Ils ont fait l'actu. Coco, dessinatrice de "Charlie Hebdo" : la mémoire toujours vive
Sébastien Baer revient sur les événements marquants de l'année 2021. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent.
8 septembre 2020. Au procès des attentats de janvier 2015, Coco, la dessinatrice de Charlie Hebdo, est contrainte de faire ressurgir des souvenirs qu'elle préférerait oublier. À la barre, Coco raconte comment, sous la menace d'une kalachnikov, elle a dû composer le code de la porte pour permettre aux terroristes d'entrer dans la salle de rédaction. Près de six ans après le drame, la jeune femme de 38 ans reste toujours autant marquée. "C'est deux mondes, presque. La vie est là et vous l'aimez, vous avez envie d'en profiter, vous êtes privilégié, chanceux d'être encore en vie. Et en même temps, tout vous rappelle la mort, la culpabilité, c'est un entre-deux difficile à traverser" déclare Coco.
Sept mois après la fin du procès, Coco poursuit sa lente reconstruction dont elle a fait le récit dans une bande dessinée, Dessiner encore. Le 1er avril, elle est devenue la caricaturiste attitrée de Libération, en succédeant à Willem. Les trois mois du procès des attentats de janvier 2015, fin 2020, lui ont permis un peu d'apaiser ses cauchemars, ses traumatismes, sa culpabilité et ses angoisses. "C'était émotionnellement très dense, très, très lourd, mais c'était nécessaire. J'entendais les paroles des familles, des parties civiles et il y avait un besoin d'acter quelque chose. Et puis le procès a été très dur aussi parce qu'il y a eu les trois attentats de Nice, de Samuel Paty et puis, devant la rue Nicolas-Appert, pendant le procès. Cela a été très dur à encaisser, ça, en plus du procès, presque comme si ça ne s'arrêtait jamais. Dehors, quand on sort du procès, là encore, il y a des actes de terrorisme... Cela a eu sur moi un retentissement très fort, Samuel Paty, d'autant qu'il montrait nos dessins."
Pour autant, Coco ne s'est pas libérée totalement de ses souvenirs et des éléments qu'elle a enfouis profondément dans son esprit depuis 2015. "Je n'ai pas voulu tout dire parce qu'il y avait des familles, aussi, des proches, des collègues de Charlie qui avaient perdu un père, un fils, un mari, un amoureux. Et moi, ça m'a toujours fait bizarre parce que j'ai toujours pensé que d'autres avaient peut-être plus souffert que moi, même si ça ne veut pas dire que je n'ai pas souffert. Mais ce n'est pas facile de parler de soi quand d'autres ont perdu des gens très proches." Coco a du mal à se faire au statut de victime. "C'est vraiment un mot que je n'aime pas parce que j'ai l'impression qu'aussitôt qu'on se dit victime, on est enfermés là-dedans et on n'est plus rien d'autre".
Pour la dessinatrice, l'un des aspects les plus compliqués à gérer est la culpabillité qu'elle ressent à être celle qui a ouvert la porte de Charlie Hebdo aux terroristes. "Je regretterai toujours quelque chose au fond de moi, même si je suis sortie d'une espèce de boucle infernale. J'ai longtemps pensé que c'était de la passivité ou que je n'avais rien fait ou que je n'avais rien empêché. Ça m'a fait beaucoup culpabiliser. J'ai très mal vécu ce moment."
"Charlie" comme bouée
Pour Coco, il a été très important de retrouver Charlie Hebdo après les attentats. "C'était la réponse politique à apporter à ce crime, c'était de dire : ils n'ont pas tué Charlie. Ça peut paraître un peu naïf, un peu symbolique, mais c'était important pour nous de faire ça. Et puis, qu'est-ce qu'on avait d'autre, finalement ? Moi, j'avais l'impression que si je ne m'y remettais pas tout de suite, ce truc allait me bouffer très, très vite. Et je m'en suis rendue compte parce que je ne dormais quasiment plus, je ne faisais que ça. Et dès que je m'arrêtais, ces images du 7 janvier revenaient, revenaient, revenaient... C'était vraiment obsédant."
Coco n'a pas cédé à l'autocensure après les attaques. "Je ne m'interdis rien du tout. Je suis toujours partie du principe que dès que quelqu'un commence à s'autocensurer, il se censure sur tout. Finalement, moi, j'ai toujours dessiné sur tout, sur le cul, la guerre, les religions. Voilà : on est dans une société libre et il faut pouvoir défendre ça. Même si parfois les dessins choquent les gens, c'est tant mieux, parce que ça amène à penser autrement. Ça bouscule, ça crée du débat. Tout ce qu'on veut, c'est pouvoir exposer des idées et qu'à des idées, on réponde par d'autres idées et pas par les armes, comme cela a été le cas le 7 janvier."
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