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PMA pour toutes : pourquoi les femmes concernées risquent de devoir s'armer de patience malgré le décret

Le ministre de la Santé a annoncé, mercredi, que le décret d'application de la loi était publié au Journal officiel. Une décision qui ne permet pas de changement dans l'immédiat, notamment en raison de la faible réserve de sperme.

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une membre du centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) de l'hôpital Tenon à Paris, le 24 septembre 2021. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

La procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes était l'une des promesses du quinquennat d'Emmanuel Macron. Après de longs mois d'attente, le décret d'application de la loi de bioéthique a été publié, mercredi 29 septembre, au Journal officiel. Il comporte, en plus de la PMA pour toutes, la possibilité pour les hommes de 29 à 45 ans et les femmes de 29 à 37 ans de congeler leurs gamètes "en vue de la réalisation ultérieure d'une assistance médicale à la procréation". Et ce, sans raison médicale. Un autre volet de la loi concerne la levée partielle de l'anonymat des donneurs de sperme. Ainsi, les enfants nés d'une PMA grâce à un don de sperme anonyme pourront connaître l'identité de leur géniteur à leur majorité. 

Mais, malgré l'avancée sociétale saluée par de nombreux professionnels, beaucoup craignent que la loi ne puisse pas répondre dans l'immédiat au désir d'enfant des femmes qui le souhaitent. "C'est une très belle loi, mais malheureusement, aujourd'hui, la seule prise en charge possible est la mise sur liste d'attente", regrette le professeur Michaël Grynberg, chef du service de médecine de la reproduction à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine).

"Nous sommes déjà débordés de demandes"

En juin dernier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait souhaité, après le vote des députés, que "des couples de femmes puissent s'inscrire dans des parcours PMA dès la rentrée et que des premiers enfants puissent être conçus avant la fin de l'année 2021". Un vœu qui paraît aujourd'hui impossible. "C'est une annonce politique, en fait", estime Michaël Grynberg. Selon lui, "les premières paillettes [de sperme] pour les femmes célibataires ou en couple ne seront pas éditées avant au moins un an et demi".

"Nous sommes déjà débordés de demandes à l'origine", approuve la docteure Christine Decanter, cheffe du service gynécologie-infertilité-assistance médicale à la procréation et préservation de la fertilité au CHU de Lille. "Les patientes doivent aller rencontrer un psychologue, le notaire pour une reconnaissance de parentalité anticipée… Le montage du dossier prend déjà au moins six mois." Celles qui commencent dès aujourd'hui le processus ne seront pas prises en charge avant au moins le "second semestre" 2022, selon elle. Dans le meilleur des cas.

Une augmentation de personnel nécessaire

Conscient de ce problème, Olivier Véran a annoncé à la mi-septembre un budget de huit millions d'euros pour diviser par deux le délai moyen d'attente. Objectif : le réduire à moins de six mois. Cette enveloppe comporte également une augmentation du personnel dans les structures dédiées, comme des secrétaires médicales ou des techniciens de laboratoire, pour gérer l'afflux de demandes.

Depuis le vote de la PMA pour toutes, environ 3 500 demandes ont été recensées alors que le ministre de la Santé s'attendait "à un millier de demandes en plus en 2021". C'est ce qu'affirmait l'entourage d'Olivier Véran à l'AFP mi-septembre. "Il va falloir mettre en place cette loi sans avoir des délais rédhibitoires", insiste Christine Decanter, estimant que la mesure va représenter environ "30% d'activité en plus pour les hôpitaux publics". "Il est impossible de ne pas accompagner cette loi d'une augmentation du personnel." 

"Dans les deux structures que je gère, nous avons reçu entre 50 et 70 demandes sur les trois derniers mois sans motif médical", comptabilise Michaël Grynberg. La congélation des ovocytes est particulièrement demandée.

"Nous sommes déjà dans le rouge en temps normal, alors si on ajoute un doublement ou un triplement de notre activité, ce n'est pas possible. Si la moitié des femmes de 29 à 37 ans veulent congeler leurs ovocytes, le système va exploser."

Professeur Michaël Grynberg, chef de service à l'hôpital Antoine-Béclère

à franceinfo

"Il y a énormément de demandes par téléphone ou par mail et on a l'impression que ça va augmenter", confirme Christine Decanter. 

Une baisse temporaire des donneurs de sperme ?

Plus que la congélation des ovocytes, c'est surtout le manque de donneurs de sperme qui inquiète les praticiens. "Il n'y a pas de raison pour qu'on fasse passer les couples de femmes avant les couples hétérosexuels qui attendent pour un don de sperme, explique Christine Decanter. Il y a de plus en plus de demandes de dons d'ovocytes, mais les donneurs de sperme nous intéressent davantage."

La levée partielle de l'anonymat des donneurs pourrait réduire leur nombre, craignent plusieurs centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos). "La réserve des donneurs va se réduire", anticipe le professeur Samir Hamamah, chef du département de biologie de la reproduction (AMP-Cecos) à l'hôpital Arnaud de Villeneuve, à Montpellier. "En Suède, la levée de l'anonymat a provoqué un passage à vide pendant deux ou trois ans avant une nouvelle génération de donneurs."

"Tant qu'on n'offre pas la possibilité d'utiliser les banques de sperme à l'étranger, on ne va pas pouvoir répondre à la demande et réduire les délais, avance Michaël Grynberg. Si on n'arrive pas à répondre aux demandes dans un délai raisonnable, des femmes vont continuer à aller à l'étranger ou recourir à des donneurs de sperme sous le manteau."

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