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Procès du Carlton : la relaxe "pure et simple" requise pour DSK

A l'issue du réquisitoire mardi dans le procès du Carlton à Lille, certains s'étonnent du décalage entre l'instruction et les audiences. Seule une peine de prison ferme est requise, pour "Dodo la Saumure", sur 14 prévenus. Le procureur requiert comme prévu la relaxe pour Dominique Strauss-Kahn.
Article rédigé par Delphine Gotchaux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (DSK mardi à Lille © REUTERS / Pascal Rossignol)

"Tout ça pour ça ", c'est le commentaire d'un avocat au tribunal correctionnel de Lille ce mardi. Seules des peines de prison avec sursis ont été requises, sauf pour "Dodo la Saumure". 14 prévenus comparaissaient dont 13 pour proxénétisme aggravé, dans ce qu'on appelle le procès du Carlton, avec pour star l'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn.

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Pour DSK, "la relaxe pure et simple ", voilà ce que le procureur Frédéric Fèvre a requis. En une quinzaine de minutes à peine, il a démontré que "ni l'information judiciaire ni l'audience n'ont permis d'établir sa culpabilité ". A la fin de l'instruction déjà, le parquet avait requis un non-lieu, a rappelé le procureur qui a suivi toute l’enquête en tant que procureur de Lille. "Au cour de ce procès le parquet n'a pas davantage soutenu l'accusation ", a-t-il dit.

"DSK était-il l'organisateur de ces rencontres ? " a demandé le procureur. "La réponse est non, et cela a été confirmé par ses amis ", a-t-il affirmé. Puis a répété "la réponse est non " pour plusieurs questions sur DSK : a-t-il organisé ? payé ? réservé ?  "La réponse est non ". Et concernant son appartement avenue d'Iéna à Paris dans lequel il recevait des filles ? "DSK y abritait ses amours, on ne peut pas en déduire que ce lieu lui permettait d'abriter la prostitution ".

"Nous travaillons avec le code pénal, pas avec le code moral"

Mais le procureur a aussi enfoncé le clou sur la présence de Dominique Strauss-Kahn à ce procès. "Sans DSK, cette affaire aurait été réglée depuis bien longtemps comme toutes les affaires de proxénétisme jugées ici chaque semaine " a dit le procureur. DSK "a incontestablement donné à la procédure une dimension hors norme, politique, médiatique et morale ", "en dehors de la dimension pénale, la seule que nous avons à connaître ", a-t-il ajouté. "Dès lors j'estime que DSK doit être traité comme n'importe quelle autre personne ", a-t-il ajouté.

Au président, le procureur a demandé : "vous l'avez qualifié d'homme le plus puissant du monde, un homme puissant serait-il nécessairement coupable ? " Et le procureur de se dire à plusieurs reprises "troublé " par "l'évocation récurrente depuis sa mise en cause des pratiques sexuelles de DSK ", "le seul prévenu pour lequel on a poussé aussi loin le souci du détail ". "Ne nous trompons pas de débat ", a dit le procureur, rebondissant sur les propos du président au début du procès. "Chacun est libre de vivre sa sexualité comme il l'entend dès lors que ce n'est pas répréhensible ". "Nous travaillons avec le code pénal, pas avec le code moral ", avait-il également déclaré en préambule du réquisitoire. Il requiert donc la relaxe pour DSK, car "notre système judiciaire doit pouvoir s’enorgueillir de ne pas condamner quelqu’un au bénéfice du doute ".

Deux ans dont un ferme pour "Dodo la Saumure"

Le procureur et sa substitut Aline Clérot se sont livrés à une démonstration minutieuse, pédagogique, replaçant ce dossier à son exacte hauteur : "celui de multiples petits arrangements entre amis " et non d'"un groupe mafieux ". La peine la plus lourde requise est celle contre "Dodo la Saumure" : deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 10.000 euros d'amende. "Dodo nous dresse un tableau idéal de ses établissements, mais du 'Déjeuner sur l'herbe' d'Edouard Manet on passe rapidement au 'Guernica' de Picasso " a constaté le procureur.

Pour sa compagne Béatrice Legrain dite "Béa", qui "dans ce dossier veut apparaître comme une prostituée et non comme une proxénète ", le procureur requiert trois mois avec sursis et 5.000 euros d'amende. Dans le volet du Carlton, le parquet a également requis 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 2.500 euros d'amende contre René Kojfer, ancien chargé des relations publiques de l'hôtel. Ainsi que 8 mois avec sursis et 10.000 euros d'amende contre Hervé Franchois, propriétaire du Carlton et Francis Henrion, directeur de l'établissement.

"Le prévenu nous ment, mais c'est une intime conviction"

Les amis de DSK maintenant. Fabrice Paszkowski a organisé 15 soirées, rappelle la substitut du procureur, il "apparaît comme un véritable ambitieux, prêt à tout pour plaire aux puissants ". Recruteur, intermédiaire "mais son rôle le plus fondamental aura été celui de financeur ", dit-elle. Le procureur requiert deux ans de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende. Même réquisitions concernant David Roquet : difficile de savoir ce qui l'a motivé à suivre Fabrice Pazskowski dit la substitut, est-il "naïf ou dévoré d'ambition " ?

Jean-Chrisophe Lagarde enfin, ancien commissaire divisionnaire chef de la sûreté départementale du Nord, qui a maintenu aux audiences ne pas savoir qu'il avait affaire à des prostituées. Le procureur n'est pas tendre avec lui : "Son absence de discernement est inquiétant pour un policier de son niveau ". "Le prévenu nous ment ","mais il s'agit là d'une intime conviction ". Trop léger pour fonder une condamnation, le procureur demande donc la relaxe pour Jean-Christophe Lagarde pour les charges de proxénétisme, mais trois mois avec sursis et 5.000 euros d'amende pour le volet financier. Relaxe requise également en matière de proxénétisme pour l'ancienne compagne de Fabrice Paszkowski, Virginie Dufour, mais six mois avec sursis et une amende de 3.000 euros pour le volet financier. 

 

"Il y a des gens abîmés par la vie des deux côtés de la barre " a également  constaté le procureur lors de son réquisitoire. "Les prévenus ont déjà payé au prix fort leur mise en cause ", "certains ont tout perdu, leur travail, leur honneur, leur réputation, et je vous demande d'en tenir compte au moment de votre délibéré " a-t-il indiqué aux magistrats. Et puis le procureur a conclu : "Mon rôle c'est aussi de dire que ce qui m'a frappé, c'est l'absence totale de considération pour les femmes " dans ce dossier. Sûr que les trois avocats de DSK reviendront sur cette question, ils plaident chacun leur tour dès la reprise de l'audience mercredi à 9h30.

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