaste réseau de traite des êtres humains" avec un trafic, "une économie souterraine, des gains et une protection en son sein". Elle aurait, selon une estimation des enquêteurs, rapporté un butin de 1,3 million d'euros en 2009. 

Concrètement, le gang était présidé par Féhim et sa femme, secondés par leurs trois fils. Leurs ordres étaient exécutés à Bruxelles, Paris, Madrid ou encore Barcelone, par divers couples de confiance. Dont Jessica - un des nombreux pseudos qu'elle utilise - et son mari Roberto. "Entre 2008 et 2010, elle avait sous sa coupe une demi-douzaine de bambins qu'elle entraînait au vol après les avoir initiés", rapporte Le Monde (lien abonnés)"On souffre, on n'est pas éduqués. On connaît voler, manger, voler..." confie-t-elle lors de son audition par la police. Elle explique avoir été, "toute sa vie", "l'esclave de quelqu'un". En l'occurrence de Rambo, l'un des fils de Féhim, à qui elle remet très régulièrement le résultat des larcins de son équipe. 

Capture d'écran du reportage "Nom de code : Hamidovic" du reportage de 66 minutes diffusé en 2011 sur M6 sur le "gang des petites voleuses du métro" parisien.  (M6 )

Les enfants, essentiellement des filles "achetées" à leur famille contre une dot sonnante et trébuchante lors de mariages arrangés en Bosnie, sévissent dans les rames de métro de 8 heures à 20 heures. Cible prioritaire : les touristes asiatiques aux portefeuilles riches en liquide. Elles ont ordre de rapporter de 200 à 300 euros par jour pour une rémunération de 10 euros, détaille Le ParisienSans cela, elles sont battues, brûlées à l'aide de cigarettes et même violées, selon certaines. 

"Impossible famille joignable", répètent-elles en boucle quand elles sont prises la main dans le sac par les agents de la brigade des transports. A l'instar de Lena, aussi connue comme Natalia, Vesna, Chiara, Veronica, Manuela, Christina et dont Le Monde (lien abonnés) brosse le portrait, leur prénom change, tout comme leurs date et lieu de naissance. Une seule constante, elles s'appellent "Hamidovic". Et jurent avoir moins de 13 ans pour échapper à la prison. Placées en foyer, elles s'en échappent immédiatement pour rejoindre les hôtels parisiens miteux dans lesquels elles sont logées par les chefs.

"Ce sont de vraies victimes parce qu'elles sont exploitées au quotidien et leur seule possibilité de vivre, c'est de voler dans le métro. Et en plus, elles sont victimes de sévices, de violences, d'actes de barbarie", commente Thierry Boulouque, commissaire et chef de la Brigade de protection des mineurs à la PJ parisienne, au micro d'Europe 1.

Un réseau qui renaît de ses cendres 

Après l'arrestation du clan, "la situation s’est remarquablement améliorée pendant deux mois", constate Stanislas Gaudon, délégué du syndicat de police Alliance de la direction de l’ordre public et de la circulation, interrogé par France 24. Mais depuis, les vols ont repris. 

Si Féhim et Behija Hamidovic sont bien derrière les barreaux à Fresnes (Val-de-Marne), toutes les petites mains sont retournées dans le métro. "Elles n'ont pas été protégées comme les victimes qu'elles ont été reconnues être", déplore Guillaume Lardanchet, du collectif d'accompagnement des mineurs étrangers en danger "Hors la rue", joint par francetv info. Du coup, "elles ne connaissent que la rue et ont été reprises par les remplaçants du réseau", confirme-t-il.

En février 2011, la police arrête un Bosniaque en train de frapper à coups de pied une jeune compatriote de 13 ans, enceinte, avec quatre autres jeunes filles âgées de 12 à 14 ans autour de lui. "Elles expliquent que depuis le démantèlement du réseau Hamidovic, en novembre dernier, deux hommes ont repris l'affaire. Ils sont installés en Belgique et ils ont envoyé à Paris cet homme pour récolter de l'argent afin de payer l'avocat du chef présumé du clan incarcéré", raconte France Info.

En 2012, trois autres membres du clan sont interpellés à Paris : le frère, une belle-sœur et un neveu de Féhim Hamidovic. Accusés d'avoir perpétué le réseau, tous les quatre sont convoqués devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris vendredi 10 octobre.

Enfin, en juin 2013, une antenne "Hamidovic" est démantelée à Nice, ville par laquelle passe l'argent du réseau, planqué sous de multiples couches de jupes, entre Paris et l'Italie. Six personnes sont interpellées et écrouées. "Depuis leur arrivée sur la promenade des Anglais, début mars, les vols à la tire ont 'explosé', passant de 80 faits mensuels à près de 580"relate France 3 Côte-d'Azur. Sur le téléphone de l'épouse d'un des suspects, les policiers ont retrouvé une vidéo dans laquelle elle "passe à tabac" une jeune voleuse présumée "ne rapportant pas assez d'argent".

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