Pédocriminalité dans l'Église : "On commence pour la première fois à avoir une méthodologie de travail", salue le co-fondateur de La Parole Libérée
François Devaux estime cependant qu'il est "essentiel que le pape prononce également la reconnaissance de la reponsabilité institutionnelle de l'Église", après avoir abordé la question de l'indemnisation des victimes.
"On commence pour la première fois à avoir une méthodologie de travail et un calendrier à peu près sérieux", a réagi lundi 8 novembre sur franceinfo François Devaux, co-fondateur de l'association de victimes La Parole Libérée, après les annonces de la Conférence des évêques sur la question de l'indemnisation des victimes d'agressions sexuelles.
Les évêques ont décidé de constituer une instance nationale indépendante dont le rôle sera d'instruire les demandes des victimes de violences sexuelles, avec un fonds abondé notamment par la vente de biens immobiliers de l'Église. Pour François Devaux, il est désormais "essentiel que le pape reconnaisse à son tour la responsabilité institutionnelle de l'Église" pour pouvoir vraiment lancer un processus de transformation.
franceinfo : les annonces de la Conférence des évêques sonnent-elles la fin de la procrastination des évêques que vous dénonciez ?
François Devaux : Oui, pour la première fois, on commence à avoir une méthodologie de travail et un calendrier qui commence à devenir à peu près sérieux. Bien évidemment, tout ne va pas pouvoir se faire en une semaine de travail, ça va être plus long à mettre en place. Mais il faut saluer ce travail, ce sont des engagements et puis on verra comment tout ça se met en place. En revanche, il est évident que les évêques vont se retrouver rapidement pieds et poings liés sur le reste de ce qu'il faut engager en termes de réforme. Il y a un certain nombre de préconisations du rapport Sauvé qui relèvent du Vatican et du pape. Donc il est essentiel que le pape prononce également la reconnaissance de la reponsabilité institutionnelle de l'Église. Car on voit bien que c'est cela qui est le point de départ pour engager ensuite tout le processus comme l'ont fait les évêques. Le pape est bien conscient de la dimension systémique du problème, il y a déjà eu un certain nombres de commissions à travers le monde qui ont mis en évidence la problématique, en Australie, en Allemagne, en Irlande, à Boston. Sur les questions de théologie, de droit canonique, de position sur la sexualité, d'ouverture aux laïcs, aux femmes, tout ça ne va pas pouvoir être porté par les évêques eux-mêmes. Tant qu'on ne réformera pas le système, l'abus dans tous ces types va perdurer, les abus sexuels sur mineurs, sur majeurs, les abus de pouvoir, spirituels. Dans le rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église), on ne peut pas prendre que deux ou trois recommandations, il faut toutes les appliquer.
La Conférence des évêques en appelle au pape François en lui demandant d'envoyer des émissaires. Est-ce que c'est un bon début ?
C'est un bon début, mais la réalité, c'est que ça devrait être le pape lui-même qui depuis bien longtemps aurait dû engager ce principe-là. On a pris les choses à l'envers parce qu'on n'arrive pas à obtenir de réponse sérieuse de la part du Vatican. Donc en France, on a la chance d'avoir un pays où la démocratie est fiable et stable, où la justice répond à des principes élémentaires d'impartialité, où il existe la liberté d'expression, de la presse, et c'est bien la pression médiatique des victimes qui a permis qu'on en arrive là. Ce n'est pas le cas partout dans le monde.
"Est-ce que l'Eglise catholique peut reconnaître qu'il y a une différence de traitement entre les victimes à travers le monde ? Une victime africaine n'aura pas droit à la réparation alors que nous en France qui sommes bien nés y avons droit. C'est ça l'Eglise universelle ?"
François Devaux, co-fondateur de La Parole Libéréeà franceinfo
Il pèse sur les épaules du pape une responsabilité dont il n'a vraisemblablement pas pris la mesure. Et tant que lui ne reconnaîtra pas la dimension systémique du problème, les conférences épiscopales ne pourront pas avancer librement pour réparer ce qui doit l'être. Il y a chaque jour des victimes qui meurent dans leurs souffrances et dans leur silence sans jamais trouver le moindre réconfort et la moindre réparation.
Cette réparation en France va passer par un fonds d'investissement qui sera abondé par le fruit de la vente de bien immobiliers de l'Église, c'est ce que vous demandiez ?
Evidemment, car la situation des diocèses n'est pas égale. Certains diocèses sont en faillite, n'ont pas les mêmes fonds propres que d'autres. Est-ce qu'on peut parler de solidarité ? Je parlerais plutôt de fraternité. Est-ce que des pays qui n'ont pas une puissance financière suffisante peuvent compter sur le Vatican et les biens du Vatican pour obtenir une réparation financière ? Il y a encore beaucoup à faire. Il faut que le Vatican initie ce mouvement. L'Église catholique a un statut bien particulier qui est un statut hiérarchique, avec un État, un chef d'État, un chef spirituel. Donc il y a bien un lien de subordination entre le pape et les évêques, entre les évêques et les prêtres... C'est toute l'institution qui doit reconnaître cette responsabilité de façon universelle, quels que soient les différents codes pénaux dans le monde.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.