Cet article date de plus de trois ans.

Agression raciste d'un livreur à Cergy : ce que l'on sait de l'affaire après l'interpellation du principal suspect

Un homme suspecté d'avoir agressé un livreur noir d'Uber Eats dimanche soir, et qui a injurié et menacé une riveraine qui filmait la scène, a été placé en garde à vue. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Photo d'illustration d'un commissariat de police à Valence. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS)

"Je me suis retrouvé recouvert de sang", raconte Joseph au micro de BFMTV le lendemain de son agression. Dimanche 30 mai dans la soirée, ce livreur pour la société Uber Eats a été frappé et insulté devant le restaurant Brasco à Cergy (Val-d'Oise) où il attendait une commande à livrer. Mardi 1er juin, le suspect a été interpellé et placé en garde à vue, a appris franceinfo de source policière. Il avait également menacé et tenu des propos racistes à l'encontre d'une habitante du quartier qui filmait la scène. Voici ce que l'on sait de cette agression.

Un homme agressé et insulté 

Dimanche soir, le livreur se présente au restaurant Brasco de Cergy pour récupérer une commande passée sur la plateforme Uber Eats pour laquelle il travaille. Il patiente en écoutant de la musique sur son enceinte. "En sortant du resto Brasco, un mec vient me voir et me dit : 'Eteignez votre musique', se souvient Joseph sur BFMTV. Par gentillesse, je descends le volume de mon enceinte. Ça ne lui suffisait pas. Il a dit : 'Il faut descendre'. J'ai refusé."

Rapidement, le ton monte et l'inconnu agresse alors physiquement Joseph. "Il m'a donné un coup de poing. Après, je me suis retrouvé par terre", affirme Joseph sur BFMTV"La violence était tellement inouïe que mon client a eu l'impression que c'était terminé pour lui", explique son avocat Méhana Mouhou. "Il est sous le choc, traumatisé par cette violence et des propos qu'il a entendus."

Une femme, témoin de l'altercation, filme la scène depuis sa fenêtre, avant d'être elle aussi prise à partie par l'agresseur présumé. Dans cette vidéo, très partagée sur les réseaux sociaux, on voit un jeune homme situé en bas d'un immeuble proférer des insultes racistes. "Pendant 800 ans, on vous a vendu comme du bétail, espèce de sale noire !" lance-t-il ainsi à la riveraine. Dans un deuxième temps, le jeune homme s'en prend à Joseph et l'autrice de la vidéo commente : "Il l'a traité d'esclave et l'a fait saigner... Voilà son sang par terre..." 

Cette témoin alerte alors la police et Joseph est ensuite pris en charge par les pompiers. Il présentait "plusieurs plaies", rapporte l'AFP. Tous les deux ont déposé plainte pour des faits qualifiés de "violence volontaire avec la circonstance aggravante de racisme", "injures publiques à caractère raciste" et "apologie de l'esclavage et de crime contre l'humanité", a précisé le procureur de Pontoise. L'enquête a été confiée au commissariat de Cergy-Pontoise.

Le suspect placé en garde à vue 

Dès le lendemain de l'agression, lundi, la police nationale du Val-d'Oise a annoncé l'ouverture d'une "enquête judiciaire d'initiative" en vue d'identifier l'auteur de ces menaces et injures racistes. Après la diffusion de plusieurs vidéos appelant à retrouver l'agresseur, la police a demandé de "ne pas relayer les témoignages haineux et de laisser l'enquête se dérouler".

Mardi, à 12h45, un homme a finalement été interpellé "sans violence" dans le 10e arrondissement de Paris par la brigade anticriminalité. Il est soupçonné d’être l’auteur des insultes racistes, a appris franceinfo de source policière. Il a été placé en garde à vue et transféré dans le Val-d’Oise pour être entendu, précise France Bleu Paris.

Le jeune homme, âgé d'une vingtaine d’années, avait quitté le département après les faits, inquiet par les appels au lynchage qui circulaient sur les réseaux sociaux. Selon nos confrères de France Bleu Paris, l'agresseur présumé est déjà connu des services de police notamment pour outrage, mais également pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.

Le gérant du restaurant  également menacé

Dans la vidéo, l'agresseur présumé précise : "Je travaille ici, j'habite ici, je paie un loyer ici." Lundi midi, près de 150 personnes se sont ainsi retrouvées devant Brasco, à l'appel d'un groupe appelé Brigade anti-négrophobie, certaines croyant que l'agresseur présumé était un salarié du restaurant et souhaitant donc réclamer des comptes au gérant.

Ce dernier, invité sur le plateau de l'émission "Touche pas à mon poste" lundi soir, a assuré ne pas connaître l'agresseur présumé et démenti le fait qu'il soit un de ses employés. Il a également précisé qu'il n'était pas sur les lieux au moment de l'agression et que seul un salarié était présent en cuisine. "C'est un acte plus que raciste, c'est odieux ce qu'il s'est passé", a ainsi déclaré le gérant, par ailleurs menacé de mort selon France Bleu Paris. Il a également porté plainte.

En attendant les suites de l'enquête, le préfet du Val-d'Oise, en accord avec le maire de Cergy, a décidé de prendre une mesure de fermeture administrative du restaurant pour sept jours pour "nécessité de l'ordre" et "tranquillité publique".

De nombreuses réactions après l'agression   

Cette agression a fait réagir de nombreuses personnalités, à commencer par le maire de Cergy, Jean-Paul Jeandon. "C'est inadmissible d'entendre de tels propos en France", a-t-il commenté au micro de BFM Paris, disant espérer "que la justice aille vite" pour que "les tensions s'appaissent". 

Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, "les propos de l'agresseur sont une démonstration de la permanence de la vision dégradée de telle ou telle population – ici les Noirs assimilés à descendants d'esclaves et animalisés – que l'Histoire a léguée".

Quant à la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, elle a annoncé que sa commission juridique "a estimé que les propos en question étaient suffisamment qualifiés pour qu'un signalement soit effectué auprès du procureur de la République. Si celui-ci décide de poursuivre, la Licra se constituera partie civile".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.