Pédocriminalité dans l'Église : la présidente de l'instance indépendante reconnaît "l'immensité de la tâche"
Une instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation devra instruire les demandes des victimes de violences sexuelles. "Tout est à faire en terme de processus d'élaboration", reconnaît Marie Derain de Vaucresson.
La réparation des victimes d'agressions sexuelles au sein de l'Église est une "tâche immense" a confié sur franceinfo Marie Derain de Vaucresson, juriste spécialiste des droits de l’enfant, présidente de la nouvelle instance indépendante annoncée par la conférence des évêques de France pour s'occuper de la question de la reconnaissance et de la réparation des victimes.
Cette instance "sera plurielle, avec des hommes et des femmes du corps médical, du monde judiciaire, et aussi des victimes", a précisé la juriste, mettant en avant son expérience dans la justice réparatrice et restaurative. Cette spécialiste des droits de l'enfant a dit s'engager pour être "aux côtés des victimes."
franceinfo : Comment imaginez-vous cette instance et quel sera son rôle ?
Marie Derain de Vaucresson : Elle aura un rôle essentiel qui est de répondre aux attentes et aux besoins des victimes en matière de reconnaissance de la responsabilité de l'Eglise dans ce qu'elles ont vécu comme victimes. Elle aura aussi un un rôle de réparation avec l'immensité de la tâche, quand on pense à ce que le rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise) nomme l'empêchement de vivre, l'empêchement d'être, conséquences des violences sexuelles que ces victimes ont subi. J'imagine cette instance plurielle dans les profils, avec des personnes réunissant des hommes et des femmes du corps médical, du monde judiciaire et puis aussi de personnes victimes pour être toujours en ligne directe du rapport de la Ciase, qui invite à s'appuyer sur ce qu'on appelle souvent le savoir expérientiel des personnes victimes. C'est difficile pour le moment de dire avec précision comment cela va s'organiser. Tout est à faire en terme de processus d'élaboration.
Pourquoi avoir accepté ? Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre en charge cette mission ?
Ce qui m'a poussé, c'est indéniablement d'être aux côtés des victimes sans réserve et pas n'importe comment. Jusqu'à la déclaration de vendredi par l'assemblée plénière des évêques sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Eglise, je voyais encore quelques réserves et quelques points à préciser. Tant qu'on ne s'engageait pas sur la reconnaissance de cette responsabilité, il n'était pas possible de s'engager non plus dans un dispositif de réparation. Il fallait vraiment en passer par là. À partir du moment où cela est posé, j'imagine assez sereinement avoir des garanties et les moyens nécessaires pour faire fonctionner cette instance dans l'intérêt des victimes. C'est aussi la question du positionnement de l'Eglise et l'approche globale de cette question. Quand les évêques disent que les fonctionnements doivent évoluer pour éviter que ça ne se reproduise, pour la catholique critique et exigeante avec l'Église que je suis, c'est une garantie. Une garantie que ça pourra bouger et que l'on pourra apporter des réponses adaptées.
"L'enjeu, c'est effectivement d'être dans une maison sûre comme a pu le dire le pape François et cela passe par le fonctionnement de la structure."
Marie Derain de Vaucresson, juriste spécialiste des droits de l’enfantà franceinfo
En quoi votre expérience reconnue de juriste, mais aussi votre engagement pour la protection des enfants va vous aider dans cette tâche ?
On n'a pas besoin d'une catholique pour piloter une instance comme celle-ci, on a besoin de compétences professionnelles, de connaissances de fond sur la justice réparatrice, et puis de connaissance de réseau et de compétences d'autres personnes à mobiliser. L'expérience de la justice restaurative, l'expérience de l'animation d'équipes de pilotage de projet, je peux l'apporter, je l'ai fait depuis un certain nombres d'années. Je suis aussi connue pour être attentive à la question de la place des femmes dans l'Eglise, mais aussi des compétences spécifiques que les femmes ont à apporter dans un monde qui est principalement masculin. On pourrait aussi ajouter la question des laïcs.
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