Reportage Épisode de froid : dans certaines prisons françaises, les détenus contraints au système D pour se réchauffer

Dans certaines prisons, qu'elles soient vétustes ou plus modernes, les températures des cellules peuvent tomber sous les 15°C. Des détenus sont obligés d'allumer des plaques de cuisson pour se réchauffer.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le centre de détention d'Argentan (Orne), le 3 décembre 2019. (MARIE LENGLET / MAXPPP)

L'épisode de froid de ces derniers jours en France représente un moment difficile pour les sans-abri, les mal-logés. Elle est une période très compliquée à vivre également pour les détenus dans certaines prisons mal chauffées en France. Il y fait parfois des températures de 15°C, voire moins. La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté comme l’Observatoire international des prisons (OIP) l’ont prouvé en faisant des relevés de températures inopinés. 

Leila, cette semaine, a appelé plusieurs fois son petit frère, qui se trouve au centre de détention d’Argentan, dans l'Orne en Normandie. Accablée par son récit au bout du fil, elle lui prépare un nouveau colis de chaussettes et pulls en laine. "Ce qu'il m'a dit, c'est qu'il fait un froid... il n'a jamais vu ça ! Ils sont dans la même galère, ils sont obligés de dormir avec leurs affaires, s'exclame Leila. Et quand on l'a expliqué au directeur adjoint puis à un surveillant chef, il m'a dit : 'Mais non, tout est réglé, le chauffage est dans toutes les cellules', alors que ça n'est même pas vrai", regrette-t-elle.

"Les températures sont très basses, en dessous de 15°C. Quand il fait bon, c'est déjà difficile dans leur situation, mais toute la journée dans un froid glaçant, le cerveau ne sait plus à quoi penser. C'est horrible."

Leila, sœur d'un détenu

à franceinfo

"Froid aux mains, aux pieds... Je sais, ils ont fait des bêtises, je sais qu'ils sont en train de payer, ajoute Leila, mais ce n’est pas une raison pour les accabler davantage ou de les humilier. Bien sûr, on pense à eux, on a peur qu'ils tombent malades, et malheureusement ils attrapent des bronchites ou des grippes."

Le centre de détention d’Argentan a été construit dans les années 1980. Mais d’après la dernière enquête de l’OIP, le froid ne touche pas que les cellules des établissements vétustes. Même dans ceux de nouvelle génération, il a été relevé des températures préoccupantes dernièrement, comme au centre pénitentiaire de Lutterbach, en Alsace, inauguré il y a deux ans. La faute aux fenêtres mal scellées que les détenus peinent à calfeutrer.

Le froid pose "des problèmes sanitaires"

C’est plus globalement le système D face au froid en prison, explique Odile Macchi, responsable du pôle enquêtes à l’OIP : "L'utilisation des plaques de cuisson comme chauffage de substitution est une pratique très courante, c'est une des manières les plus efficaces de réchauffer un tant soit peu l'atmosphère."

"La nuit, les personnes peuvent mettre les plaques, mais elles ont peur que ça crée un incendie, donc il faut choisir entre avoir chaud et les risques que ça peut poser."

Odile Macchi, responsable du pôle enquêtes à l’OIP

à franceinfo

"On peut parfois demander des couvertures supplémentaires mais il n'y en a pas forcément en stock, donc c'est assez aléatoire, déplore-t-elle. Ce problème du froid vient renforcer des conditions de détention indignes dans beaucoup d'établissements pénitentiaires. 15°C, c'est très difficilement tenable sur la durée. Ça empêche de faire quoi que ce soit d'autre que d'essayer de se réchauffer et ça pose des problèmes sanitaires."

Certains détenus ont aussi déploré ces dernières semaines ce qu'ils décrivaient comme des coupures complètes du chauffage la nuit. Interrogée, l’administration pénitentiaire dément et promet que, dès qu’une panne intervient, des techniciens sont mobilisés pour limiter les nuisances.

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