Procès de Monique Olivier : "Je veux que les cris d'Estelle appelant sa maman vous hantent dans votre cellule", la plaidoirie émue des avocats des parties civiles

Aux assises des Hauts-de-Seine à Nanterre, le procès de Monique Olivier, jugée depuis trois semaines, entre dans sa dernière phase. L’épouse du tueur en série Michel Fourniret doit répondre de complicité dans les enlèvements et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
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Un croquis d'audience représente Monique Olivier devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, le 5 décembre 2023. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Monique Olivier a été vendredi 15 décembre interrogée une toute dernière fois. Son procès dure depuis trois semaines et entre dans sa dernière phase. L’ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret doit répondre de complicité dans les enlèvements et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parish et Estelle Mouzin.

Le président lit longuement les déclarations de Michel Fourniret, l'ex-époux décédé de Monique Olivier. Il a repris quasi chacune des réponses de ce dernier devant les enquêteurs au sujet des trois jeunes victimes dont il est question à cette audience. Et à la fin, priée de réagir, Monique Olivier a juste balbutié : "J'ai envie de dire 'c’est du Fourniret', c’est tout." Me Didier Seban, avocat des familles des jeunes victimes tente : "Il disait avant de mourir que s'il ne vous avait pas rencontrée, il n'aurait pas eu ce parcours criminel, qu'en pensez-vous ?"

Dans son box, la septuagénaire tremblante en jogging noir et blanc nie mollement : "C’est faux, c’est pas moi qui l'ai poussé à faire tout ça. Il avait besoin de quelqu'un qui l’accompagne pour voir ce qu'il était capable de faire, mais moi je ne l’ai pas encouragé." Elle réfute aussi la description que Michel Fourniret a fait d’elle en audition : celle d’une femme indifférente capable de mâcher du chewing-gum devant une scène de crime. "C’est exagéré", souffle seulement l’accusée.

L'accusée impassible

Monique Olivier, tête baissée, ne laisse ensuite transparaître aucun sentiment, quand deux pères inconsolables viennent livrer quelques dernières phrases à la cour d’assises. Éric Mouzin d’abord, le père de la petite Estelle, explique en somme que ce procès n'a pas été complètement vain pour lui et ses proches : "Les mots d'hier de Monique Olivier ont été très clairs au sujet des trois jours où Estelle avait été enlevée mais pas encore tuée, gardée par Monique Olivier." "Dans le box, elle a explicité, elle a livré des détails", note-t-il. Des détails douloureux pour ce père mais précieux pour celui qui veut savoir depuis 20 ans.

Après lui à la barre, Roger Parrish lit, ému, les mots qu'il a couchés sur une feuille de papier, décrit "[sa] Joanna, fille aimante, attentionnée, intelligente, tuée à 20 ans, qui n'aurait jamais fait confiance à un homme seul'. "Mais à un homme accompagné d'une femme, ça, oui c'est possible", lâche-t-il. Ce père d'aujourd'hui 80 ans, insiste : depuis l'identification de Monique Olivier et Michel Fourniret, "on a été convaincus qu'ils étaient responsables. Après les éléments entendus dans cette salle, nous le sommes encore plus", termine-t-il, les yeux humides.

Beaucoup d'émotion dans les plaidoiries des avocats des familles de victimes

L'une des cinq avocats de parties civiles, Me Marine Allali, fond même en larmes au milieu de sa plaidoirie. La jeune trentenaire commence avec ces mots : "Je suis de la génération Estelle." Avant d'évoquer "celles qu'on n’a pas vues à la barre" : les trois mamans de Marie-Angèle, de Joanna et d'Estelle. "Seule la troisième a témoigné, mais à distance, en visioconférence", souligne-t-elle car "pour ces femmes, être dans cette salle, respirer le même air que Monique Olivier, c'est une idée insupportable". Face à ces dossiers, commente la jeune avocate : "Soit on est quelqu'un qui a des enfants et on ne veut, on ne peut imaginer l'horreur. Soit on n'en a pas et alors c'est à ces parents qu'on pense, à la douleur qui serait la leur de nous perdre et de nous perdre ainsi." Elle déplore "les silences choisis", selon elle, de Monique Olivier pour ne pas dire où ont été enterrés les corps de la jeune Marie-Angèle et de la petite Estelle. "Pour ces familles, ça a été un deuil sans sépulture." Elle termine en interpellant les jurés : "C'est vous qui, par votre délibéré, permettrez de mettre un terme à cette quête sans fin, vous qui permettrez à ces victimes de reposer en paix".

"Des aveux à géométrie variable qui ont fait souffrir les familles"

Me Corinne Hermann, avocate des parties civiles

devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine

Avant elle, Me Corinne Hermann qui a suivi le couple Fourniret depuis des années, a haussé le ton : "Dans ses aveux, Mme Olivier s’implique le moins possible, revient en arrière alors qu’elle sait qu’elle a commis les faits", rappelle-t-elle laissant éclater sa colère. L'avocate expérimentée lâche en regardant le box : "Elle n'est pas une oie blanche, elle a scellé le pacte avec lui [Micjel Fourniret], a adopté ses choix, sa volonté."

Corinne Hermann, au contact des tueurs en série depuis 27 ans, confie : "Le moment le plus glaçant que j'ai vécu, c'est avec elle. Après des heures de reconstitution dans le froid, je lui ai demandé 'vous auriez pu ouvrir la porte à Estelle pour qu'elle s'enfuie'. Elle m'a répondu les yeux dans les yeux, je n'oublierai jamais 'Oui, j'aurais pu, oui.' 'Vous auriez pu ouvrir à Joanna aussi, à Marie-Angèle, Isabelle, Natasha et toutes les autres…' À cette audience, poursuit-elle toujours véhémente, vous avez dit : 'Avec du recul c'est impardonnable.' À vous mesdames et messieurs les jurés, mesdames et messieurs de la cour, de lui dire que même sans recul, c'est impardonnable. À vous ensuite d'ajouter trois nouveaux noms sur la liste macabre."

"Vous n'avez pas de compassion"

Pour finir, Me Didier Seban plaide pendant une heure le dernier volet de ce qui est sans doute, avec l'affaire Emile Louis, le dossier de sa carrière. "Après le premier procès Fourniret à Charleville-Mézières, j'ai développé un cancer tant ca a été difficile de revivre ce que ces gamines ont vécu", se souvient-il. L'avocat est très sévère quand il pointe du doigt les failles de l'institution policière et de la justice. Il rappelle les ratés. "Nous avons eu dans ces trois dossiers des policiers lamentables qui ont empêché toute enquête sérieuse sur le couple malfaisant."

"Si les familles n'avaient pas été là pour se battre jusqu'au bout, pour empêcher les non-lieux, pour demander qu'on n'oublie pas leurs petites filles, ce procès n'aurait pas eu lieu"

Me Didier Seban, avocat des parties civiles

devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine

"Fourniret et Olivier, on aurait pu les arrêter bien avant et il n'y aurait pas eu autant de victimes, il n'y aurait pas eu Estelle notamment en 2003". Didier Seban se plante devant le box : "Madame Olivier, vous n'avez pas de compassion, vous aviez passé un pacte criminel avec Fourniret. Pour Estelle, cette fillette de seulement 9 ans, vous n'avez pas eu un mot, pas une caresse pas un repas, pas une couverture". Il poursuit d'un ton ferme : "Une fillette de 9 ans qui demande sa maman - 'je veux voir ma maman' ? Je veux que ces cris vous hantent dans votre sommeil, dans votre cellule de la maison d'arrêt."

L'accusée dans le box semble encore un peu plus pâle que d'habitude. Elle fait d'imperceptibles mouvements de tête de gauche à droite mais ne lève pas les yeux. Lundi matin, la parole sera donnée aux deux avocats généraux pour leur réquisitoire. Les deux avocats de Monique Olivier plaideront ensuite. La cour se retirera mardi matin, après les derniers mots de l'accusée, pour délibérer. Le verdict doit être rendu mardi soir.

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