Pédocriminalité dans l'Église : "Il n'y a pas de lien explicite entre célibat et pédophilie", selon l'évêque de Versailles
L'ouverture de l'ordination aux hommes mariés n'est pas "la seule solution" a indiqué Monseigneur Luc Crepy, évêque de Versailles ce mardi sur franceinfo, après la publication du rapport Sauvé sur les violences sexuelles au sein de l'Église.
"Il n'y a pas de lien explicite entre célibat et pédophilie", a estimé mardi 5 octobre sur franceinfo, Monseigneur Luc Crepy, évêque de Versailles, chargé de la lutte contre les abus sexuels dans l'Église de France, après la publication des conclusions accablantes de la commission Sauvé. Pour lui c’est la "question de la toute-puissance" qui est un "des moteurs" pour ces pédocriminels, alors que les "religieux sont là pour servir les fidèles et ne pas exercer une forme de pouvoir". Il regrette également "l'absence de réaction" et "l'absence de sanction" au sein de l'Église.
Au total, 216 000 victimes d'abus sexuels par des clercs ou des religieux, et plus de 330 000 victimes, si on ajoute les laïcs, ont été recensées entre 1950 et 2020.
franceinfo : La commission préconise que l'ordination s'ouvre aux hommes mariés, qu'en pensez-vous ?
Mgr Luc Crepy : Je ne suis pas sûr que ce soit la seule solution, sachant qu'on voit que la plupart des crimes s'organisent dans le cercle familial, donc je ne suis pas sûr que ce soit la première mesure à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre la pédocriminalité dans l'Église. Pour moi, il n'y a pas de lien explicite entre célibat et pédophilie. Dans les semaines qui viennent, l'objectif est de se saisir des recommandations du rapport afin d'y réfléchir et que dans un mois nous avancions sur la mise en œuvre de ces recommandations. Il faut prendre au sérieux ce rapport.
Imaginiez-vous ces conclusions, il y a trois ans, quand la commission a été mise sur pied ?
Non, vraiment pas. Je n'imaginais pas l'ampleur et l'étendue des chiffres que nous a transmis ce matin la commission Sauvé. J'avoue que je suis abasourdi par ces chiffres avec un profond sentiment de honte. Et je pense bien sûr aux milliers de victimes par des prêtres et des clercs. Pour l'Église, dans laquelle beaucoup de gens ont fait confiance, c'est vraiment un grand sentiment de honte. Les mots sont presque insuffisants pour exprimer ce désarroi et ce sentiment d'horreur.
Il y a une responsabilité systémique de l'Église, c'est ce que dit la commission, êtes-vous d'accord ?
L'Église n'a pas organisé ces crimes, mais il y a une responsabilité systémique dans le sens où, l'Église n'a pas vu, n'a pas pris les moyens, n'a pas réagi et n'a pas fait ce qui était nécessaire face à tel ou tel prédateur. D'une manière générale, il y a eu dans l'Église, une absence de réaction, de sanction et un manque vigilance. En tout cas, il faut œuvrer à ce que la lumière et la vérité soient faites et pouvoir faire en sorte que les personnes victimes puissent parler, s'exprimer, dénoncer et qu'elles puissent être accueillies. Et face à leurs paroles, il n'y a aucun déni qui doit tenir. Et ensuite, ce sera à l'Église de prendre les moyens nécessaires à travers la justice civile pour condamner tous ces crimes.
Vous dites que c'est à cause de la tentation de la toute-puissance, qu'est-ce que cela signifie ?
Dès qu'on a une responsabilité, un pouvoir ou une autorité, il y a toujours la tentation de vouloir dominer l'autre, mettre la main sur l'autre ou abuser de l'autre. C'est une tentation, qui je crois est très humaine. Un prêtre est vu comme quelqu'un de sacré, qui est à part, et bien la toute-puissance s'exerce, ce qui risque d'entraîner des abus de pouvoir. Et je pense que cette question de la toute-puissance est un des moteurs pour comprendre ce qui anime tous ces pédocriminels. Et je crois qu'il faut rappeler aux religieux qu'ils sont là pour servir les fidèles et ne pas exercer une forme de pouvoir.
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